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[Plonger dans l’âme de...] Leopoldine Hummel. Une artiste en “hors”

22 Septembre 2018, présentation de saison du Théâtre Antoine Vitez / Ivry (suite). Parmi les nombreuses pépites découvertes lors de cette soirée, il y a eu les truculents Léopoldine Hummel et Maxime Kerzanet qui ont présenté avec une joie et un plaisir sans nom leur projet en cours de création: “On voudrait revivre”, hommage totalement décalé à Gérard Manset... Nous nous sommes retrouvés plus tard avec Léopoldine, elle était entre deux créations puisqu’elle jouait “La Chambre désaccordée” de Marc Lainé aux Abbesses à Paris, et nous avons parlé. Quel échange! Quelle discussion sur les livres, la chanson, la théâtre... et les Bretzels. Vous allez réellement partir ailleurs. Mais si vous êtes artiste, ce monde où tout est possible est certainement aussi le vôtre! Bonne lecture



Bonjour Léopoldine, enchanté de partir à la découverte de votre travail et de vous-même parce que c'est passionnant de diversité et d'originalité. Question: la liberté est-elle plus proche de la raison ou de la folie ?


Bonjour Philippe, enchantée également. Je pense que c'est hyper raisonnable de se créer des endroits de liberté, comme des chambres d'enfants où on fait ce qu'on veut. Qu'il ne faut jamais cesser de se déconstruire. J'ai l'impression que c'est très raisonnable de se créer des endroits de liberté pour se permettre des folies. Donc, oui, je pense que c'est conscient et raisonné d'aller dans des endroits de liberté. C'est marrant parce que je travaille en ce moment avec un metteur en scène de théâtre, Marc Lainé, et à la fois, quand on a un metteur en scène, il y a quelque chose de très directif, mais, le spectacle “La chambre désaccordée” se passe dans une chambre d'enfant... et c'est vraiment l'espace où tout est possible. Dans cette pièce, des personnages apparaissent, il y a même le fantôme de Jean-Sébastien Bach à un moment. Je crois que c'est ce qu'on essaie de faire quand on créé, c'est de fabriquer des chambres d'enfant. Parce qu'il faut ne jamais oublier qu'on est des enfants. Re-convoquer l'enfant, re-convoquer la chambre. Une chambre à soi, c'est très important, comme un refuge où on peut se soustraire au monde et trouver un espace complètement libre. Ca me parle beaucoup en ce moment... Aussi parce que je passe mon temps dans la chambre de cette pièce ! Ca fait deux mois que je suis complètement dedans. Oui, c'est entre les deux. J'ai l'impression qu’il est très raisonnable de se créer un endroit de liberté et puis qu'à l'intérieur de ça on peut vraiment après oublier peut-être la raison et aller dans la folie. Je ne sais pas de quoi c'est le plus proche, mais ça va avec les deux. La liberté va avec les deux notions.


Effectivement, vous venez de créer “La Chambre désacccordée”...

On l'a créée à la Scène Nationale 61 à Alençon début Octobre, le 8. On joue à Paris du 16 au 24 Octobre au Théâtre de la Ville/ Manufacture des Abbesses (Paris) et puis après on part en tournée, on a une 50aine de dates dans toute la France. Une tournée se prépare aussi pour l'année prochaine. Je crois que c'est un beau spectacle. En tous cas, nous, on est très heureux de le jouer et le metteur en scène est très heureux de le voir. Beaucoup de gens sortent en pleurant. Moi-même, à la lecture de la pièce, j'étais vraiment touchée... C'est à la fois pour les enfants mais beaucoup aussi pour les adultes. C'est le personnage d'un enfant prodige du piano, “il savait lire les notes de musique avant de savoir parler”, c'est ce que sa mère aime bien raconter quand elle parle de son fils. Il entend ses parents s'engueuler le soir et il essaie de faire en sorte qu'ils restent ensemble en jouant du piano. C'est très agréable parce que ça mêle le théâtre à la musique, déjà. Et puis, ça mêle beaucoup de choses... Au théâtre, on peut tout se permettre! On est trois comédiens, mais, Loïc et moi, on joue plusieurs personnages. Quand on fait les parents qui s'engueulent, on est dans une sorte de studio d'enregistrement qui est à vue. Au théâtre, on peut se permettre ça. La chambre des parents devient un studio d'enregistrement avec des micros. C'est éminemment théâtral de pouvoir montrer un dispositif, ce qu'on ne peut pas trop faire au cinéma ou ailleurs. On fait confiance à l'oeil du spectateur qui va lui-même se dire “tiens c'est marrant, oui, c'est la chambre des parents”. C'est un code que l'on accepte. Mais c'est aussi un studio d'enregistrement, donc ça créé une distance. Nous, on joue vraiment une engueulade, mais c'est un studio d'enregistrement. Ca permet aussi d'entendre l'engueulade autrement, d'une manière presque musicale. Je trouve ça assez étonnant que notre cerveau soit capable de mettre plusieurs filtres devant des choses et d'avoir aussi plus de recul. Etre moins comme dans un film où on est totalement immergé, totalement pris par l'émotion, la musique etc... Là, l'intelligence du spectateur est toujours convoquée. Je crois que c'est ça qui me passionne le plus aussi dans les concerts que je fais.


