Slameuse/ Slameur: Mehdi Dix
Equipe de: Valence
Pourquoi Slamez-vous?
Enquête auprès des slameurs sélectionnés pour la Coupe de la Ligue Slam de France 2019 www.ligueslamdefrance.fr
Bonjour Mehdi ! 1ère question : comment as-tu rencontré le slam ?
Bonjour Philippe ! J'ai rencontré le slam près de chez moi dans une petite ville qui s'appelle Beaumont lès Valence en 2004. Il se trouve que Grand Corps Malade, John Pucc' Chocolat, S Petit Nico, Sancho Bala... toute l'équipe de Paris Saint-Denis était venue animer deux soirées slam vers chers nous. J'ai accroché avec l'équipe et du coup, je suis monté quelque temps à Saint-Denis avec eux. Grand Corps Malade sortait son premier album, moi j'avais déjà pas mal d'affinités avec les mots et du coup, je me suis dit ça serait bien de lancer une dynamique chez moi dans la Drôme. C'est parti comme ça !
Tu as rencontré les bonnes personnes au bon moment !
Exactement. C'est ça.
Tu écrivais déjà avant, tu étais sensible à l'écriture ?
Oui. Je faisais pas mal de rap et même bien avant. J'ai commencé la musique en 1991-92 et je les ai rencontrés en 2004, donc. Après, j'ai fait plein d'autres choses, j'ai été prof de danse hip-hop, j'ai tourné avec une compagnie de percussion brésilienne. Mais je suis revenu vite à mes premières amours. Et puis, cette rencontre a un peu accéléré les choses aussi.
Tu dis que tu as fait un peu de danse et du rap, mais tu préfères t'exprimer par les mots ou par le corps ?
Qu'est-ce que je préfère ? Je préfère m'exprimer tout court en fait. Je m'en fous. Ce sont des outils... Qu'est-ce qui fait que j'ai ça depuis longtemps en moi, cette envie d'exprimer, d'exprimer je ne sais quoi d'ailleurs, plein de choses en, fait! Mes parents sont des ouvriers, qui, eux, ne s'exprimaient pas beaucoup. Le fait d'avoir grandi dans un quartier, je pense que ça développe le coté grande gueule... et puis on a beaucoup de choses à dire. Avec cette fibre littéraire en plus, les deux choses couplées ensemble, c'était comme une évidence en fait. Je pense que ça n'est pas anodin aussi le fait d'avoir eu un père illettré, qui n'a jamais eu la chance d'aller à l'école. C'est une espèce de revanche sur le sort.
Quand tu dis une fibre littéraire, ça veut dire que tu lis beaucoup?
Peut-être plus que la moyenne, mais je ne suis pas non plus un gros lecteur. Par contre, je suis un boulimique de sociabilité! Je ne sais pas comment dire, je connais beaucoup beaucoup de monde, énormément, et beaucoup beaucoup beaucoup de monde me connaît!
Ca marche dans les deux sens
Oui, toutes ces rencontres... Je suis vraiment ancré dans la réalité, les gens, l'humain, je crois que c'est plus eux que les livres qui me nourrissent.
Le dialogue ? L'envie de dialoguer ?
Oui. L'envie dialoguer, de rencontrer, de découvrir, peut-être une curiosité maladive! Ca relève presque de la pathologie !
T'es un malade des mots !! Mais c'est une bonne maladie. Comment écris-tu?
Il n'y a pas vraiment de règle. Je peux commencer un texte par la fin, me donner une contrainte de forme ou me laisser porter tout simplement. J'ai un coté obsessionnel qui me permet d'approfondir divers sujets ou de m'amuser à chercher des palindromes ou des anagrammes pendant des jours....
Actuellement, tu fais plein de choses: des spectacles, des concerts...
J'ai une structure qui s'appelle “la Prose des sables” qui fait de la production d'artistes notamment. Elle accompagne, en ce moment, deux de mes projets : un duo avec un musicien, Olivier Kikteff, le duo s'appelle “Quand sonne Mehdi”, là on est jazz, musiques du monde... et spoken words. Je sors aussi un nouveau spectacle, “Joue la comme Mehdi”. Là, on est vraiment sur un one man show en mode stand-up. D'ailleurs, j'ai appelé ça “poetic stand up” puisque en fait ce sont des sketchs et des slams. J'alterne les deux. Et puis, la compagnie accompagne un autre slameur drômois, Jérémie Korolitski, qui sort un spectacle musical pour enfant, très axé sur les mots aussi, sur les émotions. On a un gros volet pédagogique avec ateliers d'écriture, concours d'éloquence etc. Et puis on organise des événements : depuis une douzaine d'année maintenant on fait des soirées slams mensuelles, des scènes ouvertes. On a aussi un festival “Terre Happy des Forts Rêveurs”, 3ème édition en 2018. Du coup, ça fait pas mal de choses oui...
Tu es beaucoup dans l'encouragement aux autres à prendre la parole et les mots ?
A fond ! Ca aussi ce sont des réminiscences du quartier, de la transmission. J'ai aussi rencontré dans le quartier des gens qui m'ont ouvert l'esprit sur pas mal de choses... Il y a donc l'envie de me dire : on m'a transmis, à moi de transmettre aussi.
Pour revenir à la question que je te posais tout à l'heure. Comment écris-tu ? Tu te poses ? Tu dictes à un dictaphone... ? Tu écris dans un café... ?
Il n'y a pas de règle ! Je peux écrire sur une feuille parler au dictaphone, sur mon téléphone. Le dictaphone, à vrai dire, c'est plus pour apprendre les textes. Après, un texte, tu peux le boucler en 30 minutes comme tu peux mettre deux mois...
Tu as des yeux très expressifs, très présents. Ton regard te sert pour écrire ?
Peut-être que ça m'aide sur scène. Mais, pour la création, écrire, je ne sais pas. Si j'écris avec les yeux ? Peut-être.
Quand tu es sur scène, ton parachute, c'est le regard et les images que tu peux projeter dans la tête quand tu es sur scène. Je peux complètement me tromper. Tu projettes avec les yeux... Tu nous envoies les images que tu as dans ta tête quand tu es sur scène...
Possible...
Ca nous renvoie à la toute première question: “est-ce que tu t'exprimes plus avec le corps ou avec les mots”... Tu t'exprimes avec l'ensemble du coup et tout se rejoint!
Oui c'est ça. Je pense que l'un va avec l'autre. Il y a écrire et il y a dire. Ecrire, c'est vraiment du coup très axé sur les mots, comment utiliser son empathie pour créer des émotions avec les mots. Et après dire, alors là, ça veut dire communiquer aux autres et là en effet on a besoin peut-être pas que de la voix mais de tout, des yeux, du corps, des mains...
Dernière question : que dirais-tu à quelqu'un qui a envie de découvrir le slam ?
Que pour écrire, il faut partir du plaisir. A chaque fois, quand je commence un atelier, je dis toujours, vous êtes là pour prendre du plaisir. Pour lâcher prise, débloquer les complexes qu'on peut avoir autour de l'écriture etc... oublier l'orthographe si ça bloque des gens. Parfois, on tombe sur des gens qui bloquent, du coup, il sont même des fois très hostiles au fait d'écrire ou de s'exprimer, alors il faut ramener cette notion de plaisir.
Un grand merci à la Ligue Slam de France, à toute l’équipe de Valence, notamment bien sûr à Mehdi pour sa disponibilité... Propos recueillis par #PG9
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