[Mise à Jour] Laurent David est de retour sur Paris au Duc des Lombards les 29 et 30/11/2018 pour présenter “Shijin” son nouvel album dont il est question ci-après...
Encore une rencontre foudroyante, avec beaucoup de personnalité, une envie folle de liberté et un plaisir inouï du partage créatif. L’enjeu n’est-il pas de donner par la musique sa vision du monde pour s’en nourrir collectivement, avancer, tenter de satisfaire une soif infinie de découverte? Laurent DAVID, Bass Player, est un immense personnage. Il a travaillé (longtemps) avec Ibrahim Maalouf, Guillaume Perret, Yaël Naïm et beaucoup d'autres. Il a créé son propre label, à but non lucratif: Alter-Nativ... Il vit actuellement à New-York, mais revient régulièrement en Europe. Il sera de passage à Paris Jeudi 4 Octobre aux Petits Joueurs (XIXème). Il nous a accordé un entretien après ses concerts en Suisse et avant les prochains. Cet homme est rare et précis, comme son talent. Laissez-vous emporter par sa musique! Bon voyage
Bonjour Laurent! Ton parcours est hyper intéressant, c'est extraordinaire... Tu fais énormément de choses formidables avec plein de gens très différents, tu les fais toutes très bien, on sent toujours derrière le travail et le talent. Qu'est ce qui réunit tous ces projets ?
En fait, c'est assez simple de répondre à cette question parce que les projets sont définis par la présence des gens qui en font partie. C'est à dire que ça ne sort pas que de ma tête. Ce qui sort de ma tête, c'est la constitution des équipes et une direction musicale globale. Ensuite, je laisse plus ou moins faire les gens, que ce soit de la musique écrite ou pas et le son global de chaque projet appartient à l'ensemble de ceux qui en font partie, ingénieur du son et même graphiste compris. Je suis un entremetteur. C'est ce qui m'intéresse dans la musique, quelque soit le style. Ce que je produis s'apparente à du jazz parce que c'est souvent de la musique instrumentale, mais pas que. Ce sont des harmonies un peu plus complexes que la chanson. Ca rentre dans ce cadre-là mais finalement, on s'en fout un peu des styles : c'est vraiment la musicalité de chaque personne qui fait qu'un projet va dans une direction ou dans une autre.
Ce qui compte, c'est la personne ou sa musique?
Pour un musicien, c'est la même chose. Il y a autant de jazz que de musiciens de jazz pour moi, quelles que soient leurs influences. Le Jazz n'est pas un style de musique, c'est un moyen d'expression qui s'inspire des autres styles de musique. Donc, on peut faire du rock, du métal, de la samba, on peut faire tout ce que tu veux, ça restera du Jazz parce que ça a été fait par des musiciens de Jazz. Je ne sais pas si c'est clair...
C'est très clair. Mais qu'est ce que ça veut dire concrètement dans la démarche?
Concrètement, ça veut dire que je vais choisir des gens en fonction de ce que j'entends chez eux, je vais les mettre ensemble et leur proposer à manger. Je vais leur proposer un projet, une direction musicale, une création artistique, une démarche... Ensuite, on va s'enfermer en studio, on va écrire, on va faire des choses ensemble et puis je laisse le résultat aller.
Comment te rends-tu compte que la direction est la bonne? Quand es-tu satisfait?
Je n'ai pas d'idée préconçue sur un projet. Ce qui m'intéresse chez les artistes, c'est leur liberté. Donc, je suis satisfait, quand je suis étonné.
Il faut se laisser surprendre par la musique et par la créativité des musiciens ?
C'est ça. Le projet final doit être surprenant. En tous cas pour moi et j'espère aussi pour les gens qui écoutent.
Ton rôle quelque part est de créer les conditions qui permettent aux musiciens de se surprendre eux-mêmes et de surprendre les autres ?
Exactement.
C'est ce que tu fais avec ton label ?
L'idée du label c'est ça, d'être un entremetteur.
Actuellement, tu vis à New York. Y a-t-il une différence entre le monde des musiciens aux Etats-Unis et en Europe ?
Globalement, les musiciens dans leur comportement c'est à peu près les mêmes, c'est un peu la même communauté. Qu'on soit à New-York ou à Paris, c'est pareil. Mais je pense que la ville elle-même, sa configuration, son architecture, la façon dont les gens vivent, comme ils sortent, la ville comme elle est faite, induit une réalité artistique différente de celle de Paris. Là-bas, les gens aiment être étonnés, aiment les choses nouvelles, les musiciens aussi... Il y a moins ce côté traditionnel dans certaines facettes de la création artistique. A Paris, on est plus dans un truc un peu plus lourd, mais qui est aussi intéressant. C'est vraiment différent. Pour moi, c'est complètement relatif à la façon dont on construit une ville et dont elle est faite.
