En découvrant les 20 premières minutes du projet qui suit lors des travaux d'élèves du Théâtre de la Rue de de Belleville (Nantes) en 2020, puis en revoyant une nouvelle version du même projet l'année suivante, j'ai eu envie d'en suivre la création. Parce que les comédiens me semblaient habités, parce que le texte était intense, parce que l'ambiance ne laissait pas indifférent... Bref, les extraits présentés étaient très prometteurs. J'ai donc pris contact avec Amaël Charuault, metteur en scène (et aussi comédien). Nous avons décidé, ensemble, de vous proposer ce journal de bord. Il sera constitué d'interviews, de notes de travail et de différentes traces qui marquent un processus créatif. Les doutes, les questions, l'enthousiasme et la peur. Une autre manière de plonger dans l'âme des créateurs...
"Comment retenir sa respiration "
Journal de bord d'une création
- Au coeur de la mise en scène - entretien avec AMAEL CHARUAULT
- Au coeur de la traduction - entretien avec BLANDINE PELISSIER
- Notes de résidence et de travail (BIENTÔT!)
- Une dernière lettre pour la route (BIENTÔT!)
Bonne lecture et, surtout, bon spectacle!

Bonjour Amaël! Quelles sont les embûches principales quand on monte un projet comme « Comment retenir sa respiration » ?
Comme c'est un premier projet, on découvre un peu tout : l'administratif, les droits qu'il faut payer pour pouvoir mettre en scène le texte et tout ce qu'il y a à côté, monter un dossier, organiser un planning de répétition avec ses comédiens. C'est difficile parce que c'est la première fois, mais c'est hyper intéressant: on apprend plein de choses.
Tu es tout seul à faire ça ?

Sur les dernières répétitions, Elora, qui faisait partie de l'école avant, et qui est dans le projet, va m'aider pour la mise en scène. Mais sur l'organisation elle-même, oui, je suis tout seul.
C'est le premier projet artistique que tu montes ?
Oui. Enfin, dans les 3 années de formation, il y a eu des cartes blanches ou d'autres types d'exercices, mais sinon, c'est le premier projet que je monte en entier.
Avant l'école du TPN tu avais participé à des projets, mais tu n'en avais jamais monté ?
Je n'avais jamais pris la responsabilité de me dire : je construis une équipe, je l'emmène et on fait quelque chose ensemble. J'étais quand même jeune, je n'avais pas d'expérience et je pense ne pas avoir eu les épaules pour le faire. Mais là, maintenant, avec la formation du TPN on a appris plein de choses et c'est l'occasion de se lancer, de tester tout ce que tu as appris.... Et puis on voit tellement Régis, Flore et Mathilde faire dans tous les sens que ça nous donne envie. Moi, ça me donne envie en tous cas !
Donc, ton envie s'est portée sur "Comment retenir sa respiration". Pourquoi ce texte ?
Je l'ai lu une première fois. Je n'avais pas accroché. Parce qu'il y a des choses que je ne comprenais pas, je pense du fait que je n'avais pas acquis une certaine maturité. Une certaine expérience...
Une certaine maturité sur la lecture des pièces ou sur le transfert qu'on peut faire du texte à la mise en scène ?
Oui, sur le transfert. Même moi en tant que humain, en tant que personne, j'étais encore à la fac, je commençais à acquérir une certaine maturité
Tu l'as lu en anglais ou en français ?

En français. C'est une de mes profs d'initiation à la mise en scène à la fac qui nous en a fait découvrir un extrait, parmi d'autres. Je lui ai demandé de lire la pièce en entier, elle me l'a donnée. Après, je l'ai mis de côté. Quand je suis arrivé sur Nantes, je voulais enrichir ma culture en contemporain, en classique. J'ai décidé de m'y re-confronter. Je l'ai relu deux, trois fois. Au fur et à mesure, je commençais à mieux comprendre et ça m'a vraiment donné envie d'aller plus loin.
