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[Pourquoi Slamez-vous?] Coupe de la Ligue Slam 2019: Fil de l’air, Paris

Slameuse/ Slameur: Fil de l’air

Equipe de: Paris


Fil de l’air par Wallace Pixmaker (c)


Pourquoi Slamez-vous?

Enquête auprès des slameurs sélectionnés pour la Coupe de la Ligue Slam de France 2019 www.ligueslamdefrance.fr



Bonjour Fil. Comment as-tu rencontré le slam ?


Bonjour Philippe. Comment j'ai rencontré le slam... C'était en 1999 ou 2000, je ne sais plus. J'étais dans un groupe de rap à l'époque. Un de mes potes m'a dit qu'il était allé sur une scène qui était à l'époque aux Lucioles, je crois. Il me parle de cette scène qu'il est allé voir, que ça n'est pas du rap mais de la poésie. Autre chose en tous cas... Moi, curieux, j'ai eu envie d'aller voir et je me suis donc pointé aux Lucioles. J'ai découvert le slam comme ça. Je suis venu une ou deux fois juste pour observer et puis après j'ai décidé de me lancer...


Tu as commencé à écrire des textes pour les scènes de slam ?


Au début je suis arrivé avec ce que j'avais. J'étais un petit peu à une période où le rap ne me convenait plus, j'avais l'impression d'être dans des postures, je ne me reconnaissais pas dans mon écriture, je ne me sentais pas fidèle à ce que je suis. Quand j'ai découvert cette scène, je me suis dit chouette un endroit où je vais pouvoir écrire d'une autre manière sur des sujets qui m'intéressent et en utilisant d'autres formes. J'avais un texte que j'avais écrit qui n'était pas conçu pour être posé sur des instrus rap et le reste j'avais beaucoup de textes de rap. Petit à petit, ça a évolué.


Pour revenir au tout début, l'écriture pour toi, est tout d'abord passée par le rap, c'est ça?


Oui.


Sais-tu pourquoi tu as eu envie d'écrire, de te saisir des mots pour dire des choses ?


A l'époque je pense que j'étais plus jeune, révolté contre pas mal de choses, j'avais besoin d'écrire par rapport à ce que je voyais du monde autour de moi... C'était une manière de réfléchir et de partager ma réflexion. Il y a peut-être un truc très ego-centré derrière, je ne sais pas. Après, j'avais aussi la révolte de la jeunesse...


Ca partait d'une indignation ?


Oui. Ou de la réalité de ce que je vivais aussi à l'époque. Je venais de banlieue, j'ai grandi dans le 93 il y a eu les crises sociales, des manifs étudiantes, la précarité, le racisme... Il y avait beaucoup de sujets dans lesquels j'étais baigné au quotidien à l'époque. Il y avait matière à écrire.


Est-ce que tu continues à faire du rap aujourd'hui ?

Fil de l'air par BSAZ (c)

Oh il y a plein de trucs. J'ai fait, j'ai continué un peu le rap, j'ai fait partie d'un collectif qu s'appelait « Orbeat », on a fait quelques morceaux, moi il n'y a pas eu au bout d'album ou de EP, j'ai fait surtout des featurings. J'ai bossé sur des projets musicaux, j'ai sorti un EP qui est sur plusieurs plate-formes, et par ci par là j'ai fait une ou deux collaborations avec des rappeurs, mais très éparses après je me suis plus orienté vers l'écriture slam, j'ai commencé aussi à monter des jams et à bosser avec des musiciens de jazz essentiellement, maintenant je fais plus des performances avec des musiciens, c'est plus spoken word.


Ta manière d'écrire a évolué elle aussi?


Enormément. Il y a quand même de résidus du rap au niveau du travail de la rime, de l' assonance, des allitérations, et du flow, maintenant elle a évolué vers quelque chose peut-être de plus parlé. J'ai fait partie de la société des poètes français, j'ai découvert la poésie beaucoup plus classique. Je surfe, j'essaie les jeux d'écriture, plein de formes différents... Après, il y a aussi l'influence des scènes où tu rencontres énormément d'autres poètes, d'autres manières de performer et tu te nourris de tout ça. Effectivement, quand je regarde en arrière, ma manière d'écrire a énormément évolué.


Ta technique a changé ?


Oui. Comme je te disais, autant parfois j'écris de manière assez libre dans de la prose ou des choses comme ça, autant des fois, je travaille en alexandrins ou sur le nombre d'or, des choses comme ça. D'un texte à l'autre, tu vas avoir des formes vraiment très différentes, parfois c'est très classique parfois ça l'est moins. Je travaille aussi beaucoup en impro sur les scènes, là, c'est totalement aléatoire. J'aime bien changer de forme. Je n'ai pas envie de me cantonner à une espèce de technique ou de ronron qui marcherait bien et que je pourrais reproduire à l'infini. C'est bien je pense de changer à chaque fois.


