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[Plonger dans l’âme de...] Florian Chaigne. Un étonnant chemin vers la musique

Dernière mise à jour : 6 avr. 2022

Florian Chaigne est un musicien qui, quand on lui confie la programmation d’un Festival de Jazz, vous propose un duo de batterie, “parce que ce sont des instruments qui parlent”. Et le montre. Ce jeune homme est un élément moteur de nombreux projets de musiques actuelles très variés, principalement sur Nantes mais aussi ailleurs, parce que sa curiosité musicale et sa créativité sont sans limites. Ce que vous allez lire ci-après est comme un parcours initiatique. Un étonnant chemin vers la musique. Et ce chemin ne fait que commencer. Bonne route


Florian Chaigne. Photo: David Gallard (c)

Bonjour Florian ! Nous sommes ensemble pour parler batterie. Qu'est-ce qui a fait qu'à un moment elle a pris toute la place dans votre vie ?


Je ne dirais pas que la batterie occupe toute ma vie aujourd'hui. Ca l'a été à un moment, mais, désormais, c'est plus largement la musique. J'ai commencé vers l'âge de 7 ans, avec un prof à Saint-Hilaire de Riez (Vendée), un percussionniste de formation classique. Il m'a enseigné les claviers (xylophone, marimba, vibraphone...), les timbales, un peu de congas, sa spécialité c'était la musique cubaine. Mais, moi, je voulais faire de la batterie et j'étais un peu obstiné. Du coup, il m'a donné des patterns et je les ai travaillés...


Des « patterns »?


Ce sont des rythmiques qu'on joue en boucle, par exemple : poum tchak poum poum tchak. Ca c'est le pattern de base, tout le monde le connaît, c'est un groove, un cycle rythmique ou une polyrythmie, qui fait danser. Il m'en a donné un ou deux, j'ai travaillé et après, très rapidement, j'ai voulu en savoir plus. Quand on fait de la batterie, on joue en groupe pour mettre en pratique. Il y a plein d'instruments qu'on peut jouer seul un long moment avant de se frotter aux autres: le piano, la guitare, la harpe, l'orgue... Mais, la batterie, tu as tout de suite envie de jouer avec d'autres et c'est arrivé vite. Au collège, avec des amis qui commençaient la musique comme moi, on a monté des groupes. C'était du Rock, des reprises de Nirvana et Cie. Après, c'est vrai qu’un instrument, même si on peut en pratiquer d'autres, parfois à la perfection, il y a toujours le premier, celui par lequel on a tout découvert. C'est comme une langue: si tu commences avec la langue française, même si autour de toi tout le monde parle une autre langue, “à la maison”, c’est le français. Bah moi, “à la maison” - je serais presque tenté de dire “ma maison”-, c'est la batterie.


Comment le Jazz est-il arrivé dans votre vie?

Le Jazz ou, plus largement, l'impro, est présent partout, dans la vie de tous les jours, même dans le rock. La batterie, souvent, ne s'écrit pas, c'est un truc qui se relève à l'oreille. C'est pour ça que je dis souvent, je suis batteur autodidacte. J'ai une base, on m'a appris à lire la musique les notes, mais je ne m'en servais pas. Il faut écouter les disques et essayer de rejouer ce qu'on entend. Mon 1er groupe de Jazz, donc , s'appelait “Strawberry pulp quartet”! C'était avec Mathieu Naulleau, un pianiste originaire du même coin que moi, qui s'est installé à Paris depuis, et Jean-Baptiste Craipeau, lui il est toujours en Vendée. Le 4ème, c'était son frère, Simon Craipeau à la trompette. On a commencé à jouer les standards et la musique d'Oscar Peterson. C'était le bagage de Mathieu Naulleau. Ca a duré 2-3 ans,ils sont rentrés au Conservatoire de Nantes, je les ai suivis plus tard après des études d'électronique. Avant de me décider vraiment à faire de la musique mon métier, j'ai fait un DUT en génie électrique -informatique industrielle à Angers.


Après le DUT, vous avez tout arrêté pour faire le Conservatoire?


J'avais encore un petit doute et ça faisait peur à mes proches, alors je me suis inscrit à la fac de Nantes en anglais. J'ai validé ma première LEA, après j'ai fait philo un an, toujours à Nantes. En même temps, je suis rentré au Conservatoire. J'ai passé les concours pour rentrer en cycle spécialisé, quand ils m'ont dit, c'est bon, je me suis lancé.


