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[Plonger dans l'âme de...] Jeanne Cherhal, la magnifique

Dernière mise à jour : 3 mai 2020

"Comme l'exprime la romancière Annie Ernaux, le temps, en soi, est une valeur abstraite. L'important reste ce que nous en faisons (...). Il faut apprendre à valser avec lui..." (Jeanne Cherhal in RFI)


40 ans et une faim de vivre à n'en plus finir. Envie de continuer à s'épanouir, à créer, à partager pour célébrer le bonheur d'être une femme accomplie. Son nouvel album "L'An 40" se bonifie à chaque écoute tant on en saisit progessivement la sincérité profonde au détour des mots et des envolées mélodiques. Jeanne Cherhal parle d'elle et des figures clés qui ont forgé sa vision du monde. A la veille du démarrage de sa nouvelle tournée, nous avons échangé quelques mots... Laissez-vous emporter! Bonne lecture


Jeanne Cherhal. Photo: Mathieu Zazzo (C)

Enchanté Jeanne ! Pour parler de "l'An 40", on va commencer par l'écriture. Vous vous êtes régulièrement exilée pour écrire l'album... A chaque endroit où vous alliez, saviez-vous déjà sur quel thème vous alliez écrire ou est-ce qu'il naissait de l'endroit et du moment ?

Enchantée Philippe... Quand je commence à écrire une chanson, je ne sais jamais de quoi elle va parler. En particulier les chansons de "l'An 40": j'ai vraiment tout démarré par les musiques. Je me suis vraiment laissée guider par elles. C'est assez rare que j'ai une idée préconçue de ce que j'ai envie d'aborder, ça vient vraiment naturellement... Quand je démarre le texte, c'est assez ouvert. C'est quelque chose qui mûrit inconsciemment. Mis à part peut-être la chanson éponyme "l'An 40", j'avais vraiment envie de parler de ça, mais je ne savais pas vraiment comment l'aborder. C'est vrai que l'expression "l'An 40" m'est venue assez vite sous le crayon pour parler de cette quarantaine de manière un peu plus suggérée, pour ne pas vraiment dire "40 ans", "la quarantaine"... mais sinon, à chaque fois quand je suis partie dans ces périodes d'isolement, d'écriture, je n'avais aucune idée de ce dont je voulais parler. C'est assez excitant en fait comme processus parce que les choses naissent, c'est un peu mystérieux.


Mais alors, inversement, puisque vous démarrez par les musiques... Naissent-elles des envies, des lieux ou des deux ?


C'est pareil. C'est vraiment une cuisine qui se fait, je ne saurais pas l'expliquer. A chaque fois que je partais, j'avais un piano soit sur place, soit un piano numérique que j'emportais. Et en fait, je joue, je joue, je joue et, au bout d'un moment, quelque chose me plaît, m'attire... Ca naît comme ça. Je pense que tout le monde fait pareil ! C'est au bout d'un moment, dans une improvisation, quelque chose se dégage... Disons, que quand je démarre une musique, je n'ai rien en tête. J'ai pas un truc qui me trotte dans la tête. C'est vraiment mes doigts qui vont diriger. Le mélodie/ voix se cale sur des accords. C'est souvent rythmique. Ce qui me donne envie d'avancer, de composer, c'est souvent un rythme, un groove. Un balancement.

Ce groove, d'après vous, naît de l'instant, du lieu, de la vue que vous avez - je me permets d'insister... Vous étiez à la Réunion, en Auvergne... ce ne sont pas des lieux anodins ! Qu'est-ce qui nourrit cette création-là, d'après vous ?

Jeanne Cherhal. Photo: Mathieu Zazzo (C)

Je pense sincèrement que le lieu où on se trouve donne une impulsion... L'humeur, aussi. Une cadence... Par exemple, la chanson "Le Feu aux joues", qui est assez rythmique, je l'ai écrite à la Réunion. Et étrangement, il y a une espèce de petit riff de triangle tiki-ti-ti-ki-ti qui me rappelle, rétrospectivement, le maloya, la musique traditionnelle réunionnaise que j'écoute exclusivement là-bas. Il y a donc un lien entre ce que peut m'évoquer l'endroit où je me trouve et la musique qui va en découler. Mais ça passe par plein de filtres après, par ce dont j'ai envie de parler. C'est vrai que c'est intéressant comme processus et difficile à décortiquer.

Cette alchimie-là est passionnante effectivement. Vous louez un endroit dans lequel il y a un piano, un ¼ de queue. J'ai cru comprendre que ce piano, votre piano, vous lui parlez quand vous le voyez (Jeanne Cherhal avec Marie Richeux dans l'émission: "par les temps qui courent" sur France Culture).... Qu'est-ce que vous lui dites ?