Tu sentais dedans que des choses pouvaient te parler, déjà ?
Oui. Le rapport entre les personnages dans la pièce est très fort, il m'interpellait déjà au départ. Après, quand j'ai compris certaines choses ou que j'ai grandi aussi en moi-même, je les ai encore plus comprises. Je me suis dit, ça ça me plaît !
C'est une pièce adulte...
Oui... Tous les rapports qui sont montrés que ce soit amour, personnel ou même hiérarchique, le travail, les rapports les liens familiaux qu'il peut y avoir... C'est très adulte.
Et il y a des notions de géopolitique...
Je n'étais pas plus que ça dans la géopolitique à la base. Je me renseigne, je m'informe, j'écoute mais je ne suis pas à fond dedans. C'est peut-être ce qui au début a fait que je n'avais pas tout compris. Après en prenant du recul et en regardant ce qui se passe autour de soi, tu te dis ah oui, il faut en parler.

Le cadre général de la pièce, le cours du monde pour le dire tout simplement, est hyper présent et hyper important.
Oui. On parle de villes et de choses concrètes qui traversent dans le monde, comme les migrations notamment.
Cet enjeu-là te plaît ?
C'est le fait que ce texte-là ne ment pas. Zinnie Harris, dans son écriture, a montré les choses comme elles sont. Elle ne les a pas maquillées, pas habillées. Cette écriture vraie m'a interpellé. C'est très actuel, très contemporain, et moi, personnellement, quand je vais voir un spectacle, il me touche d'autant plus si je peux faire le lien avec ce qui m'entoure.
Tu n'aimes pas l'ésotérisme ou le côté symbolique d'une écriture qui pourrait être beaucoup plus philosophique, on va dire, ou poétique ?
Non, c'est pas que je n'aime pas. Mais ça va moins me percuter. Ca va me saisir moins rapidement. Ca peut me saisir, je peux trouver des pièce qui sont très belles, mais moins rapidement. Il va falloir que je prenne du recul pour y repenser. Là, ça m'a vraiment touché...
Il faut que ça s'ancre dans du réel ?
C'est ça. Pour une pièce de théâtre, un film, un livre, une série... il faut qu'on parte du réel. Mais ce petit côté un peu fantastique ne me dérange pas, au contraire! Là, on a une histoire de démon, on ne sait pas si c'est vrai ou pas... C'est très étrange et c'est d'autant plus fort que c'est très concret... C'est magnifiquement écrit. A la fin, on se demande si c'est réel ou pas tout ce qui a pu se passer ! Chacun se fait sa propre interprétation et y repense obligatoirement encore et encore. Je trouve ça chouette quand je vais voir un spectacle ou quand je lis du théâtre de, après, que ça soit tout de suite après ou même un jour après d'y repenser parce que ça m'a vraiment percuté.
Ca c'est un peu on va dire, le style de projet qui te parle aujourd'hui...

Qui me parle le plus en tous cas, aujourd'hui, maintenant. Après, si je monte d'autres projets, et j'en monterai d'autres, c'est sûr, j'espère, je le veux, ça ne sera pas que des écritures comme ça. J'ai aussi envie de me mettre en danger, d'aller voir d'autres univers, des univers un peu plus légers... Parce que là, c'est assez lourd dans l'écriture et dans la forme. C'est un drame contemporain.
Le danger du monde te plaît, se mettre en danger dans le monde, ça te plaît ?
Oui ! Je pense que c'est comme ça qu'on se sent vivant.
Donc à la fois cette pièce est difficile par les sujets qu'elle aborde et par son traitement, mais aussi parce que les comédiens qui sont dedans sont d'une part nombreux...
Oui !
Ce qui n'est pas évident à gérer...
Non...
Et en plus les rôles sont très intenses... Comment as-tu emmené ton équipe avec toi ? Comment l'as tu choisie...
