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[Plonger dans l’âme de...] Dimé T. Quand le Slam devient Chanson

On appelle ça un trajet, une trajectoire, une révélation, un épanouissement... On appelle ça le pouvoir des Mots, de la Musique et de l’Art en général. On appelle ça la Vie et une forme de Bonheur. Hier “Anté-Vérité” slamait avec fougue sa rage du monde. Aujourd’hui, Dimé T. chante et se sent merveilleusement bien. Celles et ceux qui l’entourent aussi. Le Champion de France de Slam par équipe en 2014 est devenu un chanteur tout aussi libre et engagé, mais apaisé. Il nous parle de son parcours. Et c’est beau! Merci


Dimé T. et ses musiciens. Photo: Bertille Chéret (c)

Enchanté Mehdi. Peux-tu me raconter stp ton histoire. Tu as tout démarré à Lyon?


Enchanté Philippe. J'ai tout démarré à Lyon, enfin pas ma vie. J'y ai rencontré le slam en 2010 sur une petite scène qui s'appelait “la Boulangerie du Prado” dans le 7ème. J'ai toujours un peu écrit depuis l'adolescence mais rien de régulier, de formel, un texte par an sans doute. C'était vraiment comme ça. Et puis, ces textes filaient dans le tiroir immédiatement, je ne les faisais lire qu'à très peu de personnes. Parait’ que je rappais quand j'étais gamin, je ne me souviens plus, c'est une pote d'enfance, du quartier, que j'ai retrouvée un jour qui m’a dit ça. Plus aucun souvenir là-dessus et bien d'autres choses d'ailleurs.


Quelle impulsion provoquait ponctuellement cette envie d’écrire?


Franchement, je ne me souviens pas. L'écriture est un exutoire, ce doit-être pour cela que j'ai commencé dans ma chambre d'enfant.


Que s'est-il passé ce jour de 2010 où tu as découvert le slam? Tu es arrivé dans le bar et...?

Dimé T. Photo: Bertille Chéret (c)

C'était une qualification pour le tremplin Slam le Mans à l'époque. Ils prenaient les deux premiers, c'était noté. C'était un tournoi. Je me suis lancé, j'ai fini troisième, les gens sont venus me féliciter à la fin. Je me suis dit tiens, j'ai pris du plaisir à partager avec des gens qui écoutent. J'ai aimé l'ambiance, l'écoute le partage. La mouche m'a piqué et puis après je n'ai pas arrêté.


Les textes que tu as présentés venaient de où ?


C'était des textes que j'avais écrits pour mon ex, chanteuse. Je lui avais dit: “viens on va à une soirée slam, tu vas les faire sur scène !”. Arrivés à la soirée, elle me dit “non non, ça n'est pas à moi de dire tes textes, vas y toi !”. Du coup, j'y suis allé. C’était bizarre pour moi.


Elle t'a piégé ?


Je ne sais pas si elle avait décidé avant qu'elle ne le ferait pas mais en tous cas quand elle a vu que les gens déclamaient leurs propres textes, elle ne se sentait, à mon avis, pas légitime de dire les textes de quelqu'un d'autre. C'est vrai qu'au slam chacun vient avec son propre texte. Ou alors on annonce: “J'ai envie de partager avec vous un texte de tel auteur”. Ca arrive sur les scènes, mais pas sur les tournois. Sur les tournois, c'est obligatoirement son propre texte.


Du coup, tu t'es enraciné dans les mots et dans la poésie...


C'est ça. Pendant 5 ans environ, nous avons organisé des soirées slam à Lyon à “La faute aux ours”. On était aussi le lien pour la Ligue Slam et d'autres tournois nationaux, la scène qu'on animait est donc devenue une scène de qualification pour les grands tournois, les grands rassemblements. On a organisé le Championnat Rhône alpin de slam. “On”, c'est le collectif de slameurs et de musiciens que nous avions créé et qui s’appelait “La R.U.E”. Voilà comment j'ai découvert l'écriture, le slam, le rap et le milieu artistique (si on omet le fait qu'apparemment je rappais enfant).


Ah oui, la mouche t'a quand même bien piqué !