C'est une forme de poésie?


Oui, exactement. C'est un rapport poétique à l'imaginaire et à la confiance dans la capacité de chacun à s'imaginer des choses, à faire des liens avec soi-même, à être très actif, à traduire véritablement ce qu’on voit, ce qu’on ressent dans sa propre langue.



J'ai vu la bande annonce, la chanson, c'est très joli.


4 chansons ponctuent le spectacle à la manière d'une comédie musicale de Jacques Demy. Le fait qu'il y ait de la musique et des chansons, ça permet aussi de voir les personnages dans un autre rapport, d'être moins frontal dans ce qu'ils se disent. Je discutais avec un ami, Gildas Milin - il a écrit plusieurs des textes qui font partie des chansons que je chante-, il me disait quand on chante, tout à coup, d'autres zones du cerveau s'activent. Ca dé-réalise les choses, ça créée comme une autre dimension, ça ouvre d'autres zones du cerveau chez celui qui écoute comme chez celui qui chante. C'est au cœur de ce que j'aime dans la création, dans la liberté qu'on a aussi, dans le rapport de celui qui est sur scène et du spectateur. J'adore ça. J'adore qu'on soit ensemble en intelligence.


“La chambre désaccordée” https://vimeo.com/293518045

Et justement, vous même, vous êtes à la fois comédienne et musicienne. Vous aimez toucher à toutes ces cordes-là, toutes vos zones du cerveau ?


Oui, c'est sûr. Ce sont deux métiers un peu différents, même si là dans cette pièce de Marc Lainé, je fais les deux. Léopoldine HH., mon personnage de chanteuse, est vraiment particulier. C'est mon endroit. Personne ne me dit comment le faire. Quand je suis comédienne, même si j'y trouve ma liberté et mon plaisir, je suis plus au service d'un propos ou d'un metteur en scène. Et quand je suis Léopoldine HH, c'est vraiment un endroit de liberté. C'est un peu différent. Cette liberté convoque un endroit de folie justement pour revenir à la première question.


C'est pour ça que vous changez de nom, d'ailleurs.

Oui. C'est vrai. Mais je me demande s'il ne faudrait pas complètement changer de nom! Parce que, parfois c'est un peu schizophrène. Ca devient comme une marque, c'est étrange... C'est quand même mon prénom. Cet été à Avignon, une dame, une professionnelle, est venue, elle m'a croisé dans le théâtre avant la représentation. Elle me dit : “excusez-moi, vous vous occupez de Leopoldine HH ?”. Elle ne me connaissait pas. Je lui dis “pardon ?”. Elle continue en me montrant du doigt : “Vous, vous vous occupez de Léopoldine HH ?” Je lui dis : “je ne comprends pas votre question !”. Elle insiste : “Vous ! Vous ! Vous vous occupez de Léopoldine HH ?”. Je n'arrivais pas, c'est trop schizophrène. J'étais déjà en costume, coiffée etc... J'étais Léopoldine HH à ce moment-là et à la fois, je suis Léopoldine qui s'occupe du groupe ! Si ça s'appelait “Fenêtre sur cour” (je dis au hasard) à la question “Vous vous occupez de Fenêtre sur cour ?” Je pourrais dire “oui”, il n'y a pas de soucis. Mais là, c'était bizarre. Et puis on est 3, depuis 2 ans maintenant avec Maxime et Charly. Pour moi, c'est vraiment un groupe et j'ai envie qu'on fonctionne comme un groupe, qu'on puisse tourner sur les instruments, que eux puissent prendre en charge plus le chant aussi... Peut-être qu'à un moment on va trouver un titre comme “Jimmy Hendrix Expérience”... Comme ça, ou un ami m’a suggéré “le grand ensemble de Léopoldine HH”! Un truc qui inclue le fait qu'on est vraiment un groupe.