Comment parleriez-vous de la batterie?


Pour moi, c'est un peu une extension de soi. C'est cliché de dire ça. Il y a des choses que je ne réussis pas à dire avec les mots, par pudeur. Longtemps ça a été ça. Après, je travaille à être moins handicapé des mots... mais la musique est une façon de dire des choses qui sont peut-être difficiles. Et puis, il y a autre chose. Je lis pas mal de poésie. J'ai l'impression que certains mots ont une dimension particulière, ils sont « chargés », par leurs définitions. Pour les sons, c'est pareil. C'est dur de faire des généralités, mais un son peut être codifié. Il fait référence à un style particulier et l'interprétation de l'auditeur n'est pas neutre. Si on ne cherche pas à faire quelque chose de codifié, alors, on joue vraiment librement. On se place dans un processus créatif libre. C'est ce que j'essaie de faire avec la batterie, même si c'est bien de jouer aussi dans la tradition, dans les codes. Ce la reviendrait à exprimer l'ineffable si on voulait exprimer des grands mots. Des fois, les sentiments font partie d'un monde particulier, il y a besoin d'une mini faculté d'abstraction pour déceler quel sentiment vous habite ou habite autrui. Cette phase de conceptualisation au même cas qu'un romancier ou un poète va l'exprimer avec des mots, un peintre dans un autre registre, un musicien doit en trouver la forme par la musique.


Colunia par Eric Pressart (c)

C'est tout le sens de votre recherche, en parallèle des standards on va dire ?


Oui. Et plus j'avance dans la découverte de la musique et de mon instrument, plus je pense, avec le recul, que cette pratique m'apporte énormément plus quand je vais chercher chez l'autre que quand je vais chercher en moi. Quand je parle de sentiments et de choses qui habitent, il est toujours facile de se recentrer sur soi-même, de se regarder le nombril. C'est normal, les sentiments qui sortent de soi sont plus faciles a priori à interpréter. Mais, des fois, les sentiments sont plus clairs et plus beaux chez les autres : un sourire, un éclat de rire... Il y a des fois chez les autres des choses qui rayonnent tellement que tout est limpide et ce sont de belles énergies qui sont plus faciles à retranscrire, à transformer en musique.


Que faites-vous aujourd'hui ?


Je suis très investi dans mon quartette COLUNIA (harpe, contrebasse, batterie et saxophones) dont je compose une bonne partie du répertoire.On peut dire que ça s'inspire de jazz moderne mais aussi d'autres expériences et de ma fascination pour la musique indienne. Après, il y a Doucha Klezbanging, un quintette “Klezmer fantastiK”. Ils ont sorti un premier album sans moi en 2013 et là on en a sorti un nouveau en novembre 2018 “Sur le fil”. C'est un univers plutôt onirique, fantastique. Le mot klezmer n'est pas suffisant pour dire, ça n'est pas que de la musique de l'Est. C'est plus là aussi une source d'inspiration. Je m'inspire de ces belles cultures et j'essaie de composer en fonction. Ce sont vraiment les deux projets principaux et après il y a plein d'autres qui vont, qui reviennent. Actuellement, il y a The Big Room, un nouveau trio avec Pierre-Yves Mérel et Sylvain Didou.

Et Blooming ?

Les Percufolies (C)

“Blooming” est sorti en 2016. Je n'ai pas fait énormément de concerts, parce que c'est dur de se vendre tout seul. Les rares expériences que j'ai eues, comme le Festival "Les Percufolies" du côté de Tours, ont été des supers moments, mais il y a un côté qui ne me convient pas : c'est un trip, un défi, super intéressant à faire, mais je ne suis pas dans le partage. J'ai énormément apprécié la démarche de création et de recherche sur le son, la batterie, pour faire entendre autre chose. C'était comme un challenge à moi-même, essayer de faire sonner autrement la batterie. L'album a été enregistré en live, mais j'ai pris moins de plaisir à le jouer sur scène. Je respecte énormément les gens qui font ça, c'est très dur. Ca a été bien reçu pour les rares fois que je l'ai fait, mais je l'ai mis en stand by pour l'instant, j'aimerais bien le refaire après plus tard. Quand je serais allé au bout de nouvelles expériences, de nouvelles recherches...


