Il n'y a jamais de hasard... Je suivais "Contrebrassens" depuis longtemps. A l'occasion de son retour à Avignon, Hop! Entretien avec Pauline Dupuy. Cécile Morel lit l'interview, me contacte pour "Molly B." et nous avons un super échange. Dans la foulée du dossier (passionnant) sur le slam, Jérôme Pinel, Champion du Monde 2019, crée au Off un spectacle produit par la fantastique équipe du Bijou de Toulouse. Hop, entretien! Tout ce beau monde se retrouve programmé dans le même théâtre: "le théâtre des Lila's". Un coup de fil s'imposait pour comprendre. Ce que vous allez lire ci-après est profondément émouvant. Une magnifique leçon de vie et d'humanité. De celle qui pousse à faire danser les émotions sous la pluie. Ensemble. Bonne lecture
Enchanté Christine ! Superbe programmation au théâtre des Lila's... Qui l'a concoctée ? Comment expliquer ce tour de magie ?
Enchantée Philippe. C'est difficile à dire ! Le théâtre des Lila’s, c’est avant tout un collectif d'artistes et de techniciens du spectacle vivant et une histoire d’amitiés. Sa programmation est une histoire de rencontres, d’affinités, de réseaux et de bouche à oreilles. On a ouvert en 2015, ce n’est que notre 5ème saison. Cette année, le premier spectacle, celui de 11h, "Le Nazi et le Barbier" est magnifique. C’est lors d’une réunion en novembre dernier à Avignon, organisée par l’association les Sentinelles - dont le but est de clarifier, améliorer les liens entre les Théâtres du OFF et les Cies - que nous avons rencontré son président, David Nathanson. Il est comédien. On a sympathisé, il est venu visiter le théâtre. David n'avait pas forcément envie de refaire Avignon cette année, mais il a apprécié le lieu, nos conditions d’accueil et il a eu envie de repartir à l'aventure avec nous.
Le second spectacle, "Les Monologues d'un code-barres" de Jérôme Pinel à 13h, c'est Pascal Chauvet du Bijou de Toulouse qui le diffuse. Avec Pascal, nous nous sommes rencontrés la saison dernière à l’occasion de la programmation d’Archibald, un spectacle musical de Quevin Nogues qu’il accompagne. Pascal m'a contactée à la fin de l'été 2018 en me disant qu'il aimerait bien lancer Jérôme aux Lila’s. Il m'a envoyé les teasers et j'ai eu un coup de cœur. Très poétique, engagé... J’ai diffusé aux autres, nous sommes tombé.e.s d'accord. Ce spectacle correspondait à la ligne artistique que l’on essaie d’affirmer, défendre, maintenir. Je pense que tous les spectacles de cette saison, correspondent à cette ligne.
On ne va pas faire toute la programmation, le programme je le mettrai de toutes façons. On va effectivement parler du théâtre des Lila's... Vous êtes un collectif.
Oui. Pour être précise, le théâtre m'appartient depuis 2015. Il est situé au rdc d’une vieille maison provençale où j’ai acquis en 2009, 2 petits appartements juste au-dessus du théâtre. Je vis à Lyon où j’ai un parcours de danseuse et de médecin hospitalier. J'ai toujours tissé les deux, même si aujourd’hui je suis un peu plus médecin que danseuse. Je dansais et vivais avec Lila Nett, une chorégraphe et danseuse américaine lyonnaise d’adoption. Tous les gens du collectif sont des personnes qui, dans la vie, comme dans la danse, ont cheminé avec elle, avec nous.
Lila et moi avions sympathisé avec Alain Tholl directeur du théâtre qui s'appelait à l'époque "L'Art en scène". En juillet 2014, il a annoncé qu’il allait vendre mais ne voulait pas vendre à "un marchand de théâtre"... Il a demandé si ça nous intéressait. Lila était toujours plus partante que moi et osée dans ses projets, alors même qu’elle se savait condamnée par un cancer elle avait besoin, elle rêvait de cet ultime projet. Alors, on a dit oui. Tout cela a été possible, avant tout grâce à une donation de mon père aujourd’hui décédé et à qui je dois tout, et à un emprunt. La vente était prévue le 8 Janvier 2015, Lila est décédée le 2. J'ai donc signé à un moment très douloureux, mais ce projet a été la façon pour moi de repartir dans la vie. Avec celles et ceux qui m’ont apporté leur soutien inconditionnel, on a décidé de faire quand même notre 1ère saison en 2015, avec 5 spectacles de compagnies amies.
