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[Pourquoi Slamez-vous?] Coupe de la Ligue Slam 2019: Elvi, Rennes

Slameuse/ Slameur: Elvi

Equipe de: Rennes



Pourquoi Slamez-vous?

Enquête auprès des slameurs sélectionnés pour la Coupe de la Ligue Slam de France 2019 www.ligueslamdefrance.fr



Bonjour Elvi! Comment as-tu rencontré le slam ?

Elvi. Photo: William LBL (c)

Bonjour Philippe. Le slam, je l'ai rencontré à Bordeaux dans un bar sur une scène ouverte qui devait être un mercredi. J'écrivais déjà un peu pour mon plaisir on va dire. J'avoue que j'ai un peu de mal à me souvenir exactement de comment j'ai fait la démarche de me renseigner. Je me rappelle avoir tapé “slam à Bordeaux”, j'avais dû voir un article je sais pas, j'ai vu cette soirée dans un bar qui expliquait qu'on pouvait venir avec un texte... C'est ce que j'ai fait et je suis monté sur scène. Classique, comme beaucoup de personnes qui font leur première scène ouverte. J'ai beaucoup aimé les sensations, ça s'est bien passé, puis je suis revenu, puis je suis revenu, puis je suis revenu...


A cette époque-là tu habitais à Bordeaux ?


Exactement. Il y a 5 ans.


Mais donc comme tu disais, tu écrivais déjà avant ?


Oui, mais de manière, très aléatoire, sans but précis, sur du ressenti... J'ai toujours aimé ce qui est autour du rap, ou de la culture hip hop, de temps en temps je m'amusais à poser quelques mots sur des instrumentaux comme ça, sans le partager pour autant. J'ai toujours aimé trouver les mots, écrire, dire...


Tu penses que cette proximité aux mots te vient de quoi, de où?


Alors, ça, c'est une tellement bonne question... J’ai pas vraiment côtoyé ce milieu étant jeune. Mes parents sont boulanger pâtissier, leur rapport à l'art ou à la littérature, à l'oralité est lointain... Ils sont assez étrangers à tout ça de manière générale, tout en étant quand même dans un rapport à la création. Quand on est pâtissier, il y a ce côté le rapport à la création, la rigueur des techniques, le plaisir de créer. Des choses qui ont rapport à l'art, à l'idée de créer quelque chose. En grandissant là-dedans, ça a pu faire émerger sur l'idée de créer quelque chose. J'ai du mal à identifier pourquoi sur l'oralité sur le slam, sur les mots, vas savoir, je n'ai jamais réussi trop à comprendre pourquoi...


Un rapport à l'humanité peut-être ? Un commerçant est souvent proche des gens, enfin ça dépend des commerçants, mais ils sont un minimum attentifs aux autres.


C'est vrai que ça peut-être une hypothèse. Ma mère a pour habitude d'être plutôt à la vente à la boulang', quand tu la vois faire, c'est une pièce de théâtre ! Elle ne s'en cache pas, elle aime surjouer la chose, elle a quelque chose d'assez théâtral dans la relation client et du coup moi depuis que je suis tout petit, je lui donne des coups de main, je l'aide à la caisse à vendre des gâteaux... Peut-être que ça joue: on essaie d'avoir une relation sociale et communicative humaine et harmonieuse dans ce qu'on va faire. Il y a un certain plaisir là-dedans. C’est une hypothèse.


Donc tu écrivais à la base comme ça de temps en temps de manière assez irrégulière... sur des bouts de papiers, sur un cahier...

Elvi. Photo: Emmanuel Chamin (c)

Moi, j'ai toujours écrit plutôt sur papier et depuis peu je suis beaucoup plus sur ordi.


Si t'es sur ordi, c'est donc que tu écris chez toi, pas dans les transports ou dans un bar ou en te baladant...


En fait, il faut que je me force à varier. L'autre jour, j'étais dans une gare, j'avais du temps et je trouve que l'endroit évoque quelque chose de très poétique, très inspirant, dans la multitude des choses qui s'y passent en même temps. Du coup, je me suis dit, ça serait bien que je me pose dans une gare comme ça ou même dans un bar, des lieux dans lesquels il y a beaucoup de choses qui se passent autour et dont on peut s'inspirer pour écrire. J'essaie de me forcer à le faire. Mais, j'ai peut être ce défaut, quand j'écris, j'ai besoin d'être en mode très très très focus, très concentré : aucun bruit autour, aucune chose qui me divertit l'esprit... C'est une manière de faire est assez rigoureuse, en terme de contexte.


Et tes textes au final sont rigoureux eux mêmes où ils ont très libres ? Ils sont cadrés ou ils vont partout ?


Très cadrés, oui. C'est une technique d'écriture, c'est à dire que c'est assez mathématique quand je pense un texte. Déjà, je le pense en nombre de mots par rapport à mon débit, je me dis il va falloir que j'ai tant de mot, donc en fait quand je suis sur une page word, je vois où j'en suis etc. Et après, je me dis, là j'accélère, là j'ai un temps de pause... Je vais travailler telle ou telle figure de style et, en fait, quand j'écris, il y a trois onglets de dictionnaire des synonymes, trois onglets de dictionnaire des rimes, trois onglets de dictionnaire tout court... Des pages wikipédia en veux-tu en voilà. Je dois mettre en moyenne une 20aine d'heures d'écrit au moins. J'essaie vraiment d'apporter beaucoup de densité dans l'écrit, mais c'est dur de le retranscrire parfaitement en 3 minutes. Du coup, un reproche qu'on a pu me faire, c'est que en fait j'ai déjà passé une phrase, que les gens n'ont pas eu le temps d'assimiler celle d'avant. C'est à double tranchant !


