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[Plonger dans l’âme de...] Anne Plantey. Comédienne. Sur la route des mots

Dernière mise à jour : 20 avr. 2020

C’est un sujet mal connu et assez particulier: la reprise de rôle au théâtre. Quand un spectacle dure longtemps arrive en effet toujours un moment où un(e) des comédiens part sur un autre projet prévu de longue date ou encore le succès est parfois tel que deux équipes (voire 3!) jouent la même pièce pour qu’elle puisse être programmée à la fois à Paris et en tournée ailleurs. Avec son triomphe aux Molière, “Adieu Monsieur Haffmann” se trouve dans cette situation. Jean-Philippe Daguerre l’évoquait dès notre entretien -passionné et passionnant- de Juin dernier:


[Plonger dans l’âme de...] Jean-Philippe Daguerre. Le sacre d’un passionné (Culture Etc, 24/06/2018) https://www.facebook.com/notes/culture-etc/plonger-dans-l%C3%A2me-de-jean-philippe-daguerre-le-sacre-dun-passionn%C3%A9/2080675168853378/


Culture Etc a voulu comprendre comment les choses s’organisaient. Jean-Philippe nous a donc présenté Anne Plantey qui est face à un défi particulier: reprendre le rôle d’ “Isabelle” pour lequel Julie Cavanna a obtenu le Molière de la Révélation Féminine. “Anne, au delà des qualités émotionnelles et de générosité qu'il faut avoir pour interpréter un personnage comme celui d' Isabelle, a la particularité d'avoir un sens aigu du comique. C'est un vrai plus pour le spectacle car il y a beaucoup de moment où il faut savoir faire rire... Or, quand on sait faire rire on sait souvent aussi faire pleurer”. Suivez-nous, tout commence à Agen... Bonne lecture!


Anne Plantey (C)


Bonjour Anne ! Vous rejoignez l'équipe de la pièce “Adieu Monsieur Haffmann” à l’occasion de la reprise qui démarre Mardi 9 Octobre au Théâtre Rive Gauche (Paris XIVe) et vous serez en alternance avec Julie Cavanna...


Oui. La reprise de rôle a lieu parce qu'il y a en même temps une tournée partout en France et la reprise au Théâtre Rive Gauche à Paris. Le rôle d’Isabelle est un des rares qui n'avait qu'une seule comédienne pour l’instant, Julie Cavanna. Les autres avaient quasiment tous été doublés depuis quelques temps déjà. Il y avait donc besoin d'une alternance sur ce rôle – et aussi sur celui de Alexandre Bonstein. Julie va faire essentiellement la tournée, on se partage les dates parisiennes.


C’est votre première collaboration avec le Grenier de Babouchka?


Jean-Philippe Daguerre dans "Adieu Monsieur Haffmann" (C)

Absolument. Je n'avais pas encore eu la chance de travailler avec Charlotte, Jean-Philippe et toute leur équipe. On se connaît depuis quelques années maintenant : quand ils ont créé “Monsieur Haffmann” à Avignon, j'y étais moi aussi, dans le même théâtre qui plus est. On avait donc eu l'occasion d'aller voir le travail les uns des autres et j'étais tombée complètement amoureuse de cette pièce. Tout de suite. A la fin du spectacle, c'est d'ailleurs la seule et unique fois de ma vie où ça m’est arrivé, j'ai foncé sur Jean-Philippe Daguerre, j'étais encore en train de pleurer, pour lui dire: “je veux travailler avec toi un jour”. Le destin fait que, non seulement je travaille avec lui, mais en plus sur la pièce et pour le rôle qui m'ont le plus bouleversé depuis plusieurs années. Deux ans après, le jour est arrivé... C'est incroyable.


Vous faisiez déjà un peu partie de la famille du Grenier ?


En fait, j'appartiens à sa famille large. J'ai eu la chance de faire partie de spectacles produits par Atelier Théâtre Actuel Spectacle-Vivant, surtout le dernier que j'ai joué pendant 3 ans, “Rupture à domicile”. Or il se trouve que c'est à Thibaud Houdiniere que Jean-Philippe a fait lire le texte et c'est lui qui lui a fait confiance à l'origine. Donc, au delà de la famille du Grenier de Babouchka, il y a celle du Théâtre Actuel qui est une très très grande famille. Du coup, on s'est souvent retrouvés ensemble Charlotte, Jean-Philippe, Thibaud et moi... Cela dit, en arrivant sur un nouveau projet, on se sent toujours un peu neuf.