Colunia a passé la première étape de Jazz Migration, qu'est ce que c'est?

Jazz Migration est un dispositif d’accompagnement pour les groupes de jazz professionnels français. 90 groupes de Jazz de la France entière ont postulé. On est 16 à avoir été retenus par une dizaine de programmateurs pour la 2ème étape. Fin Mars on aura la réponse : sur les 16 il y en aura 4 au final. 130 programmateurs vont écouter les 16 groupes pour la 2ème phase. Ils vont nous sélectionner, ou pas, sur le disque qu'on est en train de préparer et qui sort le 15 mars prochain. C'est un truc qu'on avait déjà tenté... Et si fin mars, il y a une réponse positive c'est super. Les 4 finalistes joueront devant tous les programmateurs qui s'engageront à soutenir tel ou tel pour la saison prochaine. C'est un peu la panacée, on tourne un peu partout dans les scènes spécialisées Jazz en France et ailleurs. C'est assez énorme. J'aimerais bien ! Pour l'instant, il n'y a aucune certitude, on croise les doigts.


Jazz Migration, dispositif d’accompagnement de jeunes musiciens de Jazz https://jazzmigration.com/

Vous êtes donc parti de la batterie pour aller vous immerger dans la musique et c'est elle qui a pris toute la place dans votre vie aujourd'hui ?


C'est carrément ça. J'écoute des heures de musique et je trouve ça génial. Toutes les musiques du monde, la manière qu'a chaque peuple de s'exprimer en musique, c'est magnifique. Ca me semble logique d'y dédier ma vie et je me trouve bien là dedans. Après, la musique, la batterie en particulier, il y a un côté un peu connaissance de soi-même. Comme on joue des 4 membres, dès les 1ers exercices de batterie, le jeune Padawan batteur sent qu'il y a une truc d'indépendance, dans le cerveau, dans le corps, il va falloir se démembrer, penser à plusieurs choses à la fois en étant aussi bien investi dans chaque membre et aussi dans la musique qui est extérieure à soi générée par nos gestes. Ce truc-là d'indépendance, je trouve ça génial. Il y a plusieurs types d'indépendances, mais celle du batteur se rapproche de celle des joueurs d'orgue d'église comme ils jouent aussi des pieds ou des harpistes de concert avec les pédales. Ca fait prendre conscience de son corps. Comme quand on fait de l'escalade. Il y a certains sports comme ça.


Vers quoi voulez-vous aller ? Quel est votre projet ?

Il y a plusieurs voies possibles. Ca va aussi dépendre de la conjoncture économique, parce qu'il faut un minimum être libéré des aspects financiers ça pour créer. Plus tard, ça me plairait de refaire un petit voyage en Inde, pas forcément aussi long que le 1er parce que c'est toute une organisation, peut-être plusieurs petits voyages. Ca me dirait de faire des petits voyages ponctuels vraiment pas touristiques, pas avec un appareil photo ! Il s'agit de s'immerger avec des musiciens, des griots, des équivalents.. Et à Bali. J'ai fait un stage de musique l'année dernière. C'est comme ça que je me verrais continuer la musique. Pour la pratique elle-même, je ne sais pas. Continuer, bien sûr. Je ne prétends pas révolutionner quoique ce soit, mes ambitions sont au gré des envies et des rencontres. Je ne dirais pas que je n'ai rien en tête, j'ai besoin de temps. David Chevallier, le guitariste, m'a appelé, on va monter un groupe ensemble. J'apprends beaucoup de lui. Le projet n’a pas encore de nom officiel, on sera donc Guitare, Batterie, un 3ème gars, Sylvain Thévenard va faire de l'électro acoustique, il travaille avec des machines électroniques et des ordinateurs il prend un son de guitare et de batterie, il le modifie en temps réel, et un 4ème larron, Etienne Bernardot va faire de la vidéo en Live. Tout le monde va être interconnecté par un système, mais je n'ai pas tous les éléments... C'est encore en phase de gestation, normalement c'est création à l'automne prochain.


Bravo!


