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[Pourquoi Slamez-vous?] Coupe de la Ligue Slam 2019: Jyb, Vernou

Slameuse/ Slameur: Jyb Equipe de: Vernou


Jyb. Photo: lesateliersslam.com (c)

Bonjour Jyb... Comment as-tu rencontré le slam ?


Bonjour Philippe. On s'est télescopés... on était en parallèles! Je disais mes textes plus dans des contextes militants, commémoratifs, etc. C'est aussi de l'art oratoire, une autre rencontre artistique, comme d’autres slameurs qui évoluent dans d’autres domaines. Parce que nous sommes slameurs mais, qu'est-ce qu'il y a derrière le mot slameur ? Nos textes sont vivants... Ils ont une vie ailleurs dans d’autres disciplines oratoires.


Justement toi, tu arrives d'un univers parallèle ?


Oui, poésie plus classique. Oui.


Tu écris des poèmes depuis longtemps ?


Depuis toujours...


Depuis le début ? Ton premier cri était un poème ?


“Maman ! Papa !” c'est pas un poème ça ? Les parents c'est déjà les deux mots qui restent de toutes les écritures de tout ce que l'on pourra mettre... Bonjour Papa, Maman ! Ce sont des flammes qu'on lance à chaque fois, peu importe sa taille...


Ces flammes éteignent ou rallument le feu ?


Elles alimentent le feu qui est déjà là. De toutes façons, il serait là. Soit tu le lâches, soit tu lui permets de se propager... Mais, il peut tout aussi bien s'éteindre de lui-même si c'est un feu que la personne avait en elle et qu'elle avait besoin de lâcher.


Dans quel cas es-tu toi?

Jyb à Mexico

Moi je lâche. J'enflamme, l'idée, les écrits, ou, très important, le regard de l'autre... Tu sais moi je suis d'outre mer donc, souvent, tu es interprété on te connaît déjà. Depuis qu'on peut se payer un billet pour aller sur l'Outre-Mer, tu reviens au bout de 15 jours, et c'est bon, tu connais tous les antillais, tu connais leur histoire... alors que tu ne connais rien du tout! Il y a plein de choses qu'il faut savoir... Moi en ce qui me concerne, puisque c'est moi à qui tu poses la question, je transmets une histoire, celle qui n'est pas dite, mais interprétée, celle qui est cachée...


Et tu la transmets par la poésie...


Je transmets par la poésie, oui. Déjà, au préalable, avant je lisais souvent des textes des auteurs depuis 1802 et la négritude. Lorsque l'on fait un événement autour de l'abolition, je ramène la parole des personnes de ces époques-là : Césaire, Senghor, Damas... Mon écriture à moi, je la laissais à part parce que c'était une transmission que je gardais pour mes enfants. Il n'était pas prévu que mes écrits soient mis en public, c’était leur destin. Je suis un peu comme tout le monde tu vois... La slam m'a télescopé !


Qu'est-ce qui a provoqué cette évolution de la parole des autres à la tienne ?


Parce que la mienne elle était toujours là, mais je n'avais pas besoin de la lancer. J'interviens toujours dans d'autre actes militants donc elle est mêlée. Je sais pas comment expliquer.


Tu écris comment toi-même ? Comment fais-tu ? Tu te poses, tu prends un verre, tu vas prendre l'air... Comment fais-tu pour écrire ?


Ca dépend où je me trouve et de quel outil te prend. La façon la plus classique au milieu de mon appart', je suis là, le texte qui me prend qui me prend qui me prend, il arrive, et je l'écris toujours à la main. Je ne saisis la machine qu'après. Mais si tu es dans la rue, tu as quelque chose qui te prend, qui t'envahit, tu es là, tu ne contrôles plus vraiment tes pensées, tu as envie... C'est des fois un fil qui te gicle, une histoire surgit paf paf paf et elle t'emporte comme ça. Certains vont la garder en eux et vont essayer de se faire un condensé, mais si elle te prend trop, je fais comme tout le monde, hop je fais ça en vocal sur mon portable, je me mets à enregistrer et je laisse le fil couler.


Jyb. Photo: Philippe Leboucher (c)

Ce sont les mots qui commandent, pas toi ? Qui commande ?


Les mots viennent à eux-mêmes, c'est une séduction entre eux et moi. Un mot, je peux le reporter, je peux lutter contre lui et lui dire : tiens je te mettrai à la fin. Parce que t'as pas voulu m'écouter... A la limite, c'est une combinaison des mots entre eux parce que toi tu es là, tes mots sont là, mais toi tu canalises, tu tords... souvent mes textes parfois, souvent, beaucoup, on ne les comprend pas. C'est volontaire. Alors, tu vas me dire “oui mais dans le slam”... C'est vrai. Du coup, sur une scène, je vais plutôt interpréter ceux que l'on va quand même un peu comprendre. Enfin, quand je dis pas comprendre, les gens ne sont pas plus bêtes que qui que ce soit, moi je ne suis pas plus intelligent que qui que ce soit non plus. Mais les univers où je t'emmène, c'est de la métaphore... Mes recueils de poésies, “L’Écho des conques Ultramarines” et “Les âmes de la Réminiscences” (Éditions Xérographes) t’en diront plus sur mon univers poétique.