L'architecture, l'urbanisme, ont une influence sur les artistes ?
Oui, j'en suis persuadé.
Tu te sens mieux à Paris ou à New York ?
Je me sens bien à peu près partout. Mais j'aime bien être à New York parce que ça me donne de la motivation à travailler. Il y a un côté inconfortable que j'aime bien.
Une mise en danger?
Je dirais pas danger. Non, ça n'est pas confortable. C'est à dire que tu dois te prendre en mains. Tu dois t'organiser. Et puis quand tu arrives à la quarantaine quelque part, tu ne construis pas les choses de la même manière que quand tu as la vingtaine ou 18 ans. J'ai l'impression d'être débutant. Tu es de nouveau débutant à un endroit. Personne ne t'attend, certaines personnes te connaissent, mais pas comme dans ton propre pays. Il faut donc tout recommencer, argumenter, rencontrer les gens, refaire du réseau, créer des nouveaux projets en fonction des gens qui sont là-bas. Une sorte de « reset » qui est assez agréable. C'est compensé par mes retours à Paris où, là, je peux faire comme je faisais avant, je continue à faire des concerts, à voir les musiciens que je connais bien.
Justement, là, à Paris, tu vas jouer Aux petits joueurs ce Jeudi 4 Octobre.
Oui, et avec joie!
Quelle est ta relation avec ce lieu particulier ?
J'y joue régulièrement depuis son installation rue de Mouzaia et j'ai créé beaucoup de choses là-bas, notamment le projet “The way things go”. C'est ce concept qu'on y joue jeudi avec Maxime Zampieri et Yvan Robilliard. On mélange des répertoires que Ivan a écrit, pour ce projet-là, pour un nouveau projet qui sortira aussi en 2019 et d'autres. C'est un projet dans l'esprit de ce que je te disais juste avant, c'est à dire qu'il change de forme en fonction des gens qui sont à l'intérieur.
Tu aimes laisser la liberté à chacun d'être ce qu'il est...
D'être lui-même.
Et rassembler des personnes qui vont bien ensemble...
Oui, c'est ça le pari. Le pari de “Shijin”, c'était ça. Mettre ensemble quatre personnes radicalement différentes et voir ce que ça donne musicalement tout en gardant l'essence de chacun.
Où en est le projet?
L'album sort le 26/10 et va tourner à partir de 2019, même s'il y a déjà des dates : on joue à New-York en novembre et au Duc des Lombards fin novembre.
J'ai vu la vidéo de la session d'enregistrement de “Bait”, c'est magnifique.
Ca a été fait à 3 endroits différents. À Paris, à Chamonix et le sax on l'a enregistré à Boston.
L'album sort donc le 26 octobre ?
Oui ! Il y en a autre album aussi qui sort, c'est « Dark matters » d' Andromeda Anarchia . Un projet progressif rock avec des influences métal et jazz. Ca raconte l'histoire d'un personnage atteint d'un trouble bi-polaire pour montrer l'intensité de la chose. C'est assez intense comme musique.
Qui sont les musiciens ?
Il y a Malcom Braff , le pianiste de Shijin, et Olaf Rittter, un batteur suisse. La chanteuse c'est donc Androméda Anarchia. Il a été fait en Suisse et là, ça sort sur le label Vendredi 5 octobre.
En téléchargement ou en distribution physique ?
Ca sera distribution numérique et il y a un vinyl et un CD aussi. Sur ce projet, ce n'est pas moi qui ai monté l'équipe, c'est vraiment à l'intérieur du label, mais je joue dessus et j'ai travaillé sur les arrangements.
Le Label alter-nativ, c'est ton label ?
Oui, complètement.
Pourquoi l'as tu créé ?
Justement, pour être libre de faire ce que je veux sans concession. Sans problématique financière, en montant un collectif.
Et le label s'en sort ?
Oui, parce qu'on n'a pas de modèle économique. Chaque projet a son modèle économique propre. Le label n'est pas une entité économique.
La limite de la créativité, c'est l'économie ?
Je ne sais pas. Franchement, je n'en sais rien. Pour moi, si tu ne fais pas un projet parce qu'il est censé ne pas être rentable, je ne suis pas d'accord. Il y a des projets qui vont être distribués gratuitement, qui ne rapporteront rien, mais on les fait quand même. Il y a d'autres projets qui économiquement sont plus viables, qu'on sort aussi, qu'on travaille d'une autre manière, qu'on diffuse d'une autre manière. Le label, c'est pas un modèle économique, c'est plein de projets qui ont leur propre existence.
Propos recueillis par #PG9
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