Oui. Je me suis régalé à participer aux grands tournois et rassemblements. C'est riche, de poésie bien sûr, mais surtout d'humains aux qualités incroyables. Et pour parfaire cette aventure, nous avons remporté, avec Lyon, en collectif, la médaille d'or en 2014 et la médaille d'argent en 2016 de la Coupe de la Ligue Slam de France. Plus qu'une fierté, j'étais surtout content de chambrer les copains des autres villes pendant un an. Ne pas prendre au sérieux, ni la défaite, ni la victoire. Le slam, c'est aléatoire, selon ta forme, la soirée, le public, le jury....tout peut basculer d'un côté ou d'un autre. Profitons d'avoir cette chance de partager cela plusieurs fois dans l'année avec d'autres humains.


Coupe de la Ligue Slam de France. Photo: Vincent Juste Vincent (c)

A cette époque-là, tu t'appelais “Anté-Vérité”?


C'est ça.


Pourquoi “Anté-Vérité”?


En fait, “anté”, comme dans “anté-déluvien”, ce qui vient avant, et donc “anté vérité”, ce qui vient juste avant la vérité, quand le doute subsiste. Pour moi, la certitude est un premier vers l'ignorance. Quand on est trop certain, on ne veut plus apprendre. C'était même limite plus anté-certitude que anté-vérité. Parce que la vérité est importante, on est bien d'accord, c'est plus dans ce sens là.


De cette maturation des choses et des mots est née en toi, quand même, une espèce de certitude: celle que tu es fait pour les mots, non ?


La certitude, c'est que j'aime les mots. C'est ma seule certitude. Si je suis fait pour ça ou pas... Je vois bien qu'il y a des retours, de bons retours, et je le sens bien. Ma seule certitude, c'est que j'aime les mots, que ça me fait vibrer, et qu'à travers eux, je peux parler de mes paradoxes et des paradoxes de l'humanité qui me touchent beaucoup. Mais, quand je monte sur scène avec mon groupe, j'ai une grosse boule au vente : je ne suis sûr de rien... Je suis tout le temps dans le doute. Du coup, je travaille pour toujours essayer de faire les choses bien.


C'est marrant ce que tu viens de dire parce que j'allais te poser cette question : les mots t'amènent à des questions ou à des réponses ?

Le Micro de Bois 2016. Photo: Clo (c)

Les maux m'amènent des questions qui m'amènent à des mots qui posent des questions qui donnent des réponses qui ramènent encore à des questions... C'est sans fin ! Après, c'est vrai que, lorsque j'écris des textes, mon regard sur le monde et sur la vie n'appartient qu'à moi. Je le partage. Après, je sais qu'il y en a qui ne sont pas d'accord avec mes propos, c'est normal, mes textes sont engagés que ça soit politiquement ou au niveau des relations humaines, de l'amour, du partage... Je suis parfois assez ferme sur ce que je dis et du coup on peut ne pas adhérer à ma vision du monde. Parce qu'elle n'est pas la meilleure, ça c'est sûr. Je ne suis pas sûr qu'il y en ait une meilleure, je pense qu'il y a 7 milliards de visions du monde. Autant que d'humains.


Donc, de fil en aiguille, de ces mots, tu fais des chansons maintenant.


Je n'ai pas du tout eu d'éducation musicale au sein de ma cellule familiale, je ne viens pas de ce monde. J'ai grandi en quartier, le rap a été très présent dans ma vie, en tant qu'auditeur, pas en tant qu'artiste. Dans le slam Lyonnais, il y a beaucoup de rappeurs. Du coup, j'ai commencé à rapper avec eux et puis, en 2016, j'avais envie de partir de Lyon, j'avais fait le tour à mon sens et j'avais besoin de changer de vie, d'entourage. Même si mes amis de Lyon restent des gens chers à mon cœur. Ca s'est décidé à un barbecue. Quand j'ai dit au batteur du groupe aujourd’hui que j'avais envie de partir, il m'a proposé de venir vivre à Nancy et de monter un groupe. Ca a mis un peu de temps à démarrer, le temps de constituer une équipe. Le projet qu'on a actuellement, ça fait un an et demi qu'on est en création. On vient de le finir il y a peu, on commence à tourner. On a à peu près 20 chansons et là j'ai appris à chanter ! Les musiciens m'ont fait beaucoup travailler ma voix et depuis quelques mois je prends des cours de chant aussi.


Tu ne fais pas les choses à moitié... !


J'ai toujours mener les projets à fond. Et puis, vraiment, chanter, je ne savais pas à quel point ça pouvait faire du bien, je le comprends maintenant.


Ca fait du bien parce que les mots prennent une vie autrement ou parce que la musique te porte ?