Justement, votre univers de Léopoldine HH a toute la poésie et l'inventivité de la chambre d'enfant dont vous parliez... ?


Oui. Quand on rentre sur scène, on est vraiment comme des gamins. Pearl Manifold, une comédienne que j'aime beaucoup, parle vraiment comme ça du métier d'acteur: toujours se souvenir de comment on était enfant pour re-convoquer le jeu, l'instinct de tout, l'intuition. Etre tout le temps dans un rapport très intuitif à tout, très joueur, très premier degré dans le sens où, là quand on joue au théâtre on est très premier degré dans toutes les émotions qu'on peut ressentir avec nos personnages. Des vraies colères, des vraies joies, des vraies tristesses... Quand on chante, on est vraiment comme dans la cour de récré aussi. Tout est possible. On est dans un état incandescent. Il y a un truc un peu incandescent d'être sur scène. Moi, je suis toujours au bord à la fois de pleurer et de rire. C'est un endroit très étrange où une émotion déborde... Je sais pas. Ca vibre beaucoup. Effectivement, ça participe de la liberté qu'on se permet.


Les sentiments sont toujours exacerbés sur scène...


C'est hyper addictif d'être dans cet état-là. Parce qu’on le fait devant des gens. Tout à coup, on s'extraie de la foule et on se regarde. C'est un truc étonnant. On fait des rencontres avec le public après les représentations de “La chambre désaccordée”. Marc, notre metteur en scène disait : “c'est étonnant que dans nos architectures de ville il y ait des lieux, des endroits complètement vides, des boites noires qui sont là pour accueillir des gens qui viennent raconter des histoires. Ca fait partie de l'architecture de nos villes. De la même manière qu'on a des mairies des casernes de pompier, on a des endroits, des boites noires, vides, qui sont là pour accueillir des gens qui vont regarder ces histoires. C'est étonnant que depuis des siècles ça continue, ça existe, ça fait partie du paysage architectural des villes, des communes”.


Avant, c'était des arènes ou des cirques, à ciel ouvert...


Oui, mais ce sont des espaces dédiés à cette activité précisément en tout cas. C'est génial !

On parle de liberté, d'émotion et tout. Tout ça, c'est énormément de travail. Et ce travail vous le faites notamment sur des hommages éphémères...



Parfois, les rencontres font qu’on répond à des commandes oui. C'est surtout dans un festival littéraire qui s'appelle “les Bibliothèques Idéales” à Strasbourg qui depuis plusieurs années me propose de venir faire une sorte de carte blanche. Donc, on discute avec François Wollfermann, le programmateur, féru de chansons. L'année dernière on a construit un hommage à Barbara à l'Opéra de Strasbourg, où elle avait chanté d'ailleurs. Il y avait vraiment un truc magique, elle était là, vraiment, ça vibrait dans l'air. C'était un moment incroyable. Cette année, on a vécu un moment très beau aussi avec Anne Sylvestre, qui était là, avec ses amis Philippe et Martine Delerm, deux personnes délicieuses. C'était avec un ami avec qui on aime beaucoup chanter, Vincent Dedienne, et deux musiciens géniaux, Gregory Ott et Matthieu Zirn, qui vivent à Strasbourg, des musiciens que j'ai rencontrés il y a quelques années, on aime beaucoup travailler ensemble, passer du temps ensemble, c'est toujours un plaisir de se retrouver. Effectivement, ce sont des répertoires éphémères, mais ce sont des chansons que j'aime aussi retravailler pour moi. Là, je suis en train de travailler le répertoire qui vient et je vais faire une série de concerts avec, à la fois des nouvelles chansons et des chansons qui m'accompagnent. J'ai invitédes bijoux la chanteuse Lise Martin à partager ces moments avec moi... Ce sera en décembre et janvier. C'est assez intéressant et passionnant de traverser, de travailler des chansons d'autres gens pour se rendre compte comment on s'est construit de l'intérieur, comment chacun compose... Ca influence forcément. Comme quand on est poète et qu'on lit d'autres poètes, on finit comme des babas au rhum, imbibés de tout ce qu'on lit. C'est pareil en entendant des chansons, en allant voir des concerts. En ce moment, on écoute énormément David LAFORE, il est incroyable. Il y a deux jours, il était à Paris on est allés le voir, à L'Auguste Théâtre, sa présence scénique est vraiment puissante et ses chansons sont sublimes... C'est vraiment très fin. Je trouve ça toujours étonnant, “la Chanson”, quand il y a une adéquation totale entre la personne qui chante, sa voix, sa musique et le texte. J'ai découvert aussi des bijoux chez Anne Sylvestre, je ne connais pas assez son répertoire. Je trouve ça bouleversant de voir à quel point une chanson de 3 minutes peut-être aussi parfaite, toucher au cœur. Il y a une sorte de perfection, comme un diamant taillé. Waoo tout d'un coup, il y a tout.