Déjà, il y avait une réelle volonté d'être un groupe: il y a dix personnages. J'avais vraiment envie d'avoir beaucoup de comédiens sur scène. C'est de plus en plus rare parce que ça implique des difficultés.
Ca n'est possible qu'en école, presque...
Oui, c'est ça. Et je n'en pas envie de perdre ça. C'est tellement beau, beaucoup de comédiens sur scène... A côté de ça, j'ai aussi cette vision des choses où j'aime bien un comédien/ un personnage, c'est une question d'identité visuelle. J'accorde beaucoup d'importance à l'image et au costume, à ce que quelqu'un peut dégager. Pour moi, si un comédien joue 2 ou 3 personnages et que ça n'est pas justifié, ça va me sortir de quelque chose quand je le verrai. Ou alors il faut que le comédien soit vraiment très bon ! Là, je me suis fait mon petit casting dans l'ordre, j'ai pris les personnages, je voyais un tel ou une telle. J'ai proposé aux comédiens et j'ai eu la chance qu'ils me disent oui tout de suite.

Ils ont dit oui après avoir lu la pièce évidemment...
Je leur en ai parlé, leur ai donné le texte, ils m'ont dit, oui carrément, ça a l'air chouette ! Et tu as l'air de vraiment savoir ce que tu veux et où tu veux nous emmener donc....
Comment s'est mis en place le travail avec eux ?
Quand je suis rentré au TPN, je savais qu'on devait avoir un projet de sortie. J'ai su très rapidement que ça allait être celui-là... A partir de ce moment-là, pour la carte de blanche en fin de deuxième année, je me suis dit, on va commencer à amener le truc, voir si ça le fait ou pas.
C'est ce que tout le monde fait...
Oui! J'ai suivi la même voie parce que ça me paraît très cohérent et on est dans un cadre d'école, donc c'est le moment de tester ça. J'ai proposé à mes comédiens, on a commencé à travailler pour juin 2020 dans mon salon parce que j'ai la chance d'avoir un grand salon. C'est cool, on pousse tous les meubles et on a la place. Après il y a eu le confinement, donc ça a pas mal bloqué les choses. On se voyait deux fois par semaine en visio pour faire des lectures, des répétitions... Pour travailler sur le texte. En juin on a proposé une première version de 20 minutes, où Roxanne Pissote jouait le rôle de Dana.
Pour avoir vu cette 1ère version, ils étaient tous très bien.
Oui ! J'ai la chance d'avoir des supers comédiens. Tous. Vraiment, c'est une super équipe... Après, Roxanne a arrêté le théâtre, dans un choix de vie. Donc, ça été un peu dur au début. Parce que c'est quelqu'un que j'estimais beaucoup et avec qui on avait déjà fait un vrai travail. Mais j'ai respecté son choix ! Donc, j'ai cherché une autre comédienne, j'ai trouvé Anaïs Barbier et on a dû refaire tout un travail, notamment sur la proximité avec Thomas qui joue Jaron. On a réussi, ça se déroule bien, je suis rassuré.
Entre parenthèses, ce qui a fait que je trouve vraiment ton travail intéressant, c'est justement, qu'après la 1ère version que j'avais trouvée déjà très très bien... tu as réussi à faire le même travail avec Anaïs pour sortir d'elle ce qui correspond au personnage, notamment dans les scènes avec Thomas - Jaron. Avec deux comédiennes très différentes, tu as réussi à faire en sorte que les scènes existent avec les mêmes couleur, force et intensité. Le « couple » est là et emmène les spectateurs. Il y a une puissance réelle dans votre travail, déjà, et tout ce que je vous souhaite, évidemment, c'est de l'amener au bout.

J'espère !
A mon sens, tu réussis très bien tout ce qui touche à la direction d'acteur.
Merci. Je trouve que chaque comédien a toujours quelque chose en lui de son personnage et j'aime bien prendre ça et le mettre au service du texte. "Comment retenir sa respiration" est un texte très actuel, avec un langage naturel, donc ça ne sert donc à rien de travailler sur du grand jeu. Autant prendre quelque chose du comédien et le mettre au service du personnage pour que les deux se servent l'un l'autre, c'est hyper important.
