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[Plonger dans l’âme de...] Laurent Cokelaere. Au service de la musique

Cet homme est une référence dans le monde de la musique. Partout, pour tous. Pour sa gentillesse, sa générosité, son écoute et son professionnalisme. Il a écumé le monde entier, sur les plus grandes scènes, avec sa basse et des vedettes, mais il affectionne particulièrement en parallèle les Clubs de Jazz et les artistes émergents. Bref, Laurent Cokelaere est au service de la musique, de toutes les musiques. Son portrait ici vient enrichir la série des personnages emblématiques d’un lieu que Culture Etc suit avec attention, Aux petits joueurs, le Club de la rue de Mouzaïa à Paris. Dans cet entretien, il parle de la place de la basse et du bassiste dans un groupe, de son et de toucher, de l’évolution du métier. Passionnant, personnel et humain. Bonne lecture!



Laurent Cokelaere. Photo: Vincent Le Gallic (C)

Bonjour Laurent! On va parler ensemble de la musique ou de la musique ensemble. Parce qu'il me semble comprendre de ce que j'ai pu te lire et entendre que la musique ça se fait avant tout ensemble...


Bonjour Philippe. Oui, pour moi c'est une évidence, la musique se fait ensemble. En plus j'ai choisi un instrument dont je ne suis pas fan en solo: la basse. C'est elle le pilier de l’orchestre, qui fait que tout tient. Ce n'est pas par hasard d'ailleurs si les bassistes sont souvent de bons chefs d'orchestre, organisateurs ou pédagogues. Nous, les bassistes, tenons tout le monde. C’est notre rôle et j'y tiens énormément. A partir de là, j'ai toujours visualisé la musique dans son global : quand je joue de la basse, ça n'est pas moi que j'écoute, mais l'orchestre. S'il est bon, si les musiciens prennent du plaisir, sourient, tout ça, le public le ressent... C'est un tout ! Et grâce à ça on a une belle soirée...


Qui commence dans la cave où tout le monde se retrouve pour s'entraîner ?


Il y a déjà l'apprentissage de ton instrument quel qu'il soit. Ca demande un certain temps. Ce qui est difficile, c'est de comprendre ton rôle, de savoir pourquoi tu es là. Après, une fois que tu le sais, tu te regroupes avec les bons musiciens, les bonnes personnes, qui ont chacun leur rôle et l'échafaudage se monte assez facilement. Evidemment, il y a un moment où tu répètes dans la cave ! Il y a forcément ça aussi, oui.


Peux-tu détailler vraiment pour toi le rôle de la basse et du bassiste.


Je continue ce que j'étais en train de te dire. La basse est l'instrument le plus grave au niveau de la tessiture de l'orchestre. Donc, si tu imagines un immeuble, la basse est l'étage du dessous et au fur et à mesure que tu montes, tu retrouves les flûtes et les petits machins tout là-haut. Tout tient sur ce qu'il y a en dessous. Quand on écoute un titre, si tu enlèves les graves, les fondamentales des accords, tu le perds. Tu fais la note grave et là-dessus tout le monde se pose. Après, évidemment, tu rajoutes le rythme, la culture, le style, plein de choses...


Là, en fait, tu parles du son, de la tonalité...


Laurent Cokelaere. Photo: J M Rock'n Blues (C)

Je parle du son et du rôle. Pour moi, je préconise la basse avec un son assez grave. Comme tous les instruments assez neufs - la basse électrique date du début des années 50-, les gens ont appris à en jouer d'une manière anarchique. Chacun a trouvé ses solutions, son propre truc. Des bassistes comme James Jamerson, Chuck Rainey, Duck Dunn, Paul McCartney, John Entwistle ont commencé à marquer le terrain, puis est arrivé un musicien comme Jaco Pastorius qui a tout transcendé. Il faut bien comprendre qu’après Pastorius, pas mal de bassistes se sont perdus. Parce que quand quelqu'un d’aussi génial, aussi pointu et révolutionnaire arrive, il emmène les instrumentistes, en l’occurrence les bassistes pour Jaco, qui eux n'ont pas de génie, dans un jeu qui ne leur correspond pas, avec souvent trop de notes. Je parle toujours pour la basse. Enfin, ça n'est que mon goût. J'entends souvent des contre-exemples, mais c'est rare. Donc je persiste, le rôle, c'est que toi, tu fais la fondamentale de l'accord. Mais tu peux aussi choisir tes notes. Tu peux changer complètement d'ambiance harmonique, et tu peux emmener un groupe dans des couleurs différentes. C'est un truc que j'aime.


Tu es au fondement, mais tu peux surprendre les autres quand même ?


