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[Tout Savoir Sur...] Neobled & Le QDCF: “Quand Dire C’est Faire”. Les mots solidaires

Quand on s’intéresse à l’histoire du slam en France, un nom revient tout le temps comme une référence, celui du Collectif 129H. Les trois membres de ce collectif, Lyor, Rouda et Neobled se sont rencontrés en 2.000 à Paris sur les scènes slam qui existaient à l’époque... Neobled, comme il l’explique dans cet entretien, à animé sa première scène slam à 17 ans. Il a rapidement compris que dans ce milieu hétéroclite les gens s’écoutaient réellement les uns les autres et il a toujours eu à coeur de donner un sens aux mots. Et puis, un jour, il est allé plus loin: il a voulu transformer les poèmes en actes. Ainsi est né le QDCF, “Quand Dire C’est Faire” qui fête les 7 et 8 Juin prochain à l’Ouvre Boite de Beauvais la naissance de “Point A”, 1er volet d’une nouvelle dynamique. Neobled et tous les poètes qui l’ont rejoint ont un message à transmettre. Bonne lecture!


Enchanté Neobled. Avant de parler du QDCF, on va parler de toi, de ton rapport aux mots, à l'écrit, au slam, au hip hop de ton rapport à la création artistique... Comment as-tu plongé dedans un jour ?


Il y a deux moments bien précis dans ma vie. J'ai commencé à écrire parce que mon grand frère faisait du rap, parce qu'à la base j'ai commencé par rapper. J'ai tout bêtement fait comme mon grand frère, sans forcément me dire que je continuerais par la suite sauf qu'il s'est avéré que je me suis vraiment trouvé un truc. Ce qui fait que j'ai commencé assez tôt: dès l'âge de 11 ans. En fait, je suis un peu prématuré de l'écriture... et de la scène slam aussi parce que, au détour de mes pérégrinations de rappeur, j'ai rencontré Dagobleen un rappeur / slameur, toujours actif dans le slam aujourd'hui, je devais avoir 16 ans à l'époque. Il m'a dit viens, je fais des soirées slam, c'est un super concept, il faudrait que tu viennes avec moi. C'est donc lui qui m'a emmené à ma 1ère session slam en 1999 au Côté Zèbre, la scène slam dissidente du moment. A l'époque, il n'y avait que deux scènes slam en France: la scène “Slam Production” de Pilot le Hot dans le bar des Lucioles dans le 20ème et la scène dissidente, celle de Nada au Côté zèbre. Moi, j'ai commencé là-bas et j'ai définitivement plongé dans le truc: je n'ai pas arrêté. Un an après, je rencontre Lyor et Rouda aux Lucioles et en 2001, on commence à animer des scènes. Je devais avoir 17 ans quand j’ai animé ma première scène.


Tu dis: “j'ai plongé dedans” et dans ta manière d'en parler on sent que tu avais compris que c’était une vocation. Quel sentiment t'a envahi pour que tu te dises ça?

Neobled. Phtoto: Rimshotts (c)

Il y a plusieurs choses. Dans le mouvement du hip hop et du rap en général, les choses sont souvent instrumentales, on pose sur du son, ce qui fait que on a souvent l'habitude de se reposer sur l'instru sur laquelle on travaille. Elle est partie intégrante de notre création. Selon l'artiste, c'est à des pourcentages différents, mais on peut dire que la base c’est 50-50% musique/ texte. Et les rapports entre les MCs dans ce milieu-là, c’est: “dis ce que tu as à dire, moi je vais attendre que tu finisses ce que tu as à dire pour que moi je puisse dire ce que j'ai à dire”. Tu vois ce que je veux dire? C'est dans ce monde-là que j'ai évolué, que j'ai commencé à pratiquer. Quand j'ai fait ma 1ère scène slam, ce qui m'a choqué, c'est le public. C'est aussi en partie des slameurs, mais c'est très hétéroclite, inter-social, inter-générationnel, inter- tout ce qu’on veut... jusque là, j'avais toujours évolué en vase clos et c'est le 1er truc qui m'a frappé. Ensuite, on m'a appelé pour que je pose sur scène. Quand j'ai commencé à dire mon texte, donc sans musique, j'avais un peu l'impression que mon texte était vide de sens, qu'il n'y avait pas tant de choses que ça dedans. Mais la forme était là, ce que dans la communauté hip hop on appelle “le flow” était bien présent. Quand, je suis descendu de la scène avec ça dans la tête, donc pas forcément super fier de mon passage, énormément de gens sont venus me voir en me disant “c'est super ce que tu as fait, d'ailleurs j'ai adoré ce que tu as dit à la 6ème mesure du début de ton 1er couplet”(!). Je me suis rendu compte d'un autre truc, c'est que les gens m'avaient écouté. A partir de là, j'ai tourné une page, je suis passé à un autre niveau de l'écriture: j'avais compris que ce que je disais était important parce que il y a effectivement des gens qui peuvent m'écouter. Ca n'est pas parce que, moi j'ai l'impression que ça ne le fait pas ça que c’est vrai. Je suis rentré dans une sorte de jihad de l'écriture pour que ma pensée soit transmise avec le plus de précision possible. À partir de là, c'était terminé, je n'ai plus jamais quitté la scène slam.