Ah non, je lui parle pas ! C'est mon piano, ça fait 5 ans, c'est un studio que je loue à l'année en fait. Mais, non quand même pas, je ne lui parle pas, je n'en suis pas là. Peut-être, je lui parle dans le sens où... je le considère. Pas comme une personne, comme une présence qui évolue. En 5 ans, il a développé des super belles basses et je me dis qu'il s'est adapté à mon jeu, à ce que j'aime... J'ai l'impression que ses aigus sont plus veloutés qu'avant. En ce sens, pour moi, il n'est pas anodin. Ca n'est pas un piano lambda. Là, je démarre une tournée, je vais trouver un piano différent tous les soirs, je ne vais pas développer une histoire avec chacun. Alors que mon piano, c'est vrai qu'il s'est vraiment adapté à ce que j'aime. Mais je pense qu'un guitariste vous dira la même chose sur sa guitare... Les instruments, quand ce sont de bons instruments, sont vivants. Ils évoluent avec nous.

C'était pour en arriver à cette question : vous parlez à votre piano, d'une manière ou d'une autre, vous écrivez sous différentes formes pronominales (je, tu, elle...), vous testez différentes formes de dialogues. Dans la vie, avec qui vous est-il le plus difficile de parler ?


(un temps de réflexion) Je pense que c'est difficile de parler avec quelqu'un qui a des préjugés, des a priori, des idées préconçues. C 'est difficile et en même temps, c'est un défi, donc ça n'est pas inintéressant.

Pour questionner votre rapport au langage, vous dites aussi que vous n'abordez pas certains sujets ailleurs que dans les chansons...


C'est vrai. Des sujets par trop intimes... Je pensais à ça en fin de répètition dernièrement. On vient de terminer le travail en studio. Cette semaine, on est dans une salle, il y a vraiment des chansons, je n'en parlerais pas à mes musiciens par exemple. Les sujets dont je parle dans, "César", par exemple, sur le dernier album où je fais le récit de la naissance de mon enfant par césarienne, ça n'est pas des choses qu'on aborde comme ça, à la légère. Ou une chanson érotique qui s'appelle "Soixante-neuf", c'est pareil. Je n'ai aucun problème à chanter ces textes-là avec eux, je vais le faire en public, mais après en parler avec mes musiciens, ça ne me viendrait pas du tout à l'idée.


"En chanson, la seule limite va être dans la forme, mais le sujet n'a aucune limite" - ce sont vos mots.

Jeanne Cherhal. Photo: Mathieu Zazzo (C)

Oui, je trouve. La forme, dans le sens, il faut que ça me plaise, il ne faut pas que je trouve ça niais... Il faut que les suites d'accords me fassent vibrer, me fassent de l'effet quoi. Il faut que je trouve ça beau, que je trouve ça, même pas forcément beau, mais que ça me remue quoi. Si ça ne me remue pas, s'il n'y a pas un moment où ça me fout les poils - après ça arrêtera parce que je ne suis pas dans l'auto-émotion-, si au moment de la composition ça ne me fait pas un effet, je continue à chercher.


Vous êtes assez perfectionniste en fait ! Vous dites que vous râlez beaucoup, mais en fait, c'est surtout que vous êtes exigeante...


Oui, je suis exigeante. En premier lieu je suis exigeante avec moi-même, ça c'est sûr. J'aime bien essayer de me dépasser un peu. Et puis au fil des années, je suis devenue exigeante avec les gens avec qui je travaille. Parfois, je râle sur les gens qui travaillent pour moi, mais pas à tord et à travers, sinon je n'aurais plus personne autour de moi. Mes musiciens ou le technicien qui fait la lumière, celle qui fait le son, ils aiment ça aussi. On a vraiment développé tous ensemble un amour pour le détail, je dis pas que c'est pour la perfection, parce que ça n'est jamais parfait et puis un spectacle vivant, ça n'est pas que ça pourrait être parfait. On cherche juste à être précis, voilà. J'adore et en tant que spectatrice, j'adore les artistes précis. J'adore le travail de Camille, par exemple, qui ne laisse absolument aucun détail au hasard. Mais il faut bien voir que cette précision-là donne une liberté après. Quand on est hyper solides, hyper précis, c'est là qu'on peut commencer à improviser, à jammer... Par exemple, dans le concert, je vais m'autoriser des solos de piano, des solos qui ne sont pas écrits. Je ne l'ai jamais fait encore. Ill y a des passages où je ne sais pas ce que je vais jouer vraiment. C'est la première fois. Je pense que c'est peut-être que ça exige une maturité que je n'avais pas avant et sans doute aussi un genre de confiance. Je me dis bon bah, allez je me lance ! Et ça, c'est parce que j'ai travaillé mon instrument. Je commence à me sentir à peu près solide au piano, donc, je me permets des choses comme ça. C'est hyper intéressant. Le travail amène la liberté en fait. C'est ça qui est génial...