Est-ce qu'il y a un rituel de baptême au Grenier de Babouchka? Une sorte de bizutage?!


S'il y en a un, je ne l'ai pas encore vécu, ça sera la surprise ! Mais non, je crois pas. En tous cas, au delà du don qu'a Jean-Philippe de s'entourer de gens talentueux, il a surtout, je trouve, une façon de de repérer chez les gens l'humain et la bienveillance. Pour l'instant, j'ai juste l'impression d'être chez des copains qui nous accueillent à bras ouverts. On est plusieurs à arriver sur la pièce en même temps et on a vraiment la sensation de retrouver des cousins qu'on n'a pas vus depuis longtemps, qui nous attendaient. C'est très agréable cet esprit de troupe. Le Grenier de Babouchka est une compagnie avec énormément de comédiens, dont certains sont là depuis le tout début. Tout ça est devenu un succès fou. C'est hyper excitant d'arriver dans cet univers-là, à ce moment-là.


Et vous même, Anne, d'où arrivez-vous, s'il vous plait?...


J'arrive à la base du Sud-Ouest, je suis à Paris depuis à peu près 13 ans. J'ai plongé dans le théâtre à l'âge de 7 ans, quand je me suis retrouvée dans le cours de Marianne Valery, une des fondatrices de Les Baladins En Agenais avec Roger Louret. C'est une troupe assez connue par laquelle tout le monde ou presque est passé à une époque ou un autre : Grégori Baquet et Alexandre Bonstein d'Haffmann y sont passés tous les deux chacun à une époque par exemple... Quand je suis sortie du premier cours, je me suis dit que c'était ce que je voulais faire plus tard et je n'ai jamais eu envie de faire autre chose. Je suis montée à Paris à 18 ans, j'ai fait le Studio d'Asnières, l'école Jean-Louis Martin Barbaz, et je me suis mise à travailler assez vite, en alternant les périodes un peu calmes et d'autres plus actives. Là, pendant 3 ans je me suis retrouvée sur une reprise de rôle, encore une, dans “Rupture à domicile” de Tristan Petitgirard avec qui j'avais déjà travaillé quelques années auparavant. On fait équipe avec Olivier Sitruk et Benoît Solès. C'est ce qui m'a fait intégrer le réseau de Théâtre Actuel et rencontrer Jean-Philippe Daguerre.


De quel plaisir est venu le coup de foudre à 7 ans ?


Du plaisir de raconter des histoires. Je pense que ça s'est joué à pas grand chose. Les cours de théâtre d'enfants sont souvent basés sur des improvisations, des exercices et dès le début j'ai eu l'impression d'avoir plein d'idées, de m'amuser... sauf que j'ai tout de suite compris que c'était le métier de certaines personnes. J’en ai parlé à ma maman, elle m'a dit “oui, oui”... Mais c'est resté. Je n'ai jamais eu peur du regard des autres, de me retrouver bloquée, en panique. C'est évidemment devenu plus sérieux au bout d'un moment, mais, enfant, j'avais juste l'impression que c'était un jeu génial. Et travailler en faisant des jeux géniaux... J’ai passé 12 ans dans ce cours. J'ai grandi avec cette dame qui était une femme, une professeure, une comédienne incroyable. J'avais une admiration profonde pour elle. Elle me faisait grandir vraiment dans la vie, sur scène.


Théâtre Ducourneau, Agen

Elle est même la première à m'avoir fait travailler: dans sa salle de théâtre où elle faisait des spectacles l'été. Elle m'a confortée dans l'idée que je pouvais monter à Paris, passer des concours... J'ai été accompagnée toute mon enfance par cette personne-là, qui a su m'amener dans des endroits où je n'avais pas forcément envie d'aller, comme la comédie, alors qu'à la base, on me voyait plus comme une “jeune première”. Je pense que c'est ça qui m'a aidé. Si j'avais changé de cours de théâtre ou de ville, j'aurais peut-être arrêté... J'étais tombée sur la bonne personne pour m'accompagner dans cette envie. Elle est d'ailleurs venue récemment sur une date de tournée de “Rupture à domicile” dans le Sud Ouest.