Ca veut donc dire que tu as fait un long travail avec chacun avant...
Oui. Quand j'ai présenté le projet et leur rôle aux comédiens auxquels je pensais, je leur ai donné le texte, ils l'ont lu, après j'ai dit : "voilà, ton personnage, je le vois comme ça, comme ça... Il a cette vie-là, il écoute telle musique, s'habille de telle manière... Qu'est ce que tu en penses?". On en a discuté longuement avec chacun. Je leur ai demandé de me faire une playlist de musiques qui correspondent à leur personnage. C'est passé par plein de petits éléments comme ça. Après, on a commencé le travail sur le texte.
Une question bête... Est-ce que le confinement vous a servi à ça?
Il n'y aurait pas eu le confinement, on l'aurait fait aussi. Ca n'aurait rien changé. Mais oui, ça nous a aidés. J'ai pu prendre du temps avec chacun, on a pu faire ce travail de table, de lecture en visio. Mais, il n'y aurait pas eu le confinement, on l'aurait fait quand même, parce que c'est hyper important. Parce que pour que le comédien s'amuse sur scène, se donne à fond, il faut qu'il soit à l'aise dans les répétitions avec le personnage, avec le texte, avec les autres comédiens avec qui il joue… Il faut qu'il prenne plaisir, c'est hyper important. Pour moi, vraiment, c'est cet esprit d'équipe avant tout. C'est pour ça qu'on a fait plein de petits apéros ! C'est très très important.
Donc, tu l'as fait avec tout le monde, c'est à dire 10 personnages.
Il y a 8 comédiens sur scène, avec la participation de Flore Vannier Moreau en voix off et de Simon Houdin, qui a été un des intervenants en première année, sur une scène vidéo.
Qu'est-ce que ça a apporté en particulier de fonctionner comme ça, à toi, personnellement, et au projet ?
A moi, personnellement, ça m'a permis de travailler avec des personnes que je voulais travailler ! Quand je voyais des personnes comme Margot, Myriam ou Thomas de ma promo, avec qui je n'avais pas eu l'occasion de partager beaucoup de scènes, j'avais envie de travailler avec eux. Leur proposer le projet me donnait la chance et l'occasion de le faire. J'avais envie d'apprendre à les connaître aussi. Des personnes qui n'étaient pas dans ma promo comme Cécile, Roxane à l'époque, ou même Elora, on se croisait, mais on n'échangeait pas réellement et donc pour moi c'était l'occasion de se découvrir.
Et en tant que chef de projet ?
En tant que metteur en scène, ça m'a permis de travailler avec les comédiens que j'avais en face dans un vrai esprit d'échange parce qu'on n'a pas forcément la même manière de voir les choses et je trouvais intéressant ce partage de nos points de vue.
En tant que metteur en scène, toujours, ça t'a aidé à mieux définir chaque personnage et ses interactions avec les autres?

Oui, évidemment. Les liens entre les personnages, leurs rapports. Tous les rapports sont différents dans ce texte. Leur point commun, c'est le personnage de Dana. Mais Dana va avoir des relations totalement différentes avec sa sœur ou avec la bibliothécaire, par exemple. C'est chouette de les construire et de les montrer.
Vous les avez construits comment ?
En bossant les scènes. Des fois on tentait des choses et on se disait, non, ça ne correspond pas forcement au caractère de ce personnage-là. Ca s'est construit au fur et à mesure. En faisant.
Tu les as fait parler entre eux de leurs personnages ? Ou c'est simplement en faisant les scènes ?
Je leur ai fait vraiment bosser les scènes. Après, je leur disais, si vous avez envie de vous voir entre vous, allez-y. Je ne suis pas obligé d'être au courant de tout. Au contraire. C'est bien si vous arrivez et que vous me proposez des choses. C'est arrivé avec Roxanne et Thomas, quand Roxanne jouait Dana. Ils s'étaient vus tous les deux pendant une après-midi, ils étaient revenus, ils avaient proposé des choses. Superbe!
