top of page
  • Photo du rédacteurCulture Etc

[Pourquoi Slamez-vous?] Coupe de la Ligue Slam 2019: Canard, Paris

Slameuse/ Slameur: Canard

Equipe de: Paris



Pourquoi Slamez-vous?

Enquête auprès des slameurs sélectionnés pour la Coupe de la Ligue Slam de France 2019 www.ligueslamdefrance.fr



Enchanté Alexandre. Comment as-tu rencontré les mots? Qu'est-ce qui t'a amené au slam?


Enchanté Philippe. Il y a 15 ans, j'avais 15 ans, mon frère, Nico K, faisait du slam et du coup j'ai commencé avec lui. C'est clairement lui qui m'y a emmené.


Tu y étais déjà sensible? Tu écrivais déjà?


Alors, ça, savoir quelles sont les influences... J'ai toujours écouté du rap. Par mon frère, mais aussi par moi-même d'une certaine manière. J'ai eu un groupe de rap avec des potes. C'était après le collège et le délire, comme on partait dans des lycées différents, était de trouver un moment pour se voir. On était super productifs: dès le début, dès nos premiers textes, on a trouvé des moyens pour s’enregistrer à l'arrache. En fait, très rapidement, tous les vendredis on se voyait pour enregistrer un morceau. Tout est venu à peu près en quelques mois: j'écris des textes de rap, le slam commence en France, mon frère va aux soirées slam, il me propose d'y aller et je trouve ça super kiffant d'être sur scène. L'un nourrit un peu l'autre aussi. On fait quelques concerts avec mon groupe -il s'appelait Z.O.B.- et après, je suis allé aux scènes de mon frère. En plus, je suis au lycée, donc tu fais pas 1,000 sorties dans la semaine, ça faisait partie des moments cool avec de nouveaux amis, des gens de tous horizons.


Dans tout ce que tu dis, tout passe par l'oralité, elle est centrale?


Totalement. Même maintenant dans la démarche, c'est toujours comme ça. J'écris sur des instrus, soit faites par mes potos qui font du son, soit des Typebeats sur internet, des instrus faites par des beats makers et vendus comme ça sur internet mais auxquelles tu as un accès gratuit. Le texte s'écrit de toutes façons toujours avec une instru. Enfin, je fais du rap clairement. C'était déjà comme ça au début, j'ai rarement écrit sans musique derrière. Après, dans le slam, j'ai beaucoup dit ces textes, mais je me suis aussi beaucoup mis à faire des impros. Pendant quelques années, avant de revenir à l'écriture, tout partait directement de l'oralité.


Quel est ton rapport aux livres?


J'ai énormément de respect pour la poésie écrite, mais c'est quelque chose que je n'arrive pas du tout à lire. Je suis extrêmement touché par ce que peut être un livre, j'ai beaucoup de plaisir à écouter de la poésie, mais très peu à en lire.


A écouter et à voir ton parcours, tu es complètement dans le monde du réel, dans l'interaction directe entre le son, les mots, les gens, le spectacle vivant on va dire.

Canard en 2009 (c)

J'avoue que mon envie de musique, de faire de la musique, vient vraiment de la scène... Si j'enregistre des sons et que je me motive ces temps-ci pour sortir des morceaux, c'est vraiment pour la scène. J’aime écouter de la musique, le format album, mais surtout j'aime voir les gens en concert. Je sors beaucoup, je vois beaucoup de concerts je danse beaucoup, je suis beaucoup là-dedans. chez moi, je n'écoute pas tant de musique que ça, je kiffe la voir en live, vivante. Je comprends effectivement le mot réel, dans le sens où j'ai des interactions directes avec des gens, mais débattre sur ce que c'est le réel et à quel point je me situe dans le réel, c’est une toute autre histoire... La fiction est parfois extrêmement réelle et le réel tellement surréaliste qu'on se demande si ça n'est pas de la fiction.


Tu es dans l'action...


Oui, grave. En fait, c'est aussi le kiff égocentrique de laisser une trace. Quand j'étais au lycée, je kiffais enregistrer des sons. C'était mal fait, maintenant je les réécoute ça me fait triper, mais je veux dire même à l'époque je savais qu'on manquait de moyens, que ça serait mal enregistré, mais ça faisait partie du truc: tu fais avec les moyens que tu as et ça n'empêchait pas le kiff total de s'écouter. Ca te fait retravailler tes morceaux, tes textes, tu comprends d'autant mieux l'écriture, le rythme etc. C’est une forme de réel...


Comment écris -tu ?

