Slameuse/ Slameur: Grégory Parreira - Le Citadin Filiforme
Equipe de: Lyon
Pourquoi Slamez-vous?
Enquête auprès des poètes sélectionné-e-s pour la Coupe de la Ligue Slam de France 2020
Comment as-tu rencontré le slam? Te souviens-tu de la première scène à laquelle tu as assisté, puis participé (et donc de ton premier texte)?
C’était il y a une petite dizaine d’années. Voilà quelques temps que j’écrivais de la poésie et fleurissait en moi la nécessité impérieuse de faire passer mes vers par la voix. "La poésie qui ne prend son sexe que par la corde vocale..." comme le disait ce cher Ferré. Après avoir un peu fréquenté les scènes de poésie contemporaine, je me me suis tout naturellement orienté vers les scènes ouvertes de slam. Ce fut le début d’une pratique qui na pas cessé depuis plusieurs années à raison de 3 scènes par mois. La date de ma première est donc bien trop lointaine pour que je m’en souvienne, il me semble que j’ai dû lire un poème sur les péchés capitaux, j’écrivais une série de textes sur ce thème à l’époque.
Comment écris-tu tes textes? Qu'est-ce qui t'inspire? Aimes tu te mettre dans des conditions particulières pour écrire (lieu, ambiance, moment de la journée...)?
Mon approche de l’écriture diverge selon les formes utilisées. Pour la prose, elle est plus automatique, instinctive, mais j’écris également beaucoup en vers et notamment dans un alexandrin respectant la prosodie classique (en intégrant les détentes "romantiques" vis à vis des règles initiales). Cette écriture versifiée nécessite plus de technique, de concentration et de temps. Pas de thème particulier, les poèmes naissent au fil de la sensibilité, de mes réactions face aux tumultes du monde. Pas vraiment de lieu, d’ambiance ou de moment propice. En revanche que se soit pour la prose et plus encore pour le vers, j’ai besoin d’une plage de temps conséquente pour façonner au mieux mes agglomérats de mots.
Si tu as d'autres activités artistiques, le Slam a-t-il une place particulière dans ton processus créatif?
Le slam et notamment les scènes ouvertes ont été pour moi un véritable entraînement intensif d’oralité qui m’a permis de créer mes propres spectacles poétiques, de maîtriser la mise en voix et en espace du poème. Depuis, je m’immisce dans le théâtre, dans la lecture off, je propose des ateliers sur ces thématiques dans les établissements scolaires. Disons que le slam est à la fois ma salle d’entraînement et le plus bel espace de partage social de mes textes, un biais de transmission de la passion poétique également, sa facette orale.
Comment est la scène slam autour de chez toi? La fréquentes-tu assidûment chez toi et aussi ailleurs?
La scène est extrêmement vivace et vivante à Lyon avec pas moins de 3 scènes ouvertes par mois. Depuis 6/7 ans je crois en avoir manqué très peu. En revanche je n’ai jamais eu l’occasion de participer à une scène slam en dehors de ma région.
Que dirais-tu à quelqu'un qui cherche à découvrir la discipline pour lui donner envie?
De venir goûter l’ambiance d’une scène slam : la joie du partage, la bienveillance, la passion et l’envie qui circulent lors de ces événements. De venir plusieurs fois en spectateur et si l’envie se fait sentir de ne pas hésiter à franchir le pas et monter sur scène. "Ça donne envie d’écrire", c’est sans doute la phrase que j’ai le plus entendu lors de scènes slam de la part de spectateurs découvrant la discipline. Phrase a laquelle je réponds invariablement: "Si l’envie est là, allez y !". Voilà un agréable virus !
Quelle est pour toi la place de la poésie dans la société?
Voilà une vaste question. Il me faudrait sans doute plusieurs mois, plusieurs calepins pour y répondre et sans doute que je ne ferais qu’effleurer la réponse. Pour répondre rapidement, je dirais que c’est le miroir des sensibilités, c’est dénicher les mots justes, la forme la plus efficace pour caractériser les émois, les révoltes, user d’un équilibre de son et de sens, d’esthétisme lexical. Elle est aussi pour moi, dans son corps même, la pratique artistique d’une certaine forme de résistance. Un art qui invoque la lenteur et l’absence de profit en opposition totale avec les courants actuels du monde... et qui pourtant demeure. La poésie est pour moi une petite forteresse de l’esprit critique, du temps long et de l’artisanat des émotions.
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