Bien sûr que tu peux les surprendre, évidemment. Par exemple, le bassiste de U2 fait souvent des croches, avec la fondamentale de l'accord et, effectivement, si d'un coup il se met à jouer d'autres notes, ça va surprendre et pas forcément en bien ! Dans un contexte plus jazz ou rhythm’n’blues, le bassiste surprend tout le temps. Il joue avec la dynamique de ce qu'il entend. Tous les instruments le font, mais la basse reste en dessous et elle emmène le groupe.


Tu as la particularité de jouer plus bas que d'autres...


Le son est quelque chose de primordial quand tu travailles un instrument. Il y a le toucher, que tu travailles en faisant des gammes pour que tes doigts se déplacent bien sur le manche et pour maîtriser ton instrument. Le son, c'est plus complexe. C'est une vraie volonté de ton cerveau. C'est à dire que tu recherches quelque chose: une attaque de ta main droite, une pince de ta main gauche... Il faut avoir un bon ampli qui réponde à ce que tu envoies (Moi, je mets tout toujours droit, toujours, jamais je n’ajoute de graves ou d'aigus, si l’ampli est bon ça marche très bien). Le son, c'est ce que ton cerveau envoie à l'influx de ta main droite, la pince de main gauche… Et, en effet, je me suis rendu compte que j'ai souvent plus de graves que mon voisin avec le même instrument. Ca veut dire que ma tête envoie plus de graves à mes doigts, certainement !


Ca c'est un vrai travail de fond, de réflexion, de maturation de l'instrument ?


Oui. Exactement. A vrai dire, c'est très important le son. Il y a des gens qui n'aiment que les notes. Alors, ils prennent un instrument, ils branchent et ils jouent. Moi, j'en suis bien incapable ! Il faut que déjà, je me branche dans l'ampli avec lequel j'ai envie de jouer, avec la basse avec laquelle j'ai envie de jouer, et les notes à vrai dire je m'en fous ! A partir du moment où quand je commence à jouer, j'entends le son que je veux, je peux jouer une note de temps en temps, ça me suffira, parce que j'entends ce que j'ai envie d'entendre, et je ferai donc les bonnes notes.


Donc, à partir de ce moment-là, toi, à la basse, tu te maries avec plein d'autres. Comment choisis-tu les gens avec qui tu joues ?


En début de carrière, tu joues avec tout le monde. Parce que tu les rencontres et puis ça colle ou pas. Après, avec une certaine expérience, moi ça fait 40 ans que je suis professionnel, tu sais qui appeler. Je sais exactement qui appeler pour que le groupe sonne comme ça ou comme ça. Après, avec le remplacement d'un musicien ou un autre dans l’orchestre, ça change des couleurs qui peuvent être super aussi.


Tu te laisses aussi surprendre par des nouveaux ? Parce qu'une de tes grandes qualités de ce qu'on m'a dit et de ce que j'observe, c'est justement l'ouverture...


MYK & friends. Photo: Pierre Fauquemberg (C)

Bien sûr, évidemment. Je me suis nourri au Jazz, mais en venant du rock, et j'écoute de tout, depuis toujours. Je suis très ouvert dans mes goûts. J'aime des gens qui me surprennent, j'aime des jeunes fougueux parce qu'ils sont fougueux, j'aime des plus âgés qui sont plus sereins... Il faut un tout ! L’orchestre est un tout ! Si tout le monde est fougueux, ça peut être de l’esbroufe. C'est bien, il y aura de l'énergie, mais s'il n'y a que ça, ça ne tient pas. Enfin, c'est mon goût et tout le monde a son goût. Pour moi, si la fougue est bonne, il faut qu'elle soit un peu tenue ! L'énergie est bonne quand elle est retenue, puis se lâche par moments, et revient plus retenue. Là, ça devient génial. Il faut maîtriser cette énergie et cette fougue, comme tu maîtrises ton instrument. Dans mes cours et masters class, je demande toujours: pourquoi joues-tu tel instrument ? qu'est-ce que tu aimes jouer et qu'est-ce que tu aimes écouter ? Ce n’est pas forcément pareil. Il y a des gens parce qu'ils écoutent telle musique, ils veulent la jouer. Mais ils ne la jouent pas bien. La musique que tu écoutes te ressource, mais ce que tu joues, c'est ce que tu joues, quoi ! Tu peux écouter du jazz et jouer du rock. Il n'y a pas de problème avec ça. On rencontre souvent des gens très bornés, ils jouent du rock, ils n’écoutent que du rock. Parfois c'est bien, tu n'es pas obligé de tout écouter et de tout savoir jouer. Mais un musicien cultivé, qui a les oreilles ouvertes, ça me plaît plus.