Est-ce que tu danses avec les mots ?


Les mots, c'est une mélodie. A plusieurs, ils viennent t'emmener et ils forment une symphonie, une mélodie sur laquelle tu peux danser, laisser glisser.


Qui danse alors ?

Jyb au Japon (2017) (c)

Tous les deux. Ton mot, l'état dans lequel tu es aussi. Si tu es un peu en colère, le mot bim tu rajoutes deux trois trucs... Tu peux faire un texte d'amour tu peux être là entrer vraiment à l'inverse... Ca dépend de ton état aussi. Là, je te parle quand un texte te vient tout d'un coup, c'est cette alchimie, c'est la danse dont tu parlais. Les mots arrivent à toi, tu as ta façon de les penser, ce que tu as envie de transmettre. C'est un tout, c'est un balai. Nous, on n'est rien. On est là devant 26 lettres de l'alphabet. On repart tous de la base. Et il y en a qui ont des notes, des lettres de leurs alphabets en plus que les nôtres.


Là, tu as dit, c'est quand les mots viennent à toi mais est-ce que parfois ça t'arrive d'aller les chercher ?


Oui.


Comment ça se passe ?


Quand je vais les chercher, c'est plus ennuyeux quand même. Ce sont des écritures que l'on te commande, des thématiques que l'on te demande et comme tu sais le faire, tu vas vers et tu fais, mais c'est plus besogneux. Tu vas faire comme dans des ateliers d'écriture où tu vas dire à des jeunes ou à des adultes, voilà cette méthodologie on n'oublie pas AA -BB, on revient tous à la méthode classique alors que souvent quand on balance des trucs on dit waow en fait on ne sait pas du tout ce que l'on dit... Une thématique t'oblige toi-même à te remettre dans le cadre que tu vas faire faire aux autres dans les ateliers. Alors il faut faire ça ça ça, alors que, toi, tu le fais au feeling. C'est comme un danseur. A la base tu vas faire ça, ça, ça et après ton feeling te fait oui mais tu m'avais pas dit ça. C'est le feeling qui joue...


Mais quand tu pars d'une indignation, par exemple, et que tu n'as pas encore les mots. L'indignation est là, mais tu n'as pas encore les mots. Et que tu as quand même envie d'écrire dessus, comment vas-tu chercher les mots ?


Je vais mettre un peu les plus les moins ceux qui s'entrechoquent pour pouvoir parfois dire ce qui est bon et ce qui n'est pas bon, parce que c'est trop facile de ne cracher que ce qui est mauvais. C'est comme quelqu'un qui va te poser que des questions qui va venir te contredire, mais si tu me contredis c'est parce que c'est que au moins tu peux me permettre d'avancer, tu me redonnes un contre-exemple, ou quelque chose comme ça tu vois, mais pas spécialement j'attaque que pour attaquer, sinon si je fais dans le sens je vais j'attaque que pour attaquer, du coup, je fais un fil historique. Une logique.


Tu construis une argumentation ?


Ou pas. Ca peut être un ressenti, directement. Parce que l'argumentation voudrait dire que je cherche à convaincre. Parfois je m'en fous que tu me comprennes, c'est pas mon problème ! C'est pas que pour toi, c'est moi qui écris... Je ne sais pas qui tu es toi au bout, tu vois. Mais je sais que des fois c'est pas spécialement ce que j'ai envie de te donner. Je vais te donner un exemple, il y a très longtemps, on m'avait demandé de faire un texte sur les femmes et on me demandait de casser des mecs. Et moi je ne voulais pas. Je suis père, j'ai trois garçons, qu'est ce que veux que je casse tous les mecs ?? Il y a des choses sur lesquelles ça ne passait pas... Donc, il faut glisser avec ces thématiques-là mais ne me fais pas dire ce que je n'ai pas envie de dire. C'est important. Tu as quand même une honnêteté vis à vis de toi. Après, quand quelque chose n'est pas mon style à moi mais j'adore l'entendre par d'autres. C'est bien la mauvaise foi, c'est hyper important, même au contraire... Moi, la mauvaise foi ça passerait plus par l'ironie. Mais c'est beau la mauvaise foi. C'est pour ça que j'aime les scènes slam. Ce que j n'aime pas ou que je ne fais pas, j'aime l'entendre de l'autre. J'aime entendre de l'autre mes différences. On a tous des zones d'attaque et tout le monde a raison, tout le monde a tord, tout le monde a tord d'avoir raison. On s'en fout. De toutes façons, c’est truquée!!


Quand tu fais un slam dans une café, un théâtre, dans la rue... que se passe-t-il en toi ?