Vous finissez la résidence et vous démarrez la tournée...


On est arrivés hier soir dans les Vosges et la première est Jeudi. On 3 jours de travail intense.


Tout s'annonce bien ? Quelques marges de liberté, d'improvisation, mais tout le reste est évidemment ficelé...


Oui !

Dernière question : les figures fortes de votre vie sont des femmes, à part... Jacques Higelin et votre oncle dont vous parlez dans l'album ?


Il y a quand même beaucoup d'hommes dans ma vie! Non mais, c'est vrai. Dans cet album, il y a deux hommes très importants. Enfin en filigranne, évidemment, il y a aussi mon mec et mon fils. Mais il y avait deux figures auxquelles j'avais envie de rendre un hommage. Mon oncle qui est décédé il y a une quinzaine d'années maintenant, qui était un adulte handicapé. Pour moi, c'est ce que j'avais envie de dire dans la chanson, c'était comme un enfant dans un corps d'adulte. Grandir à côté d'un être comme ça, c'est assez magique en fait. J'avais envie d'apporter une lumière sur son handicap. Et puis, Jacques Higelin, c'est quelqu'un qui a beaucoup compté pour moi. Quand j'ai commencé, j'ai fait ses premières parties. J'étais très jeune et j'ai vraiment été marquée par sa figure, imprégnée par son art, par sa folie, par son immense humanité et dans cette chanson, j'avais envie de raconter le dernier moment qu'on a passé à partager avec lui, à savoir ses obsèques. C'était vraiment pour moi un moment inoubliable. Un moment artistique profondément humain.


Merci Jeanne. Bonnes répétitions et bonne première...


Merci à Annaïg de chez Astérios. Propos recueillis par #PG9



La tournée (au 4/11/2019)...


2019

07/11 -Thaon les Vosges - La Rotonde // 09/11 - Cébazat - Le Sémaphore // 15/11 - Bruxelles - Le 140 // 16/11 - Elancourt - le Prisme // 21/11 - Rouen - Le 106 // 22/11 - Guise -Théâtre du Familistère de Guise // 23/11 - Les Pavillons sous bois - Espace des arts - Salle Philippe Noiret // 28/11 - Besancon - Théâtre Ledoux // 29/11 - Oberhausbergen - LE PREO // 30/11 - Namur - Le Delta // 03/12 - Paris - Théâtre des Folies Bergère // 11/12 Cherbourg - Le Trident // 12/12 - Cherbourg - Le Trident // 13/12 - Nantes - Le Lieu Unique (COMPLET) // 14/12 - Nantes - Le Lieu Unique (COMPLET)


2020

17/01 - CaluireRadiant - Bellevue // 18/01 - Cornebarrieu - Aria // 22/01 - Biganos - Espace Culturel Lucien Mounaix // 23/01 - Bordeaux - Théâtre Fémina // 24/01 - Pouzauges - L'Echiquier // 25/01 - Nogent sur Marne - La Scène Watteau // 30/01 - Chécy - Espace George Sand // 31/01 - Nevers - Théatre // 01/02 - Mézidon Vallée d'Auge - La Loco // 08/02 - Portes les Valence - Train Théâtre (COMPLET) // 09/02 - La Seyne sur Mer - Espace Tisot // 13/02 - Lille - Théâtre Sébastopol // 14/02 - Laon - Maison des Arts et Loisirs de Laon // 15/02 - Calais - Le Channel // 05/03 - Enghien les Bains - Théâtre du Casino Barrière // 06/03 - Rueil Malmaison - Théâtre André Malraux // 19/03 - Gacé - Le Tahiti // 20/03 - Commentry - Salle de l'Agora // 26/03 - Levallois - Salle Ravel // 27/03 - Abbeville - Espace Saint André // 28/03 - Queven - Les Arcs-Queven // 29/03 - Vannes - Palais des Arts/Grand Théâtre // 03/04 - Changé - Les Ondines // 04/04 - Bergerac - Centre Culturel // 12/05 - Saint Nazaire - Le Théâtre Scène Nationale de St Nazaire...





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