Un slam de 3 minutes c'est combien de mots chez toi ? C'est marrant en fait...


Si c'est un gros débit je vais être sur 600 à 700 mots. Là, récemment, j'ai fait un texte à 450-500 mots parce que j'ai voulu tester un truc un peu chanté, quelque chose de très calme et qui s'envole très haut et qui demande de prendre le temps. C'est une technique différente. Mais globalement c'est autour de 600 mots on va dire.


Du coup une fois qu'un texte est fini, tu le retravailles après ou il est fini, on n'en parle plus?


Non, quasiment pas. Je peux pas. Mais je ne suis pas sûr que ça soit bien ce que je fais... Je passe tellement de temps à me triturer l’esprit pour être sûr que chaque mot est pesé et qu'il signifie quelque chose que du coup, non, je ne vais pas le bouger. Donc, je ne retravaille jamais un texte, ça ne s'est jamais fait. Peut-être que j'ai la flemme...


Ton processus est très rigoureux comme tu dis, donc, effectivement, après la phase de travail, tu arrives à un résultat que tu n'as pas à remettre en cause. J'imagine que c'est ça.


Oui, je pense qu'il y a un peu de ça.


Tu disais que les gens ont souvent besoin de recul pour bien saisir tes textes?

Elvi. Photo: Charlotte Tirion Winckler (c)

On me dit souvent que mes textes sont très denses, du coup, ce qui est bien c'est que c’est cool si c'est bien exécuté dans l'interprétation et que tu marques des esprits, fait ressentir quelque chose. Ça veut dire que tu transmets une émotion et je pense que c'est la raison première pour laquelle je fais ça. Mais, à côté de ça, c'est dommage quand on te dit oui mais je n'ai pas tout assimilé parce que ça va trop vite, il y a trop d'images trop de figures, trop d'effets. Du coup, tu te dis qu'à vouloir trop être partout, tu es nulle part... Je me dis donc des fois que je devrais peut-être prendre le parti pris d'être plus simple. Mais j'ai vraiment du mal à accepter d'être simple dans l'écriture parfois. Et ça peut être dur à vivre je t'avoue quand tu écris...

Après, ce sont des étapes aussi. Aujourd'hui, tu fais comme ça, après en fonction de tout ce qui va se passer, soit tu vas rester comme ça parce qu'il n'y a peut-être pas de vraie raison de changer, soit, si vraiment il faut changer, tu comprendras pourquoi, tu le sentiras et tu changeras... mais si t'as pas de raison...


La raison de changer, c'est, moi j'essaie régulièrement d'apporter quelque chose de différent de nouveau et c'est de pas rester dans une zone trop de confort. Je suis assez admiratif de gens comme Clo Debrito qui avait gagné par exemple un championnat national il y a quelques temps, même championne du monde. En fait et j'ai toujours assez stupéfait de voir à quel point elle pouvait être habile à passer d'un style à un autre en passant d'un texte à un autre, quelque chose de chanté rigolo à quelque chose de plus profond et sombre, enfin je suis assez étonné et admiratif de ça, je me dis bon ba après chaque texte il y a je me dis après chaque texte tu te dois de faire mieux à celui d'après. Quelque fois je ne suis pas sûr que ça soit si productif de se dire ça, mais c’est une vision que je trouve cohérente... Je viens du milieu du sport à la base donc ça peut venir de là, ça peut être utile.


Non mais ce sont des défis que tu te lances!


Oui. Un petit peu...


Du coup, ça t'aide à avancer. Super! Dernière question. Que dirais tu à quelqu'un qui a envie de découvrir le slam pour lui donner envie, susciter sa curiosité ?


En fait, je me rends compte que je ne dis pas forcément la même chose à tout le monde. Je pense que l'idée c'est de se dire : de quoi a besoin la personne en face de moi ? De divertissement ? de dépassement ? De ci, de ça et en fait, là tu vas pouvoir adapter ton propos. Mais, je suis toujours très agréablement surpris de voir quand il y a une scène slam ou un tournoi, qu'il y a toujours des gens qui vont dire : c'est la première fois que je suis là et franchement je ne m'attendais pas à ça, j'ai adoré, je reviendrai. Tout comme les gens qui passent sur scène pour la première fois, c'est très rare qu'ils n'aient pas envie de remonter ou de refaire l'expérience. Soit parce que les sensations étaient bonnes, soit parce qu'ils disent, je n'ai pas été à la hauteur de ce que je voulais, en fait javais peur d'être mal jugé, mais les gens sont bienveillants et je vais revenir ! Presque tout le monde sort de cette première expérience avec un côté positif et des bonnes sensations. Ca me rappelle quand j'ai fait du saut en parachute. Ca peut être stressant y a une adrénaline avant et en fait il se passe quelque chose d'assez cool qui crée un très bon souvenir, qui fait que t'as envie de revenir ! Il paraît que c’est addictif la scène, et c’est certainement vrai... Le conseil, c'est quel que soit ce que tu cherches, tu peux le trouver dans le slam !


Un grand merci à la Ligue Slam de France, à toute l’équipe de Rennes, notamment bien sûr à Elvi... Propos recueillis par #PG9

Elvi. Photo: William LBL (c)




Tous les portraits sont regroupés ici:



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