Ce travail qui se met en place, est-il fidèle à ce que tu imaginais ou t'emmène-t-il ailleurs ?
Sur la mise en scène du texte, au niveau scénographie, décor... c'est totalement ce que j'imaginais. Je ne me suis fixé aucune barrière et je pense avoir réussi, je suis vraiment très content. Au niveau du jeu, de la direction d'acteur, c'est assez fidèle à ce que je me faisais comme idée aussi. On a fait un filage en fin de résidence : le sentiment que j'ai eu à la fin est celui que je voulais avoir et ça c'est chouette. Parce qu'ils ont su au fur et à mesure du texte et des répétitions arriver là où je voulais les amener sans que je leur dise moi en fait.
Il a une couleur ce sentiment ?
Il a une atmosphère, une ambiance, pas une couleur.
Ils ont eu le même sentiment ? Vous en avez parlé ?
Oui. Quand je leur ai présenté le texte, ils m'ont dit : ça nous fait vraiment penser à un film, quelque chose... un voyage, un univers très sombre... Après, au fur et à mesure qu'on travaillait les scènes on disait oui, ça commence doucement et ce qui arrive à Dana est de pire en pire... jusqu'à un point de non retour ! Mais, on n'en dira pas plus....
Tu as parlé des décors... Ce que tu avais dans la tête correspond à ce que tu es en train de construire, comment as-tu travaillé là-dessus ?

Quand j'ai lu le texte plusieurs fois et que j'ai décidé de le monter, ça m'a tout de suite évoqué une ambiance. Moi, quand j'écoute une musique, quand je lis un texte, je suis obligé de m'imaginer un univers derrière. J'ai tout de suite vu un univers très cinématographique, très contemporain et très simple à la fois. Sans surcharge. Je me suis dit OK, comment réussir à l'obtenir ? Car il y a une difficulté: l'histoire traverse plein de lieux. Et je me suis dit, il faut que tu sois intelligent pour avoir quelque chose de simple, modulable facilement... Comment tu imagines ça ? Ca serait bien qu'il y ait des éléments fixes qui bougent pour former d'autres lieux et des éléments concrets qui viennent appuyer le lieu... Il me faut donc des grands cubes noirs. Je les ai eus. Après, il y a une scène dans une baignoire, je me suis dit, il faut une vraie baignoire. Pour la scène dans le bateau, je me suis dit : comment représenter le bateau en ayant le lien de contemporain, d'atmosphère assez épurée et tout ? je me suis dit Ok, je vais construire une grande cage de 2m x 2m... Je l'ai eue. Après, il fallait un matelas, des coussins, mais ça reste très simple, très sobre. Les cubes sont assez volumineux, mais ils restent comme ils sont pour faire les différents lieux. Seule leur disposition change.
C'est une équipe déco qui t'a fait ça ?
Pas du tout. Pour les cubes, c'était par rapport à mon travail : ils changeaient de mobilier, j'ai dit Vous en faites quoi ? Vous les balancez ? je les prends ! Et pour la baignoire, j'ai cherché à droite à gauche.
Tu te débrouilles tout seul ?
Complètement. Je le veux aussi. Pas parce que je ne fais pas confiance aux autres, mais parce que j'aime bien faire mon petit bout de chemin. J'aime bien me débrouiller par moi-même, ça a toujours été ma manière de fonctionner
Ok. Pour les costumes ?...

Une fois que j'ai eu toute mon équipe, on a pris des photos des personnages habillés grâce à la discussion qu'on avait eue avant avec chaque comédien... Je leur disais : « Voilà, tu as toutes les clés en mains, fais moi une proposition de costume par rapport à tout ce qu'on s'est dit ». Ils sont tous venus avec des propositions et on fait des essais. Ca a été assez rapide. En général, ce qu'ils avaient ramené était assez fidèle à ce que je pensais aussi.