Qu'est-ce qu'elle vous a dit, j'imagine que vous vous êtes parlé à la fin du spectacle?


Elle était très émue. Fière, c'est ce qu'elle m'a dit. Il y avait aussi Benoît Soles dans la pièce, un comédien et un ami formidable. Benoît vient du même cours, je le connais depuis toute petite. Elle nous voyait tous les deux sur scène, deux générations différentes d'élèves de son cours qui se retrouvaient sur ce projet. Elle m'a connue petite fille, elle m'a laissée à 18 ans faire ma vie et partir à Paris, elle me retrouve 15 ans après dans une pièce de théâtre. Je pense qu'elle était très fière. En tous cas, moi je l'étais ! Pouvoir lui montrer que grâce à elle, j'avais eu cette envie, cette passion et que je n'avais pas lâché. C'était un très beau moment.


Quel rapport avez-vous à la transmission ? Vous transmettez vous aussi ou ça n'est pas encore le moment ?


Je n'ai jamais donné de cours. J'ai 32 ans, j'ai encore beaucoup de choses à apprendre avant de pouvoir apprendre quoique ce soit à quelqu'un d'autre. Mais je trouve ça intéressant de travailler en équipe, de s'aider en tous cas. Avec mes partenaires de jeu, on discute beaucoup. “Rupture à domicile”, on l'a jouée presque 300 fois et il n'y a pas un soir où en sortant on ne s'est pas donné les impressions les uns les autres, donné des conseils, pour essayer de voir ce qui n'avait pas marché. Peut-être que ça, ça fait partie un peu de la transmission, c'est à dire quand on est dans un projet, on a vraiment des repères très précis sur le personnage qu'on joue depuis longtemps, on essaie d’avoir un regard sur l'ensemble et sur ce qu'on échange avec nos partenaires sur le plateau. C'est intéressant de se faire des retours. Ca fait partie de ma façon de travailler en tous cas sur ces trois dernières années.



C'est un travail d'équipe!


Complètement. Je crois qu'on n'a pas fait une seule date de cette pièce sans derrière avoir toujours un moment de discussion, sur ce qu'on vient de faire, ce qui a fonctionné, pas fonctionné, qu'on a aimé, ce qu'on a senti bien ou moins bien. Je pense que pour l'instant, en terme de transmission, c'est la seule chose dans laquelle je puisse me sentir à l'aise: échanger et essayer de comprendre pourquoi un soir ça n'a pas fonctionné, alors que les 150 autres fois ça a bien marché... Ca, ça m'intéresse. Après, je pense que j'ai encore beaucoup de choses à apprendre avant de pouvoir transmettre quoique ce soit.


En regardant votre parcours, je vois, sauf erreur, beaucoup de contemporain, pas de classique...


C'est vrai. C'est très bizarre d'ailleurs, parce que le Studio d'Asnières est une formation très classique. C'est vraiment une école avec des cours de tragédies, des classiques, de grands textes. J'ai aussi beaucoup travaillé Marivaux, Racine, Corneille... avec la professeure que j'ai eue pendant 12 ans. Et pour l'instant, je ne me suis jamais retrouvée sur des spectacles classiques. Peut-être que ça viendra. En même temps, ça ne me manque pas. Il y a dans les classiques tellement de références de grands comédiens ! Reprendre un classique, c'est passer après beaucoup de monde, or, ce qui me fait envie aujourd'hui, c'est d'être dans la création de personnages. Partir d'un texte où vraiment on n'a aucune idée, aucune image, aucune référence... Créer un rôle qui n'a jamais existé avant, je trouve ça passionnant. Je me retrouve quand même, comme avec “Monsieur Haffmann”, dans des spectacles où les rôles sont déjà créés, donc je vais un peu dans les marques de la comédienne précédente, mais évidemment, tout cela passe par un autre filtre, donc c'est forcément différent. Je crois que ce qui m'intéresse vraiment, c'est d'être avec des personnages neufs sur lesquels tout est à inventer.


Sur “Monsieur Haffmann”, justement, même si c'est une reprise de rôle, vous allez apporter votre patte au personnage ?