C'est grâce à la liberté, pour revenir à ça ? Qu'est-ce qui d'après vous et donc, pour vous, permet à l'artiste de toucher à l'absolu, de s'en approcher en tous cas ? Qu'est-ce qui fait que tout est là ?

Je peux que parler pour moi. Je pense que pour chacun c'est différent parce qu’on créé sans doute chacun pour ses propres raisons. Pour moi, j'ai l'impression qu'il faut trouver à qui on s'adresse. Cette phrase d’Armand Gatti que Maxime Kerzanet, mon compagnon à la vie à la scène, dit souvent : “qui s'adresse à qui ?”. Il y a eu un moment où je ne savais plus pourquoi je faisais de la musique. J'ai refait un petit concert qu'on m'avait proposé au ptit coin à Mondeville précisément. J'ai immédiatement retrouvé le sens de ça. J'ai besoin de me dire que je m'adresse à des gens, mais en même temps, j'ai besoin de me dire que je m'en fous de ce qu'ils vont en penser. C'est ce à quoi j'ai besoin de faire attention aussi pour ne pas, par la suite, me poser de mauvaises questions. Le premier album qu'on a fait avec Maxime et Charly Marty, il est aussi étonnant et réjouissant, parce qu'on a pris un plaisir immense à découvrir ce que c'était que l'enregistrement en studio, à découvrir l'ingénieur du son, qu'on a rencontré par hasard et qui est un peu devenu notre Dieu, il s'appelle Flavien Van Landuyt. Je crois que oui, j'ai besoin de savoir à qui je m'adresse, et, surtout, de ne pas m'inquiéter de ce qu'on va en penser. J'ai besoin de passer par le ludisme et le plaisir. Ce premier album, c'était aussi l'importance des textes choisis. Ces textes me tiennent debout, parce que parfois le monde dans lequel on vit est tellement absurde. Les livres sont quand même, de toute éternité, un refuge de papier. Heureusement qu'on a ça. Et le théâtre. Mais le livre est vraiment un rapport très intime et solitaire. C'est par là que je passe pour continuer à grandir, à réfléchir. A comprendre les choses, à m'interroger aussi. Les extraits que j'ai mis en musique, il est presque vital pour moi de les chanter. De vivre avec, les mettre en musique et en chanson, c'est à la fois une manière de les transmettre aux gens parce que j'ai envie que les gens les découvre. Mais aussi c'est un rapport complètement égoïste de pouvoir les dire et les redire et les connaître par cœur. C'est vital, je dirais.


Du coup on comprend votre rendez-vous annuel dans cette bibliothèque de Strasbourg!

Oui. “Les Bibliothèques Idéales”, rien que le nom de ce festival, ça me fait décoller. C'est le lieu parfait pour moi effectivement.


Tout se recoupe ! On va revenir à Gérard Manset... Que se passe-t-il avec lui ?