Tu leurs as donné les clés pour construire leur personnage, à la fois intellectuellement et visuellement...
Oui. Visuellement, quand on a travaillé, je leur disais, construis-lui une manière de s'habiller, une playlist de musique, ce qu'elle écoute, ce qu'elle regarde...
L'ambiance sera donc cinématographique... vous avez tourné des images ?
Il y a une scène filmée qui arrive à la fin, je ne vais pas raconter ce qui s'y passe. Ca me tenait à cœur de la filmer parce que ça a un lien avec l'univers que j'imaginais, donc c'est tout à fait logique d'y inclure de la vidéo et j'avais envie d'inclure vraiment de la vidéo concrète et d'avoir une scène filmée. Vue la scène que c'est, c'est encore plus logique ! Mais, je ne peux pas dire de quoi il s'agit...
Vous l'avez tournée dans un décor particulier ?
On l'a tournée au théâtre rue de Belleville. Parce que je voulais comme une boite noire, comme pour la mise en scène, comme... Tout est fait dans la même ligne esthétique, artistique, tout est fait en cohérence.
Tu as une équipe spéciale pour ça ?
J'ai fait appel à deux personnes: Jérôme Baudry pour l'affiche, les visuels et les petites animations qu'on partage déjà, Thomas Noyelle (SCINEO) pour les films. Thomas avait tourné le monologue de début du format carte blanche. On s'est connus sur un tournage et j'adore ce qu'il fait. A côté de ça, il y a deux mois, on a tourné une vraie bande annonce scénarisée, qui sera disponible bientôt... On a tourné à Rue de Belleville aussi. Tout est dans l'esprit de Bande Annonce de série ou de film. Même la promo, quand on regarde les mini-teasers ou les affiches, c'est très cinématographique et c'est ce que je souhaite.
...et les musiques qui vont habiller la pièce ?
Ce sont des reprises de musique pop, ça part de Muse en passant par Lady Gaga, en passant par Billie Eilish, ce sont des reprises de quatuor parce que j'adore la musique le violon, le violoncelle, la contrebasse, ça me procure des émotions, je trouve ça assez prenant au niveau émotion, et sur certaines musiques, ça peut paraître très angoissant... C'est l'ambiance que je veux donner à la pièce, donc en fait, ça vient juste appuyer ça et c'est génial.
Donc, tout va plutôt bien apparemment...
C'est beaucoup de travail, de fatigue, beaucoup de choses à gérer, entre le décor, le jeu d'acteurs, les papiers, la diffusion, là je suis en plein dedans, la communication... mais c'est un pur bonheur. J'adore ce projet, j'adore l'équipe avec qui je travaille, donc c'est trop bien.
Qu'est-ce qui t'a marqué le plus durant la semaine de résidence dont tu sors juste ?
Je crois que c'est le bazar que ça a été pour faire toutes les transitions, parce qu'il y a beaucoup de lieux, donc beaucoup de changements de décor... Il fallait dire qui fait quoi à quel moment pour que ça soit chorégraphié et que ça ne soit pas moche. On a fait ça le 1er jour, et ça été vraiment difficile... à la fin de la journée, on est sortis en mode on ne va jamais y arriver. Ca va être le bazar total. Mais au final, on l'a travaillé tous les jours et on va encore le travailler et ça marche. C'est ça qui a été le plus déroutant... Et puis les différents petits soucis qu'il peut y avoir aussi. La date approche et il ne nous reste pas tant de temps que ça, c'est un délai assez court. Donc, vu que je suis un stressé par le temps, toujours, je me dis mais je ne vais jamais avoir le temps de régler tout... Alors que si, c'est tout à fait faisable. Les petits soucis de rythme et tout, mais c'est normal sur une pièce de 2h!
Et qu'est-ce qui a été le plus beau de cette résidence ?