Tu aimes bien prendre des risques avec ton expression verbale...


Oui. Parce que tu peux trouver des trucs qui marchent comme tu peux faire un flan total. Je pense que c'est comme ça aussi. J'ai des textes que je ne porterais plus sur scène ou que je n'ai jamais portés d'ailleurs. Parce que 1. je ne les assume pas, 2. je trouve qu'ils sont de moindre facture. Mais c'était bien qu'ils existent parce que ça m'a amené à me poser des questions.


Que t'apporte en particulier l'improvisation ?

Plein de choses. Déjà, il y a l'adrénaline : tu pars à l'aventure... après c'est un jeu avec des règles que tu établis toi-même. D'un improvisateur à l'autre, je pense qu'on a tous des manières différentes de l'aborder. J'en connais qui travaillent vraiment sur le ressenti du moment, sur ce qu'ils sont en train de vivre, d'autres dans ce qui s'est passé sur les événements autour, d'autres qui utilisent le visuel. Il y a vraiment différents manières. Moi c'est vraiment le côté sans filet. Partir et laisser faire ton cerveau et ton cœur.


Effectivement, au niveau de l'adrénaline c'est très fort...


Comme pour l'écriture, des fois tu fais vraiment de la m... et puis des fois tu touches à un truc très fort, tu rentres dans une espèce de transe. Tu es habité par autre chose, tu suis un peu ce qui se passe en toi sans des fois avoir de prise et tu finis le truc en te disant où est-ce que j'ai été pécher ça. Tu ne sais pas comment ça s'est construit. Autant, des fois, tu as la maîtrise, autant d'autres fois, tu es totalement en lâcher prise et il y a des pensées que tu n'imaginais pas laisser sortir.


Tu as un parachute ?

Fil de l'air par Rim Battal (c)

A force, avec les années, tu as des techniques, tu sais, il y a des moments quand même, là je parle vraiment pour ma part, il y a des moments où tu sens le moment où il faut que tu reprennes la maîtrise du truc ou tu te laisses trop emporter dans l'émotion ce qui peut perturber le flow. Si tu veux quand j'improvise j'essaie d'avoir un ensemble cohérent du début à la fin, que ça raconte un truc du début à la fin qui se tient. Des fois c'est vrai que quand tu pars, ça peut vite être décousu et pour moi c'est le moment que je dois maîtriser pour vraiment construire une pièce qui va exister à cet instant-là, qui n'aura que cette durée de vie peut-être mais qui doit être quelque part finalisée... Par exemple, j'aime pas dire que j'improvise. Pour moi, c'est réussi, l'impro elle est réussie si à la fin les gens ne savent pas si c'est un texte ou une impro.


Oui ! Tu es vraiment sur le fil en fait.


Oui. Il faut qu'il y ait ça. Il faut arriver quand même, enfin moi je le vois comme ça, c'est pas un truc que je lâche juste pour me défouler. J'essaie de faire un texte minute mais il faut qu'il tienne la route...


C'est marrant d'ailleurs. Je viens de te dire que tu es sur un fil et il se trouve que ton pseudo c'est “Fil de l'air”...


Et oui !


Dernière question : que dirais-tu à quelqu'un qui veut découvrir le slam... ?


Je lui dirais de ne jamais le faire parce qu'après tu ne peux plus t'arrêter ! Après, tu as des gens qui vont s'exprimer par la peinture, chacun trouve son médium mais si quelqu'un est intéressé par ça et qu'il a envie de se lancer, je lui dirais de foncer, de ne pas avoir peur, d'être soi -même dans ce qu'il écrit et de ne pas hésiter à le porter sur scène parce qu'il y a forcément quelqu'un que ça va inspirer ou encourager. C'est ça qui fait aussi que le slam existe encore, c'est vraiment qu'il y a le partage de gens de différents univers, différentes identités, de différentes manières de penser et ça rebondit, ça fait écho chez un autre, qui à son tour se met à écrire et à la scène. Je pense donc que de toutes façons c'est bien, ne serait-ce que pour la catharsis et aussi dans le sens où il y a plein de gens qui ont énormément de sensibilité et de choses à dire et ils n'osent pas y aller par timidité, par peur d'être mis à nu des choses comme ça, mais des fois ils ont des trésors à partager et c'est dommage de le laisser enfoui et tomber dans l'oubli alors que ça pourrait être utile... à d'autres.


Un grand merci à la Ligue Slam de France, à toute l’équipe de Paris, notamment bien sûr à Fil de l’air... Propos recueillis par #PG9


Fil de l'air par Roland Lagoutte (c)


Tous les portraits sont regroupés ici:




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