Et du coup, tu t'es lancé tu as écrit écrit écrit ou tu prenais le temps, tu regardais...?


Je ne me suis même pas retourné sur ce que j'avais fait auparavant. J'ai continué d'évoluer, comme je faisais auparavant, mais avec cette case qui s'était ouverte en plus et j'ai pris soin d'investir toutes les libertés que la scène slam offre: le laps de temps de 3 à 5mn, le fait que je puisse dire ce que je veux... Et je suis rentré dans une autre métrique d'écriture aussi, puisque finalement, j'écrivais des textes qui devaient se dire sans musique, j'étais donc plus dans la parole et je me rapprochais plus d'un discours que je pouvais avoir avec quelqu'un autour d'une table, au même titre que la discussion que toi et moi on a ensemble finalement. J'ai aussi pris conscience qu’il n’est pas antinomique d'être un slameur et un rappeur. Un des espaces nourrit l'autre et inversement, je fais juste des aller-retours entre les deux. De toutes façons, tu n'es un slameur que entre le début et la fin de son texte. Une fois que tu as fini de déclamer, tu n'es plus un slameur. Si t'étais prof, postier ou flic, si t'étais guitariste ou magicien, une fois que tu as fini de dire ton texte, c'est cette personne-là que tu redeviens. A chaque fois que je partais de la scène slam, je redevenais un rappeur et je me remettais à travailler sur de la musique, à chaque fois avec l'expérience que chaque scène slam m'avait apportée. Voilà, c'est dans ce sens-là.


Et donc on reprend le fil du temps, donc vous avez créé votre scène slam à vous 3, Lyor, Rouda et toi?


Le Collectif 129H (vers 2005)

J'ai rencontré Lyor sur la scène slam de Nada au Côté Zèbre et Rouda sur la scène slam des Lucioles. On a créé le collectif 129H. Historiquement on est le premier collectif de slam français. On a commencé en 2000. on n’a jamais arrêté. En janvier 2020, ça fera 20 ans.


Qu'est-ce qui a fait que vous avez matché tous les 3 ? Vous vous êtes entendus sur quelle approche de quoi ?


A l'époque, des rappeurs sur des scènes slam il y en avait très peu et c'est un peu notre dénominateur commun. Et puis le feeling, l'amitié, ces soirées où tu échanges beaucoup, tu rencontres énormément de monde... C’est ce que j'avais pris à la tête quand j'étais arrivé sur ma première scène ! Tous ces gens que je côtoie aujourd'hui, que j'aurais croisés dans la rue peut-être sans m'arrêter, sans prendre le temps d'échanger avec eux s’il n’y avait pas eu le slam. Des gens sympathiques, haut en couleurs et qui m'ont énormément apporté. C'est une sorte de brassage de tout et de tout le monde. Je me suis retrouvé là-dedans et après, j'ai presque envie de te dire, c'est une affaire de cosmos ! Les choses se sont emboîtées comme ça. Aujourd'hui, il y a le collectif 129H, qui fonctionne vraiment en collectif, avec des projets communs, comme la scène slam du 129 H et des projets personnels : d'albums ou de EP... A côté de ça, moi par exemple, j'ai un autre événement, le Quand Dire C'est Faire. Ca continue à évoluer, à changer de forme, se croiser, s'entre croiser.


Le QDCF... Peux-tu expliquer ce que c'est stp ?

