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[Pourquoi Slamez-vous?] Coupe de la Ligue Slam 2019: Ypnova, Marseille

Slameuse/ Slameur: Ypnova (co-coach)

Equipe de: Marseille


Ypnova. Photo: Clotilde Penet (c)

Pourquoi Slamez-vous?

Enquête auprès des slameurs sélectionnés pour la Coupe de la Ligue Slam de France 2019 www.ligueslamdefrance.fr



Bonjour Ypnova. Comment, à un moment dans ta vie, toi et le slam vous êtes-vous rencontrés ?

En fait, je suis plasticien de métier, je fais notamment des décors de spectacle. Je fais aussi partie du mouvement hip hop, j'étais graffeur, j'organisais un festival hip hop... et de là j'avais commencé plus ou moins à écrire des textes, parce que sur ce genre de festival, il y a souvent des rappeurs qui se mettent à faire du beatbox et les gars rentrent dans la ronde pour s'envoyer des textes. J'écrivais un peu pour rentrer de temps en temps dans la ronde avec eux... Mais j'ai vraiment commencé à dire mes textes lors d’une fête de quartier. J'avais travaillé sur les décors de la fête en question et à un moment donné quand la fête était finie et qu'on se retrouvait tous ensemble pour manger, un ami s'est mis à déclamer comme ça... Du coup ça m'a donné envie de le faire moi aussi! Après ça, on m'a dit qu'il y avait des scènes slam à Marseille. J'y suis allé, c'était en 2005, et j'ai découvert cet univers auquel je ne m'attendais vraiment pas où tout le monde pouvait prendre le micro. Ca m'a fait penser à ma matière de prédilection, le carnaval. En tant que plasticien, je travaille avec toute la population, les enfants, les mamies, les ados... on répartit des tâches, chacun fait un truc et ça forme le carnaval. Le slam m'a beaucoup fait penser à ça... Je me suis dit chacun amène sa pierre et ça donne un spectacle fait de toute cette diversité. Du coup, ça m'a bien fait kiffer. Je suis rentré dans “l'atelier du Balthazar” à Marseille où le principe était de venir avec son texte, de le répéter et chacun disait plus ou moins, essaie de faire comme ça comme ça. On s'enrichissait les uns les autres, on arrivait de mieux en mieux à déclamer...


En t'écoutant un mot me vient en tête, c'est le mot “mosaïque”, qui fait écho à ton côté plasticien, évidemment...


Mosaïque, Patchwork... Oui c'est vrai. Chacun amène sa pierre, ça c'est quelque chose que j'aime bien, vraiment. J'envisage la chose un peu de la même façon. Pour moi, le slam, c'est vraiment une scène ouverte où tous ceux qui veulent montent sur la scène et envoient le truc. Par exemple Grand Corps Malade, c'est pas du slam. C'est beau, c'est cool, c'est un spectacle, mais pour moi ça n'est pas l'idée quoi. L'idée, c'est vraiment de construire ensemble . C'est pas une seule personne qui va se présenter et faire son truc, ça peut être génial, là n’est pas le problème, quand j'entends Slam, je n'entends pas Grand Corps Malade, Abd Al Malik ou qui que ce soit quoi.. C'est un processus créatif collectif: une soirée où on ne sait pas vraiment ce qui sa passer, ce qu'on va entendre. Il y aura des trucs qu'on va adorer, d'autres qu'on ne va pas aimer. En plus, on la vit comme on a envie: on n'est pas obligé de la suivre en entier, on peut de temps en temps aller fumer une clope dehors et revenir. Je trouve ça très intéressant.


Comme un banquet... ?

Ypnova. Photo: Clotilde Penet (c)

Oui voilà, le Banquet des mots. Chacun amène son texte comme nourriture. Après je me rends compte que le mot “Slam” veut dire “chlem” et aussi claquer, il y a une espèce de jeu de mots là-dessus qui est très important. Il faut monter sur scène et en même temps faire de la scène, il ne s’agit pas seulement de lire son texte, il faut essayer d'avoir un rapport au public.


Du coup, tu t'es très investi...


Oui. Je suis rentré dans l'idée dès qu'on a commencé au Baltahzar et il ne s'est pas passé longtemps avant qu'on anime des scènes ou qu’on organise des trucs. Sur Marseille, on avait une scène qui commençait un peu à s'étouffer. Un rappel historique: sur la scène slam de Marseille, il n'y avait pas de concours, le vote, c'était mal vu.


Comme à Toulouse, par exemple.


Comme dans beaucoup d'endroits en France. Je n'ai pas voulu m'arrêter sur ça et je suis allé voir ailleurs. Il y avait du slam à Paname, King Bobo en organisait, je suis allé voir à un concours, je me suis qualifié, du coup j'ai joué, j'étais allé presque en finale, mais je n'avais pas réussi. Je l'ai refait et par la suite j'ai rencontré toute l'équipe du Mans, et puis la Ligue Slam s'est crée aussi, je suis allé voir le Grand Slam National, le GSN... Petit à petit, en voyant tous ces grands festivals, je me suis rendu compte que c'était pas mal, même s'il y avait un “concours”, il n'y avait pas vraiment de compétition. C’était pour jouer. Chacun avait à l'esprit de dire son texte le mieux possible et d'interagir avec le public et puis on se rencontrait, on se donnait des idées, de l'inspiration. C'est ce que j'ai retenu.


Quel est d'après toi la place du slam en France ou en Europe aujourd'hui ? A quoi est-ce qu'il peut/doit servir ?