Le plus beau ça a été de voir la motivation, l'engouement de chacun qui s'est donné à fond. Ca a été de voir toute cette équipe se concentrer sur un même projet, sur une même cause et de les voir tous motivés. Ca fait du bien de voir une équipe se donner à fond pour son projet, j'adore cette sensation ! Et je pense que c'est pour ça que je continuerai à faire des mises en scènes. Ils s'éclatent et le fait de le voir en tant que metteur en scène, c'est super.
En tant que metteur en scène, mais aussi comédien, puisque tu interprètes un rôle dedans...

Avec Myriam Perraud on forme un duo d'examinateurs. On est les examinateurs qui vont faire passer l'entretien d'embauche à Dana, qui vont intervenir à 3 moments différents dans la pièce, au début, au milieu, à la fin. On ne sait pas... trop, s'ils sont là, s'ils ne sont pas là, s'ils sont réels, s'ils ne sont pas réels... Si c'est eux qui sont réels et les autres qui ne le sont pas... On ne sait pas.
C'est difficile d'être à la fois comédien et metteur en scène ?
Oui, c'est difficile. Pour moi, c'est une bêtise. En tous cas, de choisir de se mettre en scène sur un grand rôle. On ne peut pas être au même endroit, on ne peut pas se regarder, c'est très compliqué. Là, ça va, ce sont 3 scènes avec 3 phrases... Mais pour moi c'est très compliqué et je ne le ferai pas. Si par la suite j'ai un texte que j'ai envie de jouer, je demanderai à quelqu'un de de me mettre en scène. Je ne le ferai pas moi-même.
Au niveau des droits, comment ça se passe ?
Ca a été très compliqué au départ, mais tout s'arrange très bien au final ! C'est un texte britannique traduit en français, mais qui n'a pas encore été publié... Les pièces précédentes de Zinnie Harris sont aussi traduites et pour la plupart publiées. Les droits sont dans une agence à Paris qui est en lien avec une agence à Londres... Donc j'ai pris contact avec l'agence parisienne, je suis tombé sur une dame très gentille. Je lui ai envoyé le dossier avec une lettre pourquoi, comment, quand... Elle m'a appelé, elle m'a dit écoutez le dossier est très bien, on voit que vous avez vraiment l'envie, je vous mets en lien avec Blandine Pélissier qui a traduit le texte. Mais Blandine était trop occupée à ce moment. Je devais la contacter une fois que ça serait mis en scène et lui donner les dates des représentations et que là elle essaierait de tout faire pour venir le voir. Donc, j'ai continué de parler avec l'autre dame des droits. Ca a duré très longtemps, ça a été très compliqué, mais on a trouvé un accord...
DERNIERE MINUTE
Blandine Pélissier, comédienne, metteuse en scène, traductrice multi-publiée de Zinnie Harris, Linda McLean..., membre du Comité anglais de la Maison Antoine Vitez, sera présente Vendredi 11 juin pour la première de "Comment retenir sa respiration" au Théâtre de la Rue de Belleville - Nantes. Une rencontre publique aura lieu Samedi 12 juin à 15h au théâtre...
Réservation obligatoire: reservation@ruedebellevile.net

De toutes façons, ce sont des représentations de travaux d'école, donc tu n'as pas de droits à payer, si ?
Si, si, on est obligés de demander les droits pour chacune de nos mises en scène, à part quand ce sont des projets qui sont écrits par nous, bien sûr, comme "Bleu", "La méthode"... Ce sont nos projets de sortie d'école, on n'est plus dans le cadre d'un exercice de la formation. Mais la somme qui m'a été annoncée au départ m'a fait très peur !
C'est normal, c'est du théâtre contemporain !
Oui, c'est un texte contemporain, écrit en 2015, donc très récent, mais il n'a jamais été joué par des professionnels en France... Je n'ai pas lâché, parce que j'avais vraiment envie. Je me suis battu et tant mieux.
Vous le financez comment tout ça ?