En 2014, je crois, on est allés voir avec mon compagnon, Maxime Kerzanet, le film de Léos Carx “Holy motors” au cinéma, à Saint-Etienne. On était en répétition pas loin avec Gilles Granouillet (un des auteurs de certaines de mes chansons, il est aussi metteur en scène). A la fin du film, Denis Lavant est dans une limousine avec Edith Scob qui la conduit et le dépose à plusieurs endroits dans Paris où il revit les scènes d'autres films de Léos Carax qu'il a jouées. C'est complètement incroyable comme film. Ce qui est très beau, c'est qu'il se change dans la limousine. Il est toujours en mouvement. A la fois, il change de personnage, mais il est aussi en mouvement vraiment dans la voiture, qui se déplace. Il y a une phrase qu'on aime bien qui est “on ne se baigne jamais deux fois dans la même rivière”. C'est à dire qu'on est tout le temps en transition, en mouvement. C'est une idée qui me plaît beaucoup. Dans ce film, c'est très concret. A la fois il se métamorphose de personnage en personnage et, à la fois, il est toujours en mouvement dans cette voiture. A la fin, Edith Scob le dépose. C'est le dernier arrêt, elle le quitte là, dans une sorte d'endroit résidentiel. Il fume une cigarette sur le pas de sa porte, il regarde l'heure, il rentre chez lui. La caméra reste dehors et commence une chanson avec un accord en do majeur et une voix avec énormément de réverbération qui dit: “On voudrait revivre, mais ça veut dire on voudrait vivre encore la même chose”. Par rapport au film, cette phrase est incroyable, le mec n'arrête pas de revivre des scènes qu'il a déjà vécues! Et puis on se dit mais c'est quoi cette voix ? A la fois, on trouve ça très étrange, parce qu’elle ressemble à Cabrel, donc on a un peu envie de rire, et à la fois on est complètement émus par les paroles, les accords et la voix elle-même. Il y a comme cet endroit qui déborde quand on monte sur scène ou à la fois on a envie de pleurer et de rire. Et puis, Denis Lavant rentre chez lui, dit bonjour à sa femme qui est un chimpanzé et à ses enfants qui sont des chimpanzés aussi... et la musique se déroule, longue, et lente. On a attendu la fin du générique pour voir qui chantait. Gérard Manset. On ne connaissait pas du tout - on s'est rendu compte après qu'on connaissait certaines chansons qu'il avait écrites pour Bashung.


On est sorti de là, on a couru chez le disquaire d'à côté, on s'est acheté l'intégrale de Manset, depuis on s'est acheté tous les vinyls etc... et ça nous suffisait pas. Du coup, on a commencé à travailler les chansons, à les chanter dans notre salon. Et on avait une proposition de carte blanche dans un festival de théâtre, le Festival des Caves, pour faire une petite forme pour 20 spectateurs qu'on a tourné deux ans. On a repris une dizaine de chansons de Gérard Manset qu'on a fait dialoguer avec des textes qu'on aime bien. Un texte de Borges, un autre de Nerval, un lied de Schubert... On a construit une sorte de parcours dans les chansons de Manset. On a énormément aimé jouer ça. Des fans de Manset sont venus voir “oui, on voulait voir ce que vous faisiez, parce qu'on ne peut pas faire n'importe quoi avec Gérard Manset. On vous attendait au tournant. C'est très beau. C'est génial que vous fassiez ça”. Du coup, ça nous a donné envie d'en faire quelque chose de plus grand pour le partager d'autant plus. Maxime travaille depuis quelques années avec une metteuse en scène à Reims, Chloé Brugnon, et dans leur discussion à un moment il lui a dit “est-ce que ça te dirait que ce soit un projet de ta compagnie, de mettre en scène une forme plus aboutie, plus mise en scène, avec vraiment une scénographie, qu'on réfléchisse à des images. Qu'est-ce que convoquent chez nous les chansons de Gérard Manset, comment on les fait dialoguer avec d'autres choses, d'autres textes?” Chloé aurait aussi des textes à ramener.