Réussir à créer l'esthétique d'un groupe qui soit travaillée, ça demande de travailler comment ensemble ?


Il faut le bon casting avant tout. Quand il y a le bon casting, ça se fait pratiquement tout seul. Sinon, tu peux ramer tout le temps. J'ai un peu cette impression là. Donc, le casting, c'est hyper important. Quand tu te dis, je vais monter un truc comme ça, tu te dis si j'appelle lui, je sais qu'il va être parfait là dedans. Le casting c'est l'énorme part des choses. Après, comment te dire, tu vas avoir un orchestre de 15 membres, et 2 sortent du lot, tu ne vois qu'eux, parce qu'ils attrapent la lumière. ça, c'est inné. Ces gens-là sont géniaux dans un groupe parce qu'ils le propulse. Si tout le monde est très bon musicien mais donne une impression de mollesse, le public peut passer à côté. Tu peux aller voir un trio de bossa nova, assis, calme, et tu vas adorer. Mais souvent, dans les musiques actuelles, il faut quand même qu'il y ait quelqu'un qui attrape le public. D'où le succès des grands groupes.


Quand tu dis que le bassiste est au fondement et qu'il est un peu un chef d'orchestre, est-ce que c'est lui qui doit à être vigilant au fait que chacun soit à sa place et en lumière quand il faut?


Dans mon cas, je vais dire oui. Oui, je suis vigilant à ça. Mais, chacun a sa place, il y a aussi des électrons libres qui, dans un groupe constitué, vont donner cette espèce de folie qui fait décoller le groupe. Heureusement qu'il y a des parts d'imprévu, non maîtrisées. Il y a même des alchimies magiques, des musiciens qui se rencontrent et jouent ensemble pour la première fois et tout se passe comme si le groupe avait longtemps répété. Ils se sont rencontrés certainement par hasard. Tout n'est pas exact, heureusement, dans la musique. Mais, quand tu es chef d'orchestre, tu fais très attention au rôle de chacun, bien sûr.


Quand tu parles d'imprévu, c'est ce qui s'est passé avec les County JELS...


Oui. Là, il y a une magie que tu ressens dès la première seconde, un truc de fou, c'est dur à expliquer. Moi, ça ne m'est pas arrivé très souvent. Dans ce cas précis, on jouait en trio avec Eric Sauviat, ce n'était pas un trio constitué, c’était juste le trio du soir, ce soir-là avec Eric, Julien Audigier et moi. Seb Chouard est venu faire le bœuf et ce fut inimaginable. Tout semblait répété depuis longtemps, les deux guitares s’imbriquaient l’une dans l’autre, que ce soit les parties choisies ou le son, c’était extrêmement magique et c'est très rare. Il se trouve qu’avec ces deux guitaristes, ça marche comme ça. On a donc procédé de même pour nos deux albums, sans aucune préparation. Une fois branchés, le son de chacun marche exactement avec celui de l’autre, surtout les deux guitares. C'est ce qu'il y a de plus difficile à faire. Un riff part et le morceau nait, très rapidement avec l’apport des idées de tous. Ca reste très frais, forcément, parce qu'il n'y a rien de préparé ! Mais tu peux essayer de faire pareil avec quatre autres supers musiciens, que tu adores, avec qui tu aimes jouer et tu resteras huit jours en studio sans qu’il ne se passe rien, tout est possible !

County Jels : une réjouissante alchimie de guitares pour "Working on the farm" (in Culture Box) https://culturebox.francetvinfo.fr/musique/rock/county-jels-une-rejouissante-alchimie-de-guitares-pour-working-on-the-farm-265151

Et vous en êtes où ?


Nous sommes un peu frustrés parce que le deuxième album est sorti il y a un an, nous avons eu une extrêmement bonne presse, plein de supers articles... et rien ne s'est passé ! Zéro concert, aucun tourneur n'a dit oui, aucun festival ! On est dans une époque où il y a trop de sollicitations ! C'est bien, il y a plus de créations qu'avant, plus de diffusion parce que maintenant avec internet tout le monde peut faire écouter ses titres... Par contre, les organisateurs, les tourneurs ont du mal, trop sollicités, ils ne peuvent plus tout écouter. Tout d'un coup, par un facteur chance plus un facteur je sais quoi, il peut y avoir un « ah lui ! » et puis ça part ! Mais il y en aura plein d'autres pour lesquels il ne se passe rien, malgré la qualité. Je trouve qu'il est super bien notre deuxième album de “County JELS”, il est dans la même lignée que le premier ! Il y a le son, il y a des bons trucs... Donc, nous sommes un peu frustrés. Mais nous n'avons pas dit notre dernier mot !