Moi-même. De ma poche. Décor, droits, costumes, tout...
Tu travailles à côté, non ?
Oui, j'ai un contrat de 12h dans un magasin de vêtements.
"Comment retenir sa respiration"... là, tu la retiens en ce moment, donc...

Je le retiens, je suis à bout de souffle... J'ai du mal à respirer ! Je comprends ce que dit Dana à la fin du texte... C'est terrible. Oui, je la retiens. Et je pense que je vais lâcher ma respiration le 12 juin après la 2ème ! Quand ça sera terminé, je ferai "ouf"...
Vous continuez à répéter ?
En fait, on répète tous les jeudis matins et les vendredis toute la journée, chez moi. On a eu une semaine de résidence. Lundi et mardi de la semaine où on va jouer, on a deux jours aussi de résidence au théâtre. Après, on aura une générale sûrement la veille du moment de là où on va jouer.
Par rapport au théâtre au général, comment te situes-tu aujourd'hui dans ton parcours ?
J'ai une énorme envie d'apprendre encore plein de choses. C'est un métier, un domaine où on ne finit jamais d'apprendre et c'est grâce aux rencontres qu'on fait qu'on se nourrit, qu'on apprend d'autres choses... et je suis au début de mon parcours, de ma vie professionnelle dans ce domaine et j'ai tellement envie de voir d'autres horizons, de rencontrer d'autres personnes, de découvrir d'autres méthodes de travail... de me nourrir de tout, d'en découvrir le plus possible !
Comment vas-tu gérer l'après Belleville ?
Je ne sais pas ! (rires) Je vais travailler sur la diffusion de "Comment retenir sa respiration" pour essayer de lui trouver d'autres dates à Nantes ou ailleurs... Pour trouver de la co-production, pour pouvoir peut-être avoir des temps supplémentaires pour le retravailler, avec d'autres résidences... Mais je vais rester sur Nantes pour préparer d'autres projets si "Comment..." roule au bout d'un moment ou alors au final s'essouffle, pour repartir sur autre chose en tant que metteur en scène et être sur d'autres projets en tant que comédien. Je n'ai pas envie de me cantonner au seul rôle de metteur en scène, j'ai vraiment envie d'être aussi comédien.
Par rapport à la suite de ton parcours... Une pièce de 2h avec 8 personnages sur scène...
Oui. Je vois où tu veux en venir. Si le texte vient à être joué sur plusieurs dates et plusieurs fois, le but est d'avoir un partenariat de co-production et d'obtenir des aides pour pouvoir rémunérer les comédiens. C'est normal et c'est la première chose qui doit être faite.
Où en es-tu pour ça ?

Là, je travaille sur la diffusion. Je vais envoyer des mails pour inviter déjà aux deux dates et pour après renvoyer un autre mail pour demander un partenariat. Co-production, co-diffusion... On est en train de créer une Cie avec Elora et Margot dont le but après est d'héberger ce spectacle. On pourra demander des aides...
Elora et Margot qui sont toutes les deux dans la distribution
Oui. Margot joue Jasmine, la soeur de Dana, et Elora joue une prostituée et un médecin.
Tiens ! Elle joue deux rôles...
Oui, mais c'est justifié. Et tu comprendras pourquoi...
Un mot pour conclure ?
En ce moment, ça n'est pas une période facile pour les comédiens, les musiciens, tous les métiers artistiques, mais je pense qu'il faut vraiment se battre et c'est en ayant des projets qui nous tiennent à cœur, comme celui-ci, qu'on se donne à fond, qu'on fait vivre ça et qu'on montre à des personnes qui ne peuvent pas forcément le comprendre que on est là, on existe et on a besoin de nous.
Cet entretien a été réalisé le 21 avril 2021 avec Amaël Charuault chez lui.
RENDEZ-VOUS LES 11 & 12 JUIN 2021
20H
Théâtre Populaire Nantais
19 rue de Belleville - Nantes
Infos:
[A SUIVRE...]
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