On a donc commencé un travail de répétition, de résidence de recherche autour de ça. On va le créer le 20 novembre au CDN de Reims, donc ça devient là vraiment un spectacle officiel. On a contacté Gérard Manset à plusieurs reprises pour le tenir au courant et puis on était un peu inquiets puisqu'on n'avait aucune réponse, on se disait si à un moment il en entend parler et qu'il refuse qu'on le fasse, ça va être compliqué. Dans le spectacle on a inclus ce doute. Il y a tout un moment où on fait une interview. Je suis Denise Glaser qui interview Gérard Manset (Maxime). Je lui dis : “on vous a écrit mais vous n'avez pas répondu”. “Je n'ai pas répondu ? Mais, je crois que j'ai reçu votre lettre, a priori je l'ai lue, je ne sais pas si je vais vous répondre, je ne sais pas ce que j'en pense de ce que vous faites…” Parce qu'effectivement, on ne sait pas. Sauf que là, on vient juste d'avoir une réponse, donc on va changer cette séquence du spectacle. Nous, on est comme des gamins devant quelqu'un dont on admire le travail. On se l'est imaginé, parce qu'on ne l'a jamais rencontré, Gérard Manset est très secret, et puis c'est un sacré personnage, quand on lit les interviews ou qu'on l'entend la radio... Les ITWs télé qu'il a fait sont étonnantes. La manière dont il parle de son travail, il dit que c'est un génie lui-même. En même temps, nous ça nous touche beaucoup d'entendre ça, parce qu'il n'y a pas de fausse modestie. Il sait pourquoi il fait les choses. Après, il dit aussi au sujet des chansons: “à un moment j'ai des élans de génie”. C'est comme ça. Ca pourrait paraître complètement invraisemblable de dire ces choses de soi-même, mais en même temps, nous, on est d'accord, on trouve vraiment que c'est incroyable ! Des albums concept, “la Mort d'Orion”, une chanson de 12 minutes, il y a “Attends que le temps te vide” où il finit en fade out, tu crois que c'est fini, et HOP il remet le son !! c'est génial ! Il a une liberté justement de création. C'est à la fois très mélancolique et très enfantin aussi, très joueur. Les sons, les textes, ça nous stimule énormément aussi de voir de l'intérieur comment il fait ses chansons. C'est hyper pertinent et... C'est passionnant. Donc, voilà, on en est là avec Gérard Manset. D'abord, c'est Maxime qui a initié le projet, je suis un peu au service de ça. J'y trouve ma liberté aussi, c'est très agréable d'être à cet endroit-là, de participer... C'est pas moi qui suis à l'initiative, ça me fait du bien. Léopoldine HH. me prend énormément de temps d'organisation, même si j'ai un tourneur génial, David Rapetti des Tontons Tourneurs, on travaille beaucoup ensemble sur la recherche de concerts, de résidences, comment s'organise tout ça... ça me permet aussi de ne m'occuper que de l'artistique sur d'autres spectacles, c'est agréable.


C'est magnifique tout ce paysage que vous brossez de votre travail, des différentes dimensions de votre travail... C'est magnifique ! C'est un peu comme un paysage sonore, sauf que c'est un paysage de spectacles en fait. Un paysage artistique.


Souvent quand j'écris un petit mot dans les albums que les gens achètent à la fin des concerts, j'écris : “voilà des paysages sonores où se perdre ou se trouver... parfois en maillot de bain”. C'est vraiment une phrase que j'aime parce que dans l'album il y a des chansons qui durent très longtemps, qui ne sont pas du tout des formats académiques, qui n'ont pas forcément de refrain. J'espère qu'on peut se retrouver dans certains textes et se perdre aussi dans certaines compositions et puis avec effectivement un pas de côté : il y a toujours un moment dans nos concerts où on se met en maillot de bain à la fin, je ne sais pas c'est comme pour créer un truc électrique dans l'air !


Dans les clips aussi !


Oui, dans “Blumen in Topf”.


D'ailleurs dans “Blumen in Topf”, l'expression qui m'est venue en tête après l'avoir vu, c'est: “Peace and Bretzel”. Parce qu'à un moment, vous faites un Bretzel avec des livres, enfin vous le faites de plusieurs moyens et à plusieurs reprises, et à un moment on ne sait pas si c'est le sigle “Peace and love”... Du coup, ça devient “Peace and Bretzel”!

Oui, c'est vrai que quand je le dessine, parfois il ressemble plus au symbole de la Paix. C'est marrant ! Je ne sais pas quel est le lien entre un Bretzel et la Paix ! Y'en a un qui se mange. Oui, c'est rigolo que ce soit si proche effectivement.


Un petit mot de conclusion ? Qu'auriez vous envie de dire pour le plaisir de partager ?


J'aurais envie de donner des conseils de lecture ! De dire qu'il faut absolument écouter David LAFORE en ce moment et qu'il faut absolument lire les livres de Gwénaëlle Aubry et d'Olivier Cadiot, et de Gildas Milin et de Marc Lainé. Et dire aussi qu'il faut tenter de faire confiance à la rencontre.


D'accord ! On a notre belle petite liste comme ça, merci.








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