Ce que tu expliques d'ailleurs, qui est très intéressant, c'est que le fait que le marché de la musique soit saturé, pousse tout le monde à la créativité, les jeunes notamment.


Je vais même pousser ce que tu dis. Moi, j'ai vécu le moment où il y avait beaucoup de travail d'accompagnement, ça a toujours été intéressant pour moi de me mettre à la portée d'une autre musique. On gagnait assez facilement notre vie en accompagnant les artistes de variété. On m'appelait pour faire la tournée d'untel ou untel et je jouais dans l’esprit du chanteur en question, du mieux que je pouvais. Ca m'a beaucoup apporté. Il y avait quelques groupes, plus ou moins bons, tout ça tournait un peu en rond et les musiciens gagnaient leur vie sans trop se poser de question, sans trop de créativité. Maintenant ce métier n’existe plus. Donc, les jeunes qui arrivent en jouant d'un instrument, eux, n'ont pas d'autre choix que de se bouger et d’être créatifs. Je vois autour de Jessie Lee Houllier, qui a 25 ans, beaucoup de jeunes musiciens qui font des trucs vraiment bien. Après, malheureusement, il n'y aura au final que peu de débouchés, un groupe qui sortira de temps en temps. Il faut désormais penser une carrière de musicien autrement. Donner des cours, penser à plein d'autres choses, parallèlement, parce que vivre de la musique actuellement, ça n'est pas facile. Il y a un facteur chance, qu'il y a toujours eu, peut-être mais, avant, un bon musicien travaillait.


Ce qui n'est plus le cas aujourd'hui ?


Il y a plein de bons musiciens qui rament. Un paquet. Surtout dans les jeunes. Là où il devrait y avoir de l'argent comme avant, les gens ne paient plus... Donc après, tu ne peux pas vivre décemment de clubs. Tu vas “Aux Petits Joueurs” et c'est extrêmement sympathique, tu gagnes un peu de sous, mais ce n'est pas comme ça que tu vis. C'est juste un défraiement pour une soirée sympathique. Alors, voilà. C'est plus compliqué. Donc, en effet, je trouve qu'il y a beaucoup de créativité, mais aussi moins de travail.


Et, justement, tu as prononcé le nom de quelqu'un dont je voulais parler, Jessie Lee...


Jessie Lee et Laurent Cokelaere. Photo: Pascal Vicart (c)

Oui. Il y a son groupe “Jessie Lee & The Alchemists”. Pour l'anecdote, il y a quelques années, je faisais un concert master-class à l' Ecole ATLA où tu joues et les élèves te posent des questions. Le directeur de l'école m'a présenté Jessie Lee qui y était élève, elle est venue à notre invitation jouer un titre avec nous, j’ai été impressionné par le talent de cette jeune fille de 19 ans et j'ai pris ses coordonnées. Puis on a sympathisé, c'est quelqu'un de très mature, qui va de l'avant, je l’aime beaucoup, je lui trouve plein de qualités, quant à son talent, là, je ne t'en parle même pas ! C'est assez marrant, parce que j'ai l'âge de son père et, deux ans plus tard, elle m'appelle pour me proposer d’être le bassiste de son groupe, the Alchemists... Je trouve ça sympa. Ca fait partie de cette magie de la musique, et de l'art en général, intergénérationnel et je trouve ça très bien.


Je vous ai vus ensemble sur scène et c'est vraiment bien


Le groupe est de mieux en mieux, on est 5, c'est un groupe en devenir. On sent qu'il y a un truc qui accroche. Parce qu'elle se bouge. Attention, maintenant tu ne peux plus attendre, il faut aller chercher à fond. Et elle y va.



Tu as tourné avec tout le monde...


Tout le monde, non, j'ai fait des grosses tournées, des trucs où tu pars et puis tu reviens longtemps après ! Enfin longtemps, tu reviens souvent chez toi, ce n'est pas une tournée de Sting où là, en effet, tu ne rentres jamais ! Des tournées françaises, où tu joues en France, Belgique, Suisse, Canada. Ces tournées-là, de chanteurs et chanteuses. J’ai aussi tourné quelques années avec une star internationale qui m’a permis de faire plusieurs fois le tour du monde.


Ce que tu dis c'est très très chouette “épouser l'esthétique musical” du chanteur avec qui tu joues. Que gardes-tu comme souvenir principal de ces tournées-là ?