"Adieu Monsieur Haffmann" Julie Cavanna, Jean-Philippe Daguerre, Alexandre Bonstein (C)

Quand on fait une reprise de rôle, on a beaucoup moins de temps de répétition que sur une création. On travaille soit avec une captation, soit en allant voir un spectacle, le but étant d'arriver en répétition avec un texte parfaitement su et en connaissant aussi, parfois, les déplacements principaux, pour gagner du temps. Donc, évidemment, je ne peux pas proposer quelque chose qui va à l'opposé de ce que fait Julie, j'ai sans doute aussi été choisie parce que je n'ai pas proposé quelque chose de très éloigné de ce qu’elle fait. En revanche, le texte va passer par moi et donc, ça sera forcément quelque chose de différent. C'est ce que me disent les comédiens avec qui on répète en ce moment. Quand on est comédien sur un spectacle depuis longtemps, c'est très intéressant de se retrouver avec un nouveau partenaire. La personne en face nous renvoie quelque chose de différent et, même si c'est le même personnage, les mêmes enjeux, les mêmes émotions, c'est envoyé et ça parvient d’une manière autre. Ca permet parfois de redécouvrir le texte, de réagir différemment à certaines répliques qui vont être dites autrement. Mon personnage d'Isabelle dans “Monsieur Haffman”, est un peu moins doux que celui de Julie, mais ça fonctionne quand même, parce qu'on est dirigés, tous, et qu'on est dirigées, Julie et moi, de la même manière. Mais on est deux comédiennes différentes ça sera forcément une autre Isabelle. Tant qu'on reste dans le cadre de ce que Jean-Philippe attend du personnage, je pense qu'on a le droit d'apporter ce qu'on est. C'est ce qui est intéressant. Si on me demandait d’être la réplique exacte de Julie, c'est du travail aussi, mais ça serait moins intéressant. C'est aussi l'enjeu quand Jean-Philippe prend des comédiens. Je pense qu'il n'a pas envie, sur des alternances, d'avoir des espèces de copié-collé de ce qu'il a déjà. C'est intéressant d'aller trouver d'autres choses avec d'autres comédiens.


D'autres nuances.


Exactement. En restant, évidemment fidèle à ce que le personnage est, puisque c'est très bien écrit. Cette Isabelle est ce qu'elle est, mais elle sera nuancée par ce que je dégage. Ca sera le même personnage, mais un peu différent.


L'équipe qui va jouer à Paris est-celle de la création ?


"Adieu Monsieur Haffmann" Franck Desmedt, Julie Cavanna, Alexandre Bonstein, Charlotte Matzneff, Charles Lelaure (C)

En fait, tout se mélange un peu. C'est à dire que Julie et Alexandre, qui sont sur la création, vont faire beaucoup de dates de tournée, pratiquement la totalité, Grégori, qui était à la création, va être à Paris, Franck Desmedt va être beaucoup à Paris aussi. Les équipes se mélangent. Il n'y a pas une équipe de création et une équipe d'alternant. Je vais jouer un jour avec Grégori, le lendemain avec Charles Lelaure. Ensuite, je vais jouer une fois avec Alexandre, peut-être le lendemain avec celui qui est en alternance avec lui, Marc Siemiatycki, que je rencontre sur ce projet. Je pense qu'on va tous se croiser les uns les autres. La seule chose, c'est qu'effectivement, l'équipe de création est prioritaire sur la tournée, puisque les tournées se sont vendues à Avignon et en général, les programmateurs aiment bien avoir les comédiens qu'ils ont vus quand ils ont acheté le spectacle. Donc il sont prioritaires sur la tournée.


Effectivement, ça rajoute du sel à chaque représentation si ça n'est pas toujours le même comédien !


Ah, ça change. Absolument. Déjà en répétition ! On a le planning, on sait avec qui on est, mais, hier j'ai répété avec Charles Lelaure pour la première fois alors que j'avais répété jusque là avec Grégori Baquet et Benjamin Brenière qui rejoindra l'équipe en novembre. Forcément, c'est une adaptation tous les jours à une énergie différente, à un rythme différent aussi. Encore une fois, les personnages sont les mêmes et les comédiens apportent chacun un peu de eux dans leur jeu. J'ai déjà fait des reprises de rôles avec des équipes qui ne changeaient pas, là c'est une reprise de rôle où tous les rôles sont en alternance et c'est passionnant, parce que parfois, d'un jour à l'autre, j'ai l'impression de repartir à zéro dans le travail, c'est très très intéressant de se retrouver un jour sur deux face à quelqu'un de différent, c'est très formateur. Très intéressant.