QDCF 2018 à Beauvais. Photo: Jean-Baptiste Quillien (c)

A la base, les scènes slam de “Quand Dire C'est Faire”, c'est un concept que j'ai monté en 2006. C'est un désir que j'avais depuis longtemps, mais que j'ai mis du temps à mettre en place parce qu'entre les ateliers, les projets de spectacle... c'est difficile de trouver de l'espace pour soi. Fondamentalement, le concept est simple: il s’agit de substituer le verre offert par une action concrète tournée vers une action sociale et culturelle. Tu dis ton texte et il se transforme en 2€ reversés par le bar à une association. Pour l'association qui est mise en avant, il y a 3 choses: d'abord elle profite d'un coup de com sur internet, la/le Président-e est invité-e à la soirée pour parler de ce que son association porte. Ca peut être le handicap, des actions sociales type CHRS, Centre de réinsertion sociale... vraiment, il y a plein de formes, c'est aussi large qu'il y a de causes à défendre! Et en plus des 2€ versés par le bar, il y a une boite ouverte aux dons de ceux qui ne passent pas sur scène. A la fin de la soirée, certes, les associations ne partent pas avec 5,000€ mais dans la symbolique, c'est super fort. Elles ont pu parler de leur problématique à un maximum de personnes, les scènes slam c'est fait pour ça et les slameurs qui sont passés sur scène les ont aidées. Quelque part c'est beaucoup plus gratifiant et utile que de passer sur scène, de se prendre la tête à savoir si son passage était bien ou pas et de boire une bière.


Et vu que la clé, une des clés du slam, c'est quand même le brassage, les rencontres, ça peut créer des rencontres pour les associations, des gens qui veulent les aider...


Une partie du QDCF par Jean-Baptiste Quillien (c)

Oui, après les gens se connectent. Simplement. La scène originelle a eu lieu en 2006 au Lou Pascalou, mais, par la suite, j'ai commencé à travailler avec une association de Beauvais, “les rimes croisées”. Ils animaient des scènes slam déjà depuis un an, je leur ai proposé ce concept-là sachant que moi je ne pouvais pas le faire. Ils s'en sont saisi et en fait la scène slam QDCF témoin a commencé à Beauvais. Ca a super bien marché, d'ailleurs jusqu'à aujourd'hui, ils animent leur scène dans la salle qui s'appelle “l'Ouvre Boite”, qui jauge à 400-500 personnes. Ensuite, j’ai eu un peu plus de temps, on s'est mis à réfléchir à ce que ça pouvait devenir, et je me suis dit que j'allais créer une scène slam parisienne sur ce concept-là. J'avais vraiment envie de travailler avec Madatao, on se connaît depuis des années et on cherchait l'occasion. Et puis on est aussi chacun des représentants de notre propre collectif, donc c'est marrant d'avoir un rapprochement KidiKwa / 129H. On fait donc ensemble ce projet-là sur Paris et ensuite ça s'est étendu en fait. Depuis, il y a Bordeaux, Toulouse, Valence, La Rochelle et, l'année prochaine, ça sera à Amiens. C'est devenu un concept national, on a monté une association aussi. Le Point A que tu as écouté, c'est le 1er volet du 1er projet de l'association QDCF.


La régularité des scènes à Beauvais et à Paris, c'est une fois tous les combien ?


Sur Beauvais et Paris, c'est mensuel. La temporalité des scènes dépend du terrain où elle se trouve. Les conditions à Paris ne sont pas les mêmes qu'à Bordeaux ou à Toulouse. Bordeaux, Toulouse ou même à la Rochelle, ça sera plus une scène par trimestre. En même temps, c'est bien parce que ça permet d'avoir plus de fluidité pour la comm' et de pouvoir chacun se déplacer. On essaie de faire en sorte que les dates ne se superposent jamais pour que chaque slam master puisse se déplacer sur la scène des uns et des autres.

Pour en arriver au Point A, c'est un projet de 16 titres. Tout a été enregistré à Beauvais?

"le Point A" du QDCF

Il y a en fait sur ce projet des beauvausiens, des parisiens et Sebseb qui vient de Toulouse. Les enregistrements sont faits à Beauvais, Paris et Toulouse. En sachant que cette compil là avait aussi pour objet de réunir des semi-pros, des amateurs et des professionnels sur le même projet. Ceux qui sont vraiment pros dans leur pratique n'avaient pas de problème de studio d'enregistrement et, en fait, j'étais là pour apporter de l'aide à ceux qui en avaient vraiment besoin. Pour certains d'entre eux, c'est leur premier enregistrement, leur première diffusion. Le travail n'a donc pas été le même avec chaque artiste.