C'est un peu en vrac. Ce qui me branche plus, c'est d'observer, comme un sociologue ou un ethnomusicologue. Je trouve super de les voir chercher à comprendre comment une société peut fonctionner, comment le cœur des autres bat. Je me plais autant à m'oublier des fois à travers l'autre, parce que, de toutes façons, tu es toujours obligé de revenir vers tes propres sensations en fait. Pour mieux connaître le monde il faut mieux se connaître soi, mais je préfère partir de l'extérieur.


Pourquoi est-ce que vous jouez ?


Parce que la vie est un jeu... Non?


Mais ce jeu n'est pas forcément de la musique.


Ca aurait pu être autre chose, oui.


Ca aurait pu être quoi ?


Je ne sais pas plein de choses, je me serais bien vu dans la maçonnerie. Mais je pense qu'il y a une philosophie du temps qui passe. J'aurais pu être passeur, comme le passeur de Siddartha, ça m'aurait bien branché, mais comme je suis un hyper actif, j'aurais eu peur de me lasser. Sinon, comédien, ça m'aurait bien plu. Mais c'est déjà un peu ce que je fais malgré moi avec la musique.


Vous voulez faire passer des émotions ?

"Blooming" Florian Chaigne aux Percufolies (Ligueil) (C)

Oui. Ou en recevoir. Je pense que c'est ça. De toutes façons, on cherche tous un peu ça. Enfin j'imagine. Mais “pourquoi jouez-vous?” c'est vraiment ça. Je ne suis pas un grand philosophe, mais j'ai lu un peu sur le sujet avec la Fac et j'aimais bien la vision nietzschéenne de la vie sous certains aspects. Je ne veux pas prétendre à vulgariser quoique ce soit mais le peu que j'ai lu sur lui, je le vois à la manière de Sartre. Au fond, la question “Pourquoi on est là ?”, sur Terre, est un non-sens. Evidemment, il y a la réponse religieuse, mais, sinon, la réponse la plus simple est simplement de vivre et d'arrêter de se poser la question. Je trouve que chez Nietzsche il y a ça. La vie comme un théâtre, derrière on sourit au néant. On sourit, parce que dès qu'on se pose la question pourquoi on est là, on n'arrive pas à trouver la réponse. Au final, la seule réponse qui me satisfait, c'est d'être dans l'action, dans le fait de jouer le théâtre de la vie. Jouer sa propre pièce. Je pense que c'est un peu ce qui m'anime. Mais bon, tout ça ce sont des grands mots! Ils sont vagues, ils résonnent différemment en chacun de nous et des fois ça ne suffit pas pour se faire comprendre. La musique est un bon médium pour ça, on peut en dire autant, c'est peut-être plus flou mais au final, on va chercher les mêmes intuitions, on va dire. Quand on joue, on peut philosopher d'une certaine manière. Il y a le philosophe rationnel qui va à tout prix essayer de tout mettre dans des cases, dans un système, avec des axiomes à la Kant, à la Spinoza. Et il y en a d'autres qui sont plus frivoles, plus légers...

Plus sensitif, intuitifs...


Oui plus là-dedans. Ils trouvent plus de réponses en tous cas et ça n'est pas pour autant qu'ils sont moins philosophes que les autres. Un travail de penseur dans ma recherche il y a ça, je pense.


On va vous appeler le Bouddha batteur... Non ?


(Eclats de rires partagés)


Propos recueillis par #PG9 - Note: cet article a été initialement publié sur la page Facebook de Culture Etc et retranscrit à l'identique sur le site



Les Pages Facebook des différents projets (cliquez sur le nom pour y accéder):


COLUNIA... Emilie Chevillard : harpe chromatique, konnakols, compositions / Florian Chaigne : batterie, konnakols, compositions / Gweltaz Hervé : saxophones soprano, alto, baryton / Emeric Chevalier : contrebasse


Doucha... Joelle Nassiet : clarinette, lâmes, clochettes / Lucile Pichereau : chant, accordéon, scie musicale / Vincent Rousselot : saxophones, textes / Xavier Normand : contrebasse / Florian Chaigne : batterie, percussions


The Big Room... Pierre-yves Mérel : saxophone ténor / Sylvain Didou : contrebasse / Florian Chaigne : batterie


et celle du “Patron” Florian Chaigne!


Sortie d’album “Zéphyr” de Colunia (Label: Aloya Music / Distribution: InOuïe distribution)...





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