Au final, il en ressort quoi ?


Julie Cavanna, Molière '"Révélation féminine" pour le rôle d'Isabelle dans "Adieu Monsieur Haffmann" (C)

La première chose qui ressort de tout ça, c'est que je suis profondément heureuse de rejoindre cette équipe, d'être sur ce spectacle. Et puis, aussi, il en ressort une pression énorme, parce que Julie est une comédienne incroyable et que j'ai envie évidemment d'être à sa hauteur, à la hauteur de la personne qui partage ce rôle avec moi. Julie, je la connais depuis longtemps, on est amies. Pour une comédienne, c'est difficile aussi quand on a un personnage qui nous a tant apporté, de partager ce rôle qui n'était qu'à soi au départ. Je me dois d'être à la hauteur, de faire bien et de faire honneur vraiment à cette pièce. Parce que c'est le genre de spectacle qu'on ne joue pas tous les 4 matins quoi. J'ai l'impression, vraiment, de rentrer dans une équipe et d’être très très chanceuse.


Avec Julie, justement, vous échangez sur le personnage ?


Pour l'instant, comme je suis en alternance avec elle, on ne s’est pas beaucoup croisées. On n’a pas eu le temps d’échanger sur le personnage. Je pense que c'est le genre de chose qui arrivera le jour où elle viendra elle me voir pour la première fois. Pour l'instant, la seule chose sur laquelle on échange, c'est cette sensation que c’est pour elle de voir ce personnage, ces mots, dans la bouche de quelqu'un d'autre. Je pense que c'est quelque chose qu'elle pouvait appréhender mais, heureusement, ça se passe très bien. Pour l'instant, on a échangé sur ça, de comédienne à comédienne sur le plaisir que c'est pour elle d'un coup de voir le spectacle, de se dire, je vais être dans la salle et je vais enfin pouvoir voir de A à Z cette pièce que je ne voyais jusqu’à présent que de l'intérieur. Je pense que ça va être fort pour elle de pouvoir y assister.


Ce dont j'avais l'impression en vous écoutant, c'est qu'au final, de tout ça, ressort l’opportunité d’aller au fond du sens lui-même de la pièce, de sa raison d'être...


Sur un spectacle qui a déjà été joué plus de 250 fois, je pense que retourner dans le travail du texte, dans son essence même, dans les enjeux précis, de pourquoi cette scène, pourquoi cet état-là à ce moment-là, pourquoi cette phrase là à ce moment là, je crois que c'est très bénéfique. Parce que ça remet les enjeux à leur place, ça donne aussi parfois une écoute différente ou ça ouvre plein de possibilités. D'ailleurs, même Jean-Philippe, quand il est en train de nous diriger, subitement une phrase va être dite différemment. Ca va lui rappeler pourquoi il a écrit vraiment cette scène, ce que ça raconte dans le fond... C'est très intéressant de repartir dans le travail comme ça avec des comédiens nouveaux, tout en gardant une équipe de base, parce que c'est aussi grâce à elle que ce spectacle a si bien fonctionné et a pris tant d'ampleur. C'est le mélange des deux : un peu de nouveau dans quelque chose qui fonctionne déjà merveilleusement bien. Et quand, en plus, je me répète, on a des comédiens qui nous accueillent à bras ouverts comme ils le font, tout le monde est ravi. Il se passe plein de chose, même eux, ça les rafraîchit, c'est bizarre d'utiliser ce terme-là, mais je pense que c'est rafraîchissant pour tout le monde. Je pense que ça serait très compliqué s'il y avait toute une équipe à reformer d'un coup. C'est pas la même chose. Là, c'est un comédien après l'autre et c'est très bénéfique.


"Adieu Monsieur Haffmann" 3 nouveaux comédiens: Marc Siemiatyki, Benjamin Brenière, Anne Plantey (C)

Vous allez certainement partir pour un moment avec cette pièce, mais est-ce que vous écrivez vous-même ?