Tu as supervisé l'ensemble ?


C'est ça. C'est mon idée, mon projet, que j'ai supervisé avec La voix basse, Tiday et Eddy Malnar, du collectif des Rimes Croisées, et surtout c'est un projet qu’on a fait conjointement avec DJ Roswel qui lui produit une grosse partie de la musique. Ensuite, sur la construction du projet, j'ai été soutenu par PéPé pour les enregistrements, la coordination avec les beauvaisiens, on a été aussi soutenus par l'ASCA partenaires pour les enregistrements studio.


La soirée de présentation est bientôt ?

Sebseb. Photo: Jean-Baptiste Quillien (c)

Les 7 et 8 juin. Ce qu'on fait depuis l'année dernière, c'est que, une fois par an, on se retrouve en juin tous les slam masters du QDCF pour faire une grosse soirée tous ensemble. Cette année, exceptionnellement ça sera 2 soirs. Vendredi, c’est la release party du projet Point A. On fera les concerts de la compilation, Sebseb, le slam master du QDCF de Toulouse, qui participe à la compilation, sera en 1ère partie. Ensuite le lendemain, Samedi 8, on fera un show avec tous les Slam Masters et des invités, puis une grosse slam session XXL avec un maximum de slameurs: 40? 50? On verra! Grosse soirée. En plus de ça, il y aura aussi exposition d'oeuvres d'art, d'un artiste qui s'appelle Fred et la projection de tous les épisodes du projet Totématik porté pas Yasskifo, Singa et Marouf. Yasskifo, qui fait partie de l'équipe parisienne du QDCF: pendant la session slam, il dessine.


Tu poses une question en introduction au Point A: “l'art est-il un outil pédagogique qui saurait se mettre au service de l'autre ?”. Une réponse c'est le QDCF justement?


Oui. A l'heure actuelle, nous dans notre pratique, le seul réel outil pédagogique et de transmission qu'on possède, ce sont les ateliers d'écriture. Mais, finalement, ces temps de prise de parole sur des scènes complètement gratuites ne pourraient-ils pas servir en terme de pédagogie pour des associations? Par exemple, des enfants défavorisés pourraient être reçus sur une scène slam, découvrir la scène et puis, à la fin, l’association va repartir avec des fonds et pouvoir réfléchir à ce qu’elle en fait... Un bowling, un ciné, un restaurant...? Elle va se dire qu'en fait, cet argent provient de gens qui leur ont offert avec leur mot. Pédagogiquement, ça a une valeur en plus et c'est dans les deux sens: celui qui a dit sur la scène, l’artiste, sera flatté de se dire que ce qu'il a dit a servi à quelque chose de réel, de concret. Ca apporte de l'estime de soi et ça donne envie de poursuivre, de continuer à faire, parce que des fois on se perd à être juste sur son propre combat personnel de réussite, d'accomplissement ou tout simplement de se nourrir avec ce qu'on fait. Avoir une petite parenthèse comme celle-là, c'est hyper gratifiant pour celui qui le reçoit et celui qui le fait.


Le point B est prévu pour quand ?


2020.


D'ici là, vous aurez continué à étendre le réseau des QDCF dans différentes villes ?

QDCF bilingue langue des signes à Toulouse. Photo: David Orchard (c)

La prochaine ville qui rejoint le cercle, c’est Amiens, donc on pousse un peu plus dans le Nord, après on verra bien. On poursuit l'aventure, on est ouverts à tout à toute proposition. C'est un projet, on se fait plaisir. Je participe régulièrement aux réunions de début d'année de la Ligue et d'ailleurs c'est par ce biais-là que j'ai pu rencontrer Audrey de Slam et merveilles qui anime la QDCF à La Rochelle. Je lui ai parlé du projet, ça l’a intéressée. On va voir ce que ça va devenir...


Bravo pour tout ce que tu as fait depuis des années et bravo pour les mots c'est tellement de parler, de dire ce qu'on a à dire, tout ce que les mots apportent, partagent, donnent et enrichissent!


Merci à toi de prêter de l'intérêt à notre projet.


Propos recueillis par #PG9


La préparation de la soirée QDCF 2018 à Beauvais. Photo: Jean-Baptiste Quillien (C)





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