J'ai plutôt une forme de facilité à écrire, mais j'avoue que je ne kiffe pas trop écrire sur commande. C'est plus que j'ai très régulièrement l'envie de le faire... Après quand on est en crew ou qu’on fait des freestyles en studio des trucs comme ça, je ne suis pas si mal à l'aise avec le fait de devoir écrire sur des sujets imposés. Mais, même si je suis hyper prolifique, je préfère faire ça surtout le soir, la nuit, très tard. Ca vient vraiment comme ça, c'est le plaisir d’écouter des instrus, d'avoir des mots qui viennent, une phrase, des rimes...


Et là, tu fais donc partie de l'équipe parisienne pour la coupe nationale de la ligue de slam, est-ce que tu sais déjà ce que tu vas présenter comme texte pour le round du 1er juin ?


Ta question est liée à l'écriture pour le slam, moi je n'écris vraiment pas pour le slam. J'écris sur des instrus en prévoyant d’enregistrer des morceaux pour faire de la scène... ce qui fait que mes textes ont aussi l'un des kiffs du rap, c'est qu’il n’y a pas nécessairement une cohérence totale dans tout ton morceau. C'est beaucoup un art de la digression aussi, un art de l'egotrip: tu te retrouves à faire un morceau sur quelque chose mais à quand même placer des phases d'egotrip! C'est vraiment un truc de punchline ou tu passes d'une idée à l'autre par des associations de pensée. C’est du coup une écriture que je kiffe et avec laquelle je me sens à l'aise, mais qui n’est pas forcément un format “slam”. Cela dit, le slam n'est pas une catégorie: c'est juste des gens qui se réunissent dans un endroit et qui disent des textes ou qui utilisent cet espace de liberté pour livrer une performance... Le mime pourrait passer. Quand la FNAC a créé une catégorie slam parce que des slameurs faisaient de la musique, j'avoue que ça me paraît être complètement le contraire de ce qu'est le slam ! Le slam est tout sauf un truc figé sur un cd.


Juste pour conclure quel est ton plaisir particulier du slam ?

C'est drôle parce que, ces temps-ci, j'avoue que quand je fais des textes, c'est plutôt bien reçu. Je donne du bonheur aux gens même avec des phrases super déprimantes! “J'entertain”, je divertis... Cette notion de divertissement est super importante pour moi. Je dis ça, c'est pas du tout pour me la raconter, c'est aussi pour dire que pour le coup à l'ancienne, quand j'ai commencé les scènes slam, c'était aussi la fin de l'adolescence, le début de certaines prises de conscience de soi-même, de ce qu'on peut dire et faire et comment les autres réagissent à ce qu'on est. Du coup, avant, étrangement, il y avait vraiment un plaisir à être détesté. Je testais des trucs, c'était très expérimental si on peut dire, il y avait vraiment complètement des moments WTF! Je sortais clairement du lot: j'avais 15 ans, les autres en avaient de 20 à 50, j'étais vraiment dans les plus jeunes. Maintenant, des mecs de 7 -8 ans slament, mais il y a 15 ans, peu de gars de 15 ans slamaient. En vrai, le plaisir, c’est la liberté qu'on a sur scène et de ce moment qui t'est donné. Je pense que c'est le premier plaisir. Et ensuite, l'écoute, je ne sais pas comment... c'est compliqué parce que c’est un des kiffs du slam qu'il y a moins maintenant: les gens sont beaucoup plus respectueux. Avant, tout le monde parlait, il fallait s'accaparer la parole, gagner le silence et ça c'est un exercice que je trouve très intéressant. Ma première scène slam, j'étais hyper tremblant, il y a carrément des passages de mon texte que j'ai sautés tellement j'étais stressé, mais c'est passé super vite et vraiment j'ai pris la leçon de ce truc que c'est à toi de draguer les gens. Ce ne sont pas les gens qui doivent t'écouter, c'est toi qui dois te faire écouter des gens. Et du coup, j'avoue qu'il y a beaucoup ce plaisir là d’attraper le silence et de faire que les gens t'écoutent et réagissent. Après, qu'ils réagissent en kiffant ou en détestant vraiment ça, en toute honnêteté, je n'ai pas à juger. C'est le même plaisir. Quelqu’un à qui j'ai fait ressentir quelque chose, qu’il me déteste ou qu'il m'adore, c'est pareil. Il y a vraiment ce truc, c'est peut-être triste, le besoin, l'envie d'être écouté. Le mec qui me déteste, c'est qu'il m'a écouté et c'est un bonheur.


Un grand merci à la Ligue Slam de France, à toute l’équipe de Paris, notamment bien sûr à Canard... Propos recueillis par #PG9


Canard lors d'une soirée QDCF. Photo: Jean-Baptiste Quillien (c)

Tous les portraits sont regroupés ici:




47 vues0 commentaire
bottom of page