Jyb à Charleroi (2018) (c)

Je suis bien. Et en perpétuelle interrogation. Tu arrives, jusqu'au premier mot que tu dis, tu ne sais pas quel texte en vrai va sortir de ta bouche. Ca m'arrive souvent de partir avec une idée et entre temps paf tu as commencé par le début d'un autre texte, alors tu continues. Mais je ne peux pas ne pas me sentir bien. On a du trac parce que c'est important, c'est l'autre, le regard d'autrui, c'est un échange, je ne dis pas que j'y vais tranquille... Mais, il n'y a pas le trac quand tu viens toi-même imposer ton texte, dans la rue c'est une autre façon de poser ton mot. Tu viens, c'est toi qui viens, tu t'imposes, tu as une autre démarche, il n'y a pas le trac ou juste quand tu as le regard de l'autre. C'est important le regard de l'autre. Et des fois c'est pas un trac, c'est... Je crois que le mot trac n'est pas adapté, c'est un toujours un truc qu'on va penser négatif, mais non, tu regardes les gens, tu te cales, tu es comme quand tu rentres dans un coussin, tu mets beaucoup de temps avant de mettre ta tête. C'est pareil. Tu rentres sur la scène à tu arrives, tu te poses, tu te mets à l'aise.


Je reviens sur l'image de la danse, slamer c'est comme un peu danser sur scène ?


Ca dépend. Des fois, avec des personnes, je ne suis pas en train de danser. Je suis en train de me poser, de te donner. Il y a quand même une danse des mots, c'est métaphorique, chacun le prend comme il voit. Il y a énormément de gens tu les vois, tu danses avec eux. Moi, de toutes façons, je suis statique. Le slam m'a montré quelque chose, puisqu'on en parle. Avant, on faisait plus attention à mes mots. Les slams, des fois on te prend sur ta voix, on regarde pas ton mot. Parfois la voix, parfois le ton, vont prendre le dessus sur les mots et on va moins être attentionné sur le mot ou quoique ce soit mais, des fois, tu arrives à faire une communion directe après le message passe ou il ne passe pas. Des fois, ce ton quand tu viens, que tu prends bien la scène, il y a des fois où on te donne quand même un petit ticket, 5 secondes pour commencer. C'est peut-être ça que j'ai parfois comme avantage ! Sur une scène slam, je vois parfois des amis qui ont des textes magnifiques et bing les gens parlent, un brouhaha passe par dessus... Le texte était magnifique, mais la voix n'a pas passé le mur. Des fois, tu arrives à deux degrés au dessus, tu envoies et bing les gens au départ baissent, toi aussi, la sonorité est passée et tu gagnes 5 secondes où on t'écoute. C'est dommage, il y a énormément de personnes qu'on va perdre sur le slam parce qu'on ne les entend pas. Si on les entendait des fois, tout serait différent.


Un petit mot de conclusion ? Qu'aurais-tu envie de dire ?

Que le/ la meilleur/e gagne. Il faut redescendre après les pieds sur terre, tu vois, le slam c'est juste un terrain de jeu, dans lequel toutes les oralités se rencontrent : du sketch, du rap, de la poésie classique, des trucs de militants... C'est juste un terrain de jeu et, derrière, nos textes vivent. Une fois sorti de ce contexte de rencontre, tu vas voir énormément de slameurs faire des concerts, tu les vois chanter avec d'autres textes, tu vois des gars comme Yannick Nédélec qui sort sa pièce de théâtre... Ce que tu es amené à rencontrer, c'est une petite partie de cette personne là. Une infime partie. Marion Chaussette avec Ben du côté de Granville, ils font des choses formidables. Je veux dire tous on vient emmener des petits échantillons de nous-mêmes, on partage nos univers. Mais des fois il y a beaucoup derrière... C'est pas parce qu'on n'entend pas parler des slameurs qu'on n'a pas affaire à une grande communauté d'artistes, de personnes qui travaillent qui font pas mal de choses, beaucoup avec la jeunesse. Il y a ça derrière, en fait. On attend tous aussi. En même temps, la coupe, ça n'est qu'une médaille en chocolat. J'y ai goûté, si tu sais bien goûter cette médaille en chocolat, tu fais le tour du monde avec elle. C'est très important. C'est comme une sorte de petite clé qui te permet d'ouvrir plein de portes… la personne qui va remporter cette coupe de la ligue tu vois, elle va pouvoir participer au championnat d'Europe c'est déjà très bien, elle va rencontrer plein d'autres personnes, elle ira au Portugal, elle va être avec des poètes internationaux et, après, ce sont des échanges d'hommes après, on revient dans la réalité. Tu vois. J'ai été slamer au Japon, au Mexique, au Brésil... En Estonie... Waow ! En Guadeloupe, Martinique... et ça sur ces rencontres, donc c'est une médaille en chocolat mais elle a un bon goût si tu sais la partager.


Un grand merci à la Ligue Slam de France, à toute l’équipe de Vernou, notamment bien sûr à Jyb... Propos recueillis par #PG9


“Le champion de France de Slam porte la voix de l'outremer

A lire ici


Jyb par Simon Gastout à Charleroi (c)


Tous les portraits sont regroupés ici:



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