Ça a été le début d’une histoire d'amitiés, autour de valeurs simples. Notre but n’est pas de gagner de l’argent, mais on ne veut pas en perdre non plus. On essaie d’équilibrer au plus juste notre budget. Progressivement en 5 ans, on a équipé le lieu en matériels son et lumière.Tout est fait maintenant pour être un théâtre permanent, et on commence à ouvrir progressivement en dehors du Festival depuis 2018. On a tissé un partenariat avec la LanGouste à BreTelles, centre LGBT du Vaucluse situé à deux pas, dans la même rue. A l’occasion de l'IDAHOT, International Day Against Homophobia and Transphobia, leur compagnie de théâtre amateur les ArquéEs a présenté son spectacle "Et pendant ce temps sous l’arc en ciel" en mai 2018. C'était d’une grande qualité. On a poursuivi ce partenariat en 2019 avec la Cie les DégenréEs qui a créé en mars "La fille.... comme ça" et de nouveau en mai à l’occasion de l’IDAHOT, 3 jours pour les DégenréES et les ArquéEs où le petit théâtre a fait salle pleine.
Vous êtes vous la présidente du collectif. Il regroupe combien d'artistes ?
Je suis la présidente de l'association "L'Ame dans la pluie" qui gère le théâtre des Lila's. On est une petite dizaine. Jusqu'en 2018, il y a toujours eu quelqu'un.e du collectif qui a présenté un spectacle, et il y a toujours eu un spectacle de danse, en hommage à Lila. Cette année, malgré une belle programmation, je suis un petit peu triste et déçue parce qu'il n'y a pas de propositions de danse. Le lieu n'est pas encore connu pour ça. Il est vrai que c'est un tout petit espace, mais on peut y créer de belles petites pièces. Solos ou duos... oui, il va nous falloir repartir en quête de Danse.
Le travail que vous faites et votre investissement sont magnifiques. C'est quand j'ai appris que "Contrebrassens", très beau spectacle, jouait chez vous que j'ai regardé... et tout s'est enchaîné !
On a chaque année une Cie coup de cœur. Dans l’appartement du 2ème étage de la maison, j’héberge chaque année la Cie coup de cœur qui a un budget serré et qui n’aurait pas fait Avignon sans ce coup de pouce. Et puis ce sont des rencontres, des échanges... tout cela est humainement très riche.
J'imagine que vous êtes submergés de demande de programmations... Comment choisissez-vous les projets ?
On n'est pas tant submergé de demandes que ça, tout au moins de propositions qui nous touchent. Il y a des choses qui ne sont pas du tout dans notre ligne artistique, d’autres qui nous intéressent mais l'espace ne convient pas. On a une sensibilité et des valeurs artistiques qui sont assez communes, aussi le choix final n'est pas trop difficile. Ce qui est parfois délicat, ce sont les Cies déjà reçues au théâtre qui souhaitent revenir, mais dont le nouveau projet artistique nous plaît moins. Ce n’est pas toujours facile de dire Non, de défendre le côté artistique au dépens du côté affectif, humain.
Le plateau fait combien ?
C'est 5m x 4,50m. Pour beaucoup de petites formes, c’est bien. Le théâtre a 46 places en gradins. Il a une belle acoustique. Il y a une cour derrière le théâtre réservée aux Cies avec un espace de convivialité et de préparation pour elles. Et devant le théâtre, une jolie place paisible, ombragée avec des pins parasols où se situe l’espace billetterie et un espace bar avec tables et chaises pour faire halte, discuter, se ressourcer…
Ce que je retiens de ce que vous dites et qui est magnifique, c'est que ce que vous faites, vous le faites pour l'amour de l'art en général...
Pour l'amour de l'art et des artistes. D'ailleurs on a un spectacle cette année, présenté par la Cie Le théâtre de l’Accalmie "Natasha ou le Lapin de Gerd" de Jean Louis Bourdon, auteur contemporain vivant, qui est un beau conte pacifiste, très beckettien, manifeste contre l’absurdité de la guerre. A la fin du spectacle, un des soldats dépose son arme et part faire la guerre avec un livre de poésie.... avec la musique, la danse et la force des mots. C’est exactement ce que l’on tente de faire. Partir en guerre avec l'art contre ce monde violent étourdi de vitesse, contre la folie du consumérisme y compris culturel... avec du théâtre, de la musique, des chansons, des textes, des auteurs, de belles personnes qui nous émeuvent et nous interrogent, comme Jérôme, Cécile, Pauline et les autres, qui ont une intégrité, une sincérité, une générosité, un engagement. Une vraie passion. N’oublions pas que le théâtre des Lila's, c'est le théâtre des Lila's passions, Lila's friends, Lila's dreams... c'est tout ça et on a envie de représenter tout ça.
Faire danser les émotions avec l'art...
Propos cueillis par #PG9
Pour en savoir plus sur...
"Les Monologues d'un code-barres",13h: entretien avec Jérôme Pinel
“Molly B., une heure dans la peau d'une femme”, 16h30: entretien avec Cécile Morel
“Contrebrassens”, 20h05: entretien avec Pauline Dupuy
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