Très modestement. Mais oui. Un petit peu. J'ai des ébauches de choses. Pour l'instant, je suis très timide. En fait, j'aime beaucoup écrire, j'ai un peu du mal à trouver un sujet. Je suis toujours passionnée, quand je lis un livre, quand je vois une pièce de théâtre. Très souvent je me dis: “qu'est ce que j'aurais aimé avoir cette idée-là, cette histoire-là”. Comment cet auteur a-t-il décidé? Comment ça lui est venu, d'où ça lui vient, pourquoi, comment ce rebondissement-là lui est passé par la tête?... Vraiment. Je suis toujours en train d'essayer de comprendre comment un auteur fait pour avoir autant d'imagination. Pour l'instant, je manque de confiance. Mais, oui, j'écris un peu. Des monologues de femmes sur un thème précis, je ne sais pas du tout si ça deviendra quelque chose un jour, mais je pense que c'est important, quand on est comédien de pouvoir un peu toucher à tout. J'ai fait là, récemment de l'assistanat à la mise en scène, j'ai trouvé ça passionnant et très nourrissant en tant qu'actrice, je pense qu’écrire, c'est aussi un moyen d'expression et de renforcer ce qu'on est en tant que comédien. Et puis, il y a aussi, le fait que les comédiens passent parfois par des phases compliquées de travail, qui justement n'en sont pas, et c'est important d'avoir plusieurs cordes à son arc. Après, c'est un métier, un vrai métier compliqué. Pour l'instant, je n'ai pas assez confiance, mais j'ai envie. J'essaie, je tâtonne, j'ai un lecteur, un seul à qui j'ose montrer ce que j'écris, qui m'encourage, d'ailleurs, mais pour l'instant, je ne me considère vraiment pas du tout comme auteure. Peut-être que ça viendra.


Je vous parle de ça parce que vous disiez tout à l'heure que ce qui vous intéressait, c'était de créer. On a parlé du théâtre de répertoire, vous avez répondu nouveauté, découverte...


Créer des personnages, oui, bien sûr .


Du coup, la question, c'est est-ce que vous mêmes vous allez au bout de ça, donc en écrivant vous-même...


Ces monologues de femmes, je n'imagine pas, pour l'instant en les écrivant que si un jour, ça doit donner quelque chose sur scène, je les interpréterai, mais évidemment, pourquoi pas ! Pourquoi ne pas aller jusqu'au bout du processus. Oui, pourquoi pas. Pour l'instant, c'est vraiment une ébauche. Mais, peut-être qu'un jour, ça deviendra quelque chose dont je me servirai. D'ailleurs, c'est tellement joli d’interpréter ses propres textes. Là, par exemple, j’ai travaillé en tant qu’assistante -autre expérience très enrichissante- sur La Machine de Turing, c'est Benoît Soles qui interprète le rôle d’Alan Turing... et qui a écrit le personnage. La totalité des gens qui ont vu ce spectacle s'accorde à dire que c'est une vraie rencontre entre un personnage et un comédien, comme ça peut arriver parfois dans une carrière: le bon rôle au bon moment, le bon personnage pour le bon comédien. Peut-être que c'est justement parce que c'est lui qui l’a écrit et qu'il l'a rêvé... Il le connaissait déjà par cœur avant même de commencer à l'interpréter. Oui, peut-être que c'est comme ça qu'on boucle la boucle en interprétant ses propres personnages. Mais je n'y suis pas encore!


Une question pour finir, l'article va paraître juste avant la reprise de la pièce, est-ce que vous auriez un mot à dire à Jean-Philippe Daguerre ?


Jean-Philippe, je n'aurais pas qu'un mot pour lui, j'en aurais beaucoup ! Comment dire, il est à un moment de sa vie où tout lui réussit mais il garde une gentillesse et une simplicité rares. Il est à la fois fidèle et ouvert. Je suis hyper fière d'intégrer son équipe, de la confiance qu'il m'accorde. Ca me paraissait être une montagne d'aborder le rôle d'Isabelle, parce que j'en ai tellement rêvé, mais tout devient simple quand on est avec lui. Tout se fait dans la bonne humeur, la détente, la confiance totale. J'ai vraiment l'impression d'avoir beaucoup de chance de m'être retrouvée un jour sur son chemin. Je suis très très fière. Un de nous disait au sujet de “Monsieur Haffmann”, “c'est un honneur d'interpréter des personnages comme ceux-là” et vraiment je le pense aussi. Voilà. Je suis bêtement hyper fière et reconnaissante vis à vis de Jean-Philippe.


Propos recueillis par #PG9




“Adieu Monsieur Haffmann” au Théâtre Rive Gauche






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