Ypnova (c)

Le slam, c'est l'écoute et le fait d'oser dire, d’oser s'exprimer, que les gens aient le droit de s'exprimer et que les autres les entendent, c'est quelque chose de puissant. Si on arrive à faire en sorte que le slam soit pratiqué par tous, ça peut donner une sacrée évolution de l'humanité, j'imagine...


Dans les rapports des gens dans la société en général.


Après, bien sûr, on peut faire des spectacles, des choses, le slam peut rester juste cette envie de dire des textes de temps en temps, comme ce que je fais moi, je n'enregistre pas, je ne fais de spectacle en particulier ou quoique ce soit, je joue au slam. Je vais dire mes textes dans les scènes ouvertes et j'aime bien écouter les autres parce que c'est ça le slam: l'écoute. On a nos textes d'accord, mais on va passer une fois et après on a va écouter tous les autres. Le plus de temps qu'on passe dans les soirées slam, c'est écouter les autres et ça c'est quand même assez puissant comme concept.


Est-ce que tu continues ton activité de plasticien ?


Oui, je continue. C'est mon métier en fait et je vis de ça. Question “déclamage”, je me suis fait un point d'honneur de ne pas en faire mon métier pour garder une totale liberté dans ce que j'écris, dans ce que je dis... Je ne veux pas être dépendant de contrats, de demandes pour ceci ou cela. Je suis devenu slameur itinérant : j'ai fait partie des premiers slam trotteurs, c'est à dire des slameurs qui partent dans toutes les villes pour aller découvrir le slam de chacun. J'ai fait ça pendant 8 ans en faisant du stop, en dormant chez les slameurs les uns après les autres. Du coup, j'ai rencontré un peu tout le monde dans le milieu et par la suite on a créé avec K Rol, Jilboa, Teminik, Mü, Fabien Blanchard, Tamer Slam, Kalam, Philou, Bonne Mine, ma chérie, Dom et plein d’autres qui nous ont rejoints après... le festival du Grand Micro de Bois. Là on en est à la 7ème édition cette année. On est dans un concept de festival où chacun peut amener sa propre programmation. Moi, par exemple pour le concours, j’anime une scène, la finale et tous les slam masters qui veulent animer des scènes choisissent un créneau et un lieu pendant la période du festival pour des scènes de qualif', ils s'entendent entre eux pour ramener les 4 équipes finalistes. En tant que plasticien, je fabrique toujours le trophée du micro de bois. J'ai fait le trophée de la Ligue slam, du GSN, du Magret d'Argent de plusieurs événements aussi.



Le Micro de Bois, c'est l'été ?


Du 12 au 14 Juillet cette année. On accueille au moins 80 poètes dans le Festival, peut-être plus. On n'a pas d'équipe forcément invitée ou quoique ce soit, les équipes se forment elles-mêmes, les gens qui veulent participer se trouvent leur équipe, se donnent un nom, jouent pendant le festival. On ne demande pas forcément de sélection, chacun peut prétendre à jouer pendant tout le festival, à proposer un atelier, ou un petit set... c'est l'idée. C'est en faisant confiance à tout ce panel d'artistes merveilleux qu'on sait qu’il va forcément arriver quelque chose de bien. On ne sait pas exactement ce que c'est... C'est une grande scène slam prolongée.


Pour revenir sur les slam trotteurs, tu t'es baladé dans toute la France ?


Oui. Dans toute la France. Je suis allé quasiment dans toutes les villes où il se faisait du slam en France et j'ai fait ça pendant 8 ans... A faire du slam trotting, en stop, en vivant de rien, juste dormir chez l'un, chez l'autre. De temps en temps, je trouvais un petit plan art plastique.


Tu faisais ça tout seul ou comment ça se passait ?


Oui, j'étais la plupart du temps seul et des fois j'embarquais une slameuse qui voulait suivre le chemin. Je disais: je vais faire ce parcours, je vais passer par là par là par là, qui a des scènes ? Les gens m'envoyaient leur dates, viens coucher à la maison, on faisait comme ça...


D'autres faisaient ça de leur côté pendant ce temps-là ?


Quelques uns l'ont fait mais pas sur une aussi longue durée. Genre là, j'ai mes vacances, pendant 2 mois je vais le faire. Ca c'est vraiment le truc, j'ai vécu comme ça. Justement, quand on a créé le festival du Micro de bois, c'était une manière de réinviter un peu tout le monde pour les accueillir tous à la Rate Penade où ils peuvent planter leur tente. On leur a fabriqué des douches solaires des toilettes sèches, on leur a mis des frigos à disposition. Ils viennent, ils se posent et ils font leur propre festival.


Est-ce que tu veux rajouter quelque chose ?


Je ne sais pas trop, moi j'anime des scènes slam depuis 15 ans maintenant. J'en ai une au Coin Liberté sur Marseille qui est tous les 1ers vendredi du mois. Je suis partisan du slam, dans le mouvement, j'ai fait plein de contact, j'en échange énormément. C'est justement ce qui m'a permis quand j'ai bougé, ça m'a permis de mettre en contact tel ou tel. Quand je suis allé sur Paris, je me suis aperçu qu'il y avait beaucoup de scènes slam et que les slameurs ne se connaissaient pas les uns les autres. Ils allaient dans cette scène ou dans celle-là et ils ne se connaissaient pas. Du coup, j'ai fait beaucoup de rencontres entre ces slameurs. C'était rigolo.


Un grand merci à la Ligue Slam de France, à toute l’équipe de Marseille, notamment bien sûr à Ypnova pour sa disponibilité... Propos recueillis par #PG9


Photo: Melu Zine (c)


Tous les portraits sont regroupés ici:



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