top of page
  • Photo du rédacteurCulture Etc

[Pourquoi Slamez-vous?] Coupe de la Ligue Slam 2019: Mü, Vernou

Dernière mise à jour : 23 juin 2020

Slameuse/ Slameur:

Equipe de: Vernou (pour 2019), Aubagne (pour 2020)


Mü par Emmanuel Chamin - Machin Truc (c)

Pourquoi Slamez-vous?

Enquête auprès des slameurs sélectionnés pour la Coupe de la Ligue Slam de France 2019 www.ligueslamdefrance.fr


Bonjour Mü ! Comment as-tu rencontré le slam ?


Bonjour Philippe ! C'était au cours d'un stage professionnel, il y a.... 14 ans. Je suis professeur documentaliste et à l'époque, le CNDP (devenu depuis CANOPE) organisait des stages : sur l'oralité, sur le débat littéraire, sur le conte, bref des thématiques pédagogiques. Et parmi ces propositions, un jour, il y a eu le slam, et là j'ai découvert complètement.


En gros tu es passée de la lecture à l'oralité ?


C'était une préoccupation professionnelle, il fallait que je me forme. A côté de ça, on a tous une vie personnelle et il se trouve que j'écrivais déjà un peu. J'étais assidue à un atelier d'écriture, que je continue d'ailleurs de fréquenter, dans le village où j'habitais à l'époque. J'avais aussi une pratique amateur de théâtre, très très amateure. Alors quand j'ai découvert le slam au cours de ce stage, j'ai trouvé ça absolument génial ! Soudain, tu deviens responsable de ton écriture, de ta mise en acte, de ton interprétation, de ta mise en scène, tu es responsable de tout de A à Z. En 3 minutes, tu peux avoir des résultats rapidement encourageants. Et une scène slam, c'est un spectacle qui est toujours surprenant. C'est ensuite, en pratiquant que j'ai découvert que c'était un véritable échange. Il y a une vraie dynamique sociale, citoyenne, interindividuelle...


Les lieux de slam sont des lieux d'échange


Oui, d'échanges, de propos, de rencontres et de respect aussi. Parce qu'on rencontre des personnes que l'on n'aurait jamais eu l'occasion de croiser. C'est un bon exercice d'empathie pour aller à la rencontre de l'autre, se mettre à sa place, faire bouger les lignes, faire évoluer ses propres points de vue...


Ca t'aide à mieux comprendre la manière de fonctionner des autres ?


Ca peut aider, mais ça n'est pas forcément le but. Moi j'y vais surtout pour l'amour des mots, l'amour de la langue, pour être surprise... J'y vais quand même pour écouter, pour le spectacle, et on a alors l'occasion de parler longuement avec des personnes que l'on aurait peut-être juste croisées vite fait.


L'écriture t'est venue de quel goût puisque tu dis que tu écrivais avant?

Mü. Photo: Gilles Bois (c)

J'écrivais en atelier, mais ça vient sûrement d'encore plus loin. Je crois que c'est une envie qu'on porte en soi. On porte des envies, que ce soit des envies de créativité ou des envies de pratiquer, de prendre des risques quelquefois, enfin bon, on porte des tas d'envies. Et un jour on les concrétise, on s'y met. Pour moi, l'écriture, c'est sûrement venu à force de lire. Peut-être effectivement, l'envie dormait depuis longtemps. Un jour, il m'a fallu me mettre à écrire pour un concours administratif. Ecrire écrire écrire... Des écrits pas du tout marrants, pas du tout intéressants. Et une fois le concours passé, je me suis dit que si j'avais réussi à dérouiller mon stylo dans un contexte administratif, je pouvais faire le même chemin pour écrire des choses qui me plaisent d'avantage. A l'origine, j'envisageai plutôt des nouvelles, et plutôt des nouvelles policières. Oui, mon truc, c'était la nouvelle, pas du tout la poésie, mais alors pas du tout.


Et ce qui t'a fait basculer dans la poésie donc c'est cet atelier pendant la formation ?


Oui, c'est ce stage. Tout à fait. Mais ça n'est pas venu tout de suite... la poésie, j'aimais bien l'écouter. Mais je n'allais pas spontanément vers elle, je n'en lisais pas. D'ailleurs, je suis toujours rebutée à l'idée d'en lire. Pour moi la poésie se met en chant, en voix, elle se met même en acte, en jeu, en scène, mais la lire silencieusement comme on parcourt un roman... C'est très compliqué de la savourer en silence. Par contre, je lisais des nouvelles, je souhaitais en écrire, je lisais aussi pas mal de théâtre, j'avais une attirance pour le théâtre contemporain. Le lien avec le slam s'est fait à partir de là. J'ai eu un déclic en découvrant certains textes de Valère Novarina, c'était une écriture ébouriffante. Et stimulante.


Et donc tu as fait le stage qui t'a fait découvrir le slam et tu es allée à des scènes après ?


Oui, c'est exactement ça. Mais je n'y suis pas allée tout de suite. Parce que je ne sais pas où tu habites, mais à Toulon, du slam, il n'y en avait pas. Je ne savais pas à qui m'adresser. J'ai porté l'envie pendant pas mal de temps, en me disant que j'allais m'y mettre, je cherchais vaguement... ça a quand même bien duré 2 ou 3 ans. Ce qui me fait rire, c'est que ça aurait tout à fait pu en rester là : l'envie en arrière-plan, gribouiller quelques feuilles, continuer des activités ici et là. La toute première scène : je me souviens que dans la même année, (fin 2007 il me semble), je me suis trouvée au festival d'Avignon, une scène animée par Eva-DT et ensuite au théâtre des Argonautes à Marseille, une scène animée par Chronos. Quand j'ai découvert qu'il y avait une scène mensuelle à Marseille, à partir de là, j'ai été très très assidue. C'est comme ça que ça s'est amorcé. Ca a été un peu lent, il a fallu une petite maturation...


Mü et Ypnova. Photo: Vincent Juste Vincent (c)

Mais cette maturation t'a fait du bien ou si c'était allée plus vite ?


Si ça ne m'avait pas fait du bien, je pense que je n'aurais pas persévéré... C'est devenu une passion, c'est devenu... maintenant, je slame et c'est aussi la magie de la scène, du tournoi, du concours. Et l'aspect relationnel : le slam, c'est toute une communauté. Au début, à Marseille, c'était tout une dynamique : on se connaissait, on se retrouvait chaque mois. Ensuite il y a eu aussi des scènes à Toulon : avec Sylvie, une copine écrivain public, on avait créé une petite association (Energie slam) et on a mis en place des scènes à Toulon. Je me suis retrouvée présidente un peu par hasard, un peu malgré moi, parce qu'il fallait bien que quelqu'un accepte de la porter. Pendant 5 ans on a essayé d'implanter le slam à Toulon, ça va, ça vient, on tournait un peu en vase clos... Aujourd'hui l'association est en sommeil, mais depuis le début de l'année, un nouveau lieu accueille des slameurs et des rappeurs un jeudi par mois. Alors c'est intéressant d'aller découvrir de nouvelles voix et faire connaissance. Et moi j'adore jouer, j'adore … c'est vraiment du concours pour rire, sans se prendre au sérieux, sauf que quand même on se prend au jeux. Et puis finalement, c'est du bonheur de se retrouver régulièrement. Par exemple pour la Coupe de France, retrouver les copains d'autres villes, je ne les vois qu'une ou deux fois par an, ou par hasard... C'est une super perspective.


On entendait