Il y a une harmonie entre la musique et les mots qui donne encore plus d'ampleur que dans le slam, enfin, émotionnellement, c'est pour moi complet.


Du coup la connexion avec la salle, avec le public se passe comment ? C'est pareil ?

Dimé T. et ses musiciens. Photo: Bertille Chéret (c)

Est-ce que c'est différent ? Je ne sais pas, c'est trop nouveau pour moi la musique. On est dans le partage aussi, donc je suis pas sûr que ce soit différent. Le projet qu'on a, c'est un collectif de musiciens. A Tours on sera 4, des fois on est 6/7 sur scène ça dépend des disponibilités, des budgets des organisateurs. C'est un collectif plus qu'un groupe. Chacun s'investit comme il peut et comme il veut. Ca met un peu moins de stress et de cadre. Le groupe, c'est tout de suite un cadre contraignant, enfin pour nous.


Le chant te fait-il voir le rapport à la scène autrement ?


Avant, j'étais beaucoup plus excessif dans l'interprétation. Dans le slam, il n'y a pas de musique, il faut donc remplir ce que la musique donne. Je pense aussi que je suis plus posé sur scène. Mais, je découvre tout ça. Ce que je sais, c'est que ça me fait énormément vibrer. Encore plus que le slam, parce que d'un seul coup quand tu arrives à faire une note musicale, en plus du mot que tu donnes, cet équilibre entre les mots et la musique est juste jubilatoire. C'est difficile à exprimer.


Vous avez joué ce week-end ?


Au mois de juin on joue tous les week ends, on a des fois deux concerts par week-end, on commence à être suivis localement. Ici on commence à parler de nous, en bien. C'est vraiment chouette comme expérience.


Tu abordes quel type de thèmes dans tes chansons ?

Dimé T. Photo: Bertille Chéret (c)

Soit des thèmes introspectifs, je parle de mes paradoxes, de mon parcours, de mes joies, mes peines, mes amours, l'Amour entre les humains, les relations humaines. Parfois, c'est aussi engagé politiquement. Toujours avec cette envie de mieux vivre tous ensemble. Je n'écris que pour ça en fait : pour essayer qu'on soit mieux tous ensemble et mieux avec nous mêmes aussi. Sans prétention et en laissant l'ego à sa place. Je partage, je n'éveille personne. Depuis un peu plus de 3 ans, j'ai énormément changé. C'est aussi pour ça que je n'ai pas repris mon nom de slameur, c'est une autre époque. “Anté-Vérité” c'était les excès, de tout, j'avais l'impression d 'être libre dans l'excès, alors que ce n'est qu'une prison. Même si le chemin est sans fin et que je connais encore mes faiblesses, j'ai passé un cap, je me suis beaucoup apaisé, j’ai pardonné, aimé et ça se ressent dans mes textes forcement. C'est assez incroyable pour moi ce qui se passe et c'est un peu particulier à expliquer. Mais voilà.


On te voit donc sur scène samedi, qu'est-ce que tu vas avoir à dire à tous ces slameurs qui seront en face de toi ?


En chanson ou personnellement ?


Les deux !


Déjà, c'est très symbolique de venir jouer à la Coupe de la Ligue Slam de France, parce que c'est un événement que j'apprécie particulièrement, que j'ai beaucoup fréquenté. Il y a une bonne partie de la salle que je connais, certains que je connais même très très bien, d'autres on se croise sur les événements et on est copains. Du coup, c'est très symbolique et il y a beaucoup d'émotion qui commence à naître depuis 2-3 semaines parce que ça se rapproche. Je vais partager avec eux mes textes, ça parle aussi du changement que je vis là ces dernières années. Je suis heureux.


Pour toi le slam c'est fini ou tu fais des allers-retours entre la chanson et le slam ?


Alors, clairement depuis que le projet musique est mis en place, je suis à fond dans ce projet, je n'écris que des chansons, j'écris des textes calibrés pour la chanson. Je vais de temps en temps aux scènes slam de Nancy, le Kwafé slam, parce que j'apprécie l'ambiance et les copains, mais c'est vrai que je slame de moins en moins. Est-ce que j'y retournerai, je ne sais pas du tout. Pour l'instant, je me lève avec le projet Dimé T. je me couche avec ça et je ne pense qu'à ça.


Merci Mehdi et bons concerts!


Propos recueillis par #PG9


Dimé T. Photo: Bertille Chéret (c)




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