Le côté professionnel. Parce que c'est comme ça que j'ai appris à jouer sur des grosses scènes. C'est comme ça qu'on a géré des sons, tu sais on joue avec des ear-phones adaptés à nos oreilles, des trucs assez au point. Ces trucs-là, ce professionnalisme-là, en tout cas, à l’époque que j’ai connue, tu ne le trouvais que dans la variété. Il y avait des grosses sonos, on faisait tous les Zénith. C'est une autre manière de projection du son, ça n’est pas un club. Il faut bien comprendre que tu envoies des notes dans un endroit où tu as 8.000 personnes devant toi, la basse peut résonner, ce n'est pas la même manière que d'envoyer devant 100 personnes.


C'est à dire que ton toucher change ?


Respect SiXters. Photo: Pierre Fauquemberg (C)

Ta manière de jouer, ma manière, change en effet. Je ne suis pas quelqu'un qui met beaucoup de notes, mais en club, je peux me lâcher un petit peu parce que ce qu’on on entend, c'est moi directement, mon ampli est à 5 m du public. Là, ce dont je te parle sur une grosse scène, c’est la sonorisation que le public entend, avec des subs. Même si j’ai un ampli, il ne me sert que de retour. Il faut penser à jouer différemment pour que ce que tu joues soit perçu et non pas noyé. C'est une autre manière. Il faut avoir conscience du lieu où tu es, une salle réverbérée où les graves tournent, ou un stade où tu auras une manière d'attaquer qui n'est pas la même. Tu enverras plus.


Tu préfères quoi ? Peu importe, d'ailleurs, tu peux aimer aussi bien l'un que l'autre...


Bah, comme ça, je vais te dire, c'est un peu compliqué. Moi, dans ma propre expérience, il y en avait des affaires où il y avait de l'argent et puis des clubs où il n’y en avait pas ou peu. Il y a un moment où il faut que tu vives, donc tu acceptes celles où il y a de l'argent. Et puis les clubs, on va dire c'est plus pour ton plaisir... Alors, quelque part, est-ce que je ne préfère pas celles pour mon plaisir ? Je ne sais pas. Il faut trouver un équilibre. D'abord, j'ai toujours su pourquoi je faisais de la variété, parce que j'aime ça, parce que j'aime accompagner (c’est primordial !) et que ça me faisait vivre, et puis, j'ai toujours su pourquoi j'allais dans les clubs, c'était ma soupape ! Moi, la musique, quand j'ai commencé avec mes copains et que j'avais 15 ans, même dans mes rêves je ne pouvais pas imaginer que j'allais un jour gagner ma vie en jouant de la basse. Je faisais ça pour le plaisir et ça, je n'ai jamais voulu le perdre, tu comprends ?


Et en fait, ton métier a toujours été musicien ?


Oui, j'ai toujours été bassiste.


Qu'est-ce que tu donnerais comme conseil principal à quelqu'un qui aujourd'hui a 15-16 ans et qui veut se lancer dans la musique ?


C'est plus compliqué. Déjà, j'essaie, quand je parle à des jeunes comme ça, de leur montrer la foi que j'ai. Parce que cette foi fait tomber les murs ! Mais, il ne faut pas, malgré ta foi, que tu deviennes aigri parce que tu n'y arrives pas. Donc je dirais à un jeune actuellement, joue de plusieurs instruments, pense au professorat avec les bons diplômes. J'ai aussi de très bons amis musiciens qui sont restés amateurs, parce qu'ils n'ont pas osé, parce que la vie a fait que… Ils ont donc un autre métier, et tous les samedis et dimanches ils jouent avec leurs camarades musiciens amateurs, dans les clubs, ils s'épanouissent largement autant qu'un bon musicien qui vit de ça, sauf qu’eux ne seront jamais aigris. Il faut faire gaffe à ça. J'ai vu de très bons musiciens devenir désabusés et qu’on n'appelait plus justement à cause de ça. C'est super compliqué et horrible. Ce n'est pas de leur faute, c'est la faute de personne, sauf que tu vois dans cette fameuse réflexion, il faut toujours se poser la bonne question à un moment, j'arrête ? qu'est-ce que je fais ? comment peut-on faire ? ça n’est pas facile. Le professorat est aussi une bonne solution. Maintenant, on demande des diplômes. J'ai toujours été professeur dans ma vie parce qu'on m'appelait, pour mon expérience. Maintenant on te demande des diplômes donc si tu peux les passer, tu peux devenir professeur, il faut penser à tout ça je pense. Si tu es compositeur, il faut aussi trouver le moyen de faire écouter tes titres aux personnes compétentes, souvent éditeurs. Si un artiste chante tes titres et les enregistre, c’est bien.


Propos recueillis par #PG9


Laurent Cokelaere. Photo originale: Olivier Girard (C)




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