Parfois la musique vous saisit et vous emmène en voyage ailleurs, à travers l'espace et le temps... Délicatement, patiemment, entre plusieurs collaborations notoires (Katerine, Alexis HK, Leïla Huissoud...), le contrebassiste Simon Mary a composé le répertoire de "Krystal Mundi"...Un vrai monde de sons et d'images qui vous portent avec la plus grande douceur dans un rêve de cristal. Ces mélodies vous feront du bien. Comme le dit Pascal Bussy, spécialiste des musiques actuelles, Krystal Mundi c'est "une musique de chambre contemporaine et humaniste habitée par un groove qui est tout simplement celui de la pulsation du monde". Le disque sort le 15 novembre 2019 et sera présenté en avant-première l'avant-veille (13/11) au Studio de l'Ermitage (8 rue de l'Ermitage, Paris XXème). Bon voyage!
Bonjour Simon! Alors, ça y est "Krystal Mundi", l'album, sort ?
Bonjour Philippe. Oui, il va être distribué officiellement le 15/11. Il y a un concert deux jours avant, le 13/11, à Paris au Studio de l'Ermitage, on aura l'album avec nous bien sûr, mais officiellement il sera partout le surlendemain dans les magasins et sur toutes les plate-formes. "Nuits Topaze", un premier titre, est disponible en digital depuis vendredi dernier, il a été mis en ligne par la maison de disque, Label Ouest. L’album sera présenté le 12/11 en ouverture de l'émission Open Jazz de Alex Duthil sur France Culture.
C'est le premier disque de votre nouvelle formation ?
Oui. Et du coup la formation s'appelle aussi comme ça ! Dans Mundi il y a bien toutes les influences du monde qui nous correspondent. On joue le répertoire qu'on a présenté aux Rendez-Vous de l'Erdre à Nantes sur la Scène Nautique en août 2018 et au Pannonica avant (le 16 mai). J'ai peut-être écrit un ou deux nouveaux morceaux que j'ai mis dans l'album et d'autres qu'on jouait avant, mais la grande base, c'est ce répertoire.
Il y a un petit clin d'oeil rigolo au roman de Stéphane Pajot, "Anomalie P." (éd. l'Atalante) !
Oui, l'histoire m'avait inspiré un morceau dont j'étais vraiment fier. Je l'ai refait, avec les cordes, il a une couleur assez étrange, comme l'histoire de cette cité disparue.
Ca fait beaucoup penser au travail de Tiersen pour Amélie Poulain entre parenthèses...
Je trouvais qu'il y avait dans le livre un côté pastel qui me plaisait, le héros qui allait dans le passé dans cette ville imaginaire... Ca s'était fait naturellement. C'est un morceau qui plaît énormément dans les concerts... Je suis très cinématographique et imagé dans mes compositions, même si je ne donne pas toujours l'influence de mes morceaux, il y a souvent, à la base, un petit scénario. Le roman m'a aidé.
Vous êtes satisfait de l'enregistrement et de l'évolution des choses ?
Oui, je suis très content. Disons que ça correspond à ce que j'entendais depuis le début en l'écrivant. Avec l'aide des musiciens, le travail qu'on a fait ensemble, tout est là... Donc, je suis très content, oui.
C'est un très grand monsieur, Jerry Boys, qui a réalisé l'album...
C'est une histoire incroyable... 6 mois environ avant qu'on n'entre en studio, je suis allé voir le Kronos Quartet avec le Trio Da Kali au festival de "Jazz sous les Pommiers" de Coutances. J'avais adoré. J'ai acheté l'album après. J'aimais vraiment beaucoup le son du disque, réalisé par un certain Jerry Boys. J'ai cherché et j'ai vu sa discographie : Oumou Sangaré, Ali Farka Touré, le Buena Vista Social Club... C'était marrant : j'avais au moins une 20aine de ses disques dans ma discothèque et ce sont des disques que j'adore. Je me suis donc dit banco. Je lui envoie un mail lui disant que je fais un disque, que j'adore son boulot et je joins un lien vers le concert des Rendez-Vous de l'Erdre. Je lui explique que je vais produire moi-même le disque, que je passe par un petit label, pas une major etc... Dès le lendemain, il me répond: "j'ai écouté ta musique, j'aime beaucoup, je suis OK pour venir travailler avec toi".
Top !
Oui, le truc vraiment incroyable. Je devais aller à Londres mixer avec lui, mais le Brexit a compliqué les choses : les studios ne voulaient pas réserver de dates longtemps à l'avance. Finalement, je lui ai envoyé des noms de studio en France avec leur fiche technique et il me dit : "le studio que tu m'as envoyé 'Arpèges' aux Sorinières (à côté de Nantes), c'est la console que j'avais à Cuba pour le Buena Vista Social Club, je l'adore, je veux bien mixer dessus". Il est donc venu une semaine à Nantes, on a fait 7 jours de studio avec lui et c'était super. A 17 ans, il était au Studio Abbey Road au moment des Beatles. Il avait plein d'anecdotes, il venait manger à la maison tous les soirs, c'était super sympa. C'est quelqu'un qui a travaillé sur peut-être 500 albums, des trucs incroyables. C'est un super bonheur de collaborer avec quelqu'un comme ça avec une telle expérience et un amour sans bornes de la musique.
Si il fait tout ça, c'est pour la musique évidemment
Oui, il n'est pas venu travailler avec moi pour le prestige ou pour l'argent ! C'est vraiment un beau cadeau qu'il m'a fait. Un énorme plaisir de travailler avec lui. Ca donne une vraie plus value pour moi à cet album. Il a vraiment un son. Il avait parlé avec l'ingénieur du son, Julien Taillefer qui a enregistré les prises près d'Angoulème. Je voulais un son très ample, très acoustique. On a joué sans casque, sans click, tous ensemble dans une grande pièce, ils se sont bien mis d'accord ensemble des micros partout dans l'espace pour avoir un son très live. Il a vraiment travaillé à sa façon.
Il a piloté l'enregistrement à distance ?
Avec l'ingénieur du son qui a fait les prises de son, ils se sont bien mis d'accord sur les types de micros, comment les placer, ce dont il allait avoir besoin après pour le mix... Il a collaboré dès le début du projet, même s'il n'était pas là pour les prises.
L'enregistrement s'est passé à Angoulême ?
On a fait ça dans le studio Juillaguet près d'Angoulême. C'est le studio de Kent Carter, l'ancien contrebassiste de Carla Bley, Paul Bley, Steve Lacy... Il a 80 ans maintenant, il est américain. Il est installé en France depuis une 30 aine d'années, il a monté son propre studio pour ses projets et pour en accueillir plein d'autres. C'est très haut de plafond, on a une belle réverb' naturelle de pièce, il est très réputé pour la musique acoustique. J'avais cherché avec l'ingénieur du son avec qui je travaillais Julien Taillefer un bel endroit pour faire les prises. On est allés là. C'est un chouette endroit aussi. D'ailleurs, on va y faire un concert privé le 11, juste avant l'Ermitage. Ils organisent des soirées, ils font venir une cinquantaine de personnes. Ca va nous servir de répétition et puis on aura le plaisir de les retrouver, lui et sa femme Michala Marcus, une chorégraphe. De très bonnes vibrations là-bas. Vincent Segal a enregistré son dernier album. Il y a beaucoup de gens du label « No format » qui y vont.
Vous avez mis combien de temps pour enregistrer ?
4 jours de studio pour faire les prises. On avait bien préparé avant, quelques concerts, des temps de répétition. On était prêts. Moi j'avais bien écrit les structures pour l'album, un peu plus raccourcies que les lives. Même s'il y a de l'improvisation, tout était assez anticipé. 4 jours c'était bien.
Et vous avez eu une semaine de mixage pour finaliser tout.
On a passé une semaine à côté de Nantes pour mixer chaque morceau, bien placer tous les instruments dans l'espace. Il travaille à sa façon, très artisanale. Eric Chauvière, qui est un ingénieur du son lui aussi et qui a fait l'assistant du coup, était des fois subjugué par ses méthodes.
En faisant le mixage, en positionnant toutes les choses, quel message avez-vous cherché à faire passer ?
Je ne sais pas si je veux faire passer un message. Ce que je veux partager, moi c'est toutes les musiques que j'aime, toutes les rencontres que j'ai faites avec les musiciens, toutes les cultures que j'ai étudiées, de l'Inde aux Pays de l'Est, en passant par les musiques africaine ou cubaine que j'aime beaucoup. Toutes ces influences ressortent de mes compositions. Et puis j'adore les cordes. J'avais envie d'une couleur un peu intemporelle. On l'a fait en 2019, mais il aurait pu être fait dans les 70's ou dans 20 ans. Il a une couleur actuelle dans le son, dans la façon de jouer... mais je l'espère intemporel.
Pour revenir au cristal, vous avez voulu jouer comme un joailler sur le mixage des musiques, placer des petites perles à droite à gauche ?
Oui, on pourrait dire ça. En tous cas, pour moi justement, le nom Krystal Mundi symbolise très bien la musique. Il y a "Mundi", le monde, tous les mondes on pourrait dire, tous les univers possibles dont on peut s'inspirer et "Krystal", cette fragilité, cette transparence qui je trouve correspondent à la musique aussi, avec le côté précieux que lui donne sa valeur. L'énergie de la musique ne va pas te prendre tout de suite, je pense. C'est plutôt, quand tu l'écoutes, elle te prend en douceur par la main. Même si j'aime beaucoup les musiques « coup de poing » aussi, où c'est l'énergie tout de suite qui t'appelle. Là, je pense que c'est plus le côté cristallin, doux qui t'attire, qui vient te chercher doucement pour t'emmener dans son monde.
Rendez-vous le 13/11 à l'Ermitage, sortie de l'album le 15... Après, il y a d'autres dates ?
On fait fin novembre la 1ère partie de Mélanie de Biasio à la Scène Nationale à Saint-Nazaire, après on doit être aux Sables d'Olonnes en fin d'année. En janvier on a pas mal de concerts. Et on fera un concert spécial le 15/01/2020 au Pannonica et on jouera pendant les BIS de Nantes à la Maison des Arts de Saint-Herblain.
Dans notre dernier entretien, vous disiez que votre souhait le plus profond était que ce travail-là sur vos musiques vous occupe de plus en plus...
Oui, j'aimerais beaucoup que ce groupe fasse énormément de concerts tous les ans et que je me consacre plus à ça qu'aux projets des autres, même si j'aime bien les collaborations, mais j'aimerais rééquilibrer dans ce sens. Depuis Mukta, ça fait un petit moment que je n'ai pas fait de projet personnel, j'ai envie de partir sur les routes avec ce projet.
La formation pour la tournée, c'est celle de l'album ?
Sur l'album, il y a aussi des percussions sur deux titres : "Nuits Topaze" et "Ouraboros Chase". C'est Gustavo Ovalles, le percussioniste de Omar Sosa, un vénézuélien basé à Nantes. Après avoir enregistré, juste avant le mixage, en réécoutant, je me suis dit tiens j'entends quand même des Maracas, des petits trucs vraiment discrets derrière. Il est venu un après-midi à la maison, on a fait des prises de percussions avec lui. Et dans les deux derniers titres Bleu d'Alap/ Bleu d'Orient, une sorte de suite en hommage à la musique indienne, il y a Michel Guay qui est le sitariste de Mukta qui a joué de la tampura ce bourdon indien. Il y a donc deux invités qui donnent des petites couleurs très sensibles sur ces morceaux, mais sinon, pour les concerts, c'est une formation de 5 musiciens : Tomoko Katsura et Marian Iacob Maciuca, violons, Guillaume Grosbard, violoncelle, Geoffroy Tamisier, trompette et moi à la contrebasse qui serons en concert.
Maintenant que l'album est enregistré qu'il va sortir, vous voulez vraiment, le développer, l'ancrer, travailler dessus pour aller le plus loin possible avec ?
Oui. Et puis en faire un deuxième derrière. Je n'ai pas envie que ce soit juste un album comme ça, comme des fois tu poses une pierre et après tu passes à autre chose. Je commence depuis deux ans à bien voir les couleurs qui sont pas encore exploitées avec le groupe et vers lesquelles on peut aller.
Vous êtes déjà en train de composer pour un numéro 2 ?
Des petites bribes comme ça, mais c'est tout. Ca me prend beaucoup de temps la sortie de l'album, le concert à l'Ermitage... Il y a de la promo, ça fait beaucoup de trucs en tête, j'ai besoin d'être plus libre pour me remettre composer. Je pense à partir de la fin de l'année quand ça sera passé.
Un petit mot de conclusion ?
J'espère que plein de gens vont pouvoir découvrir l'album et le groupe sur scène, parce que l'album c'est chouette, mais c'est aussi un tremplin pour pouvoir jouer après. J'espère au delà de la France, au delà des frontières...
Propos recueillis par #PG9
Note: un passionnant entretien avec Simon Mary a eu lieu précédemment sur son parcours et la genèse du groupe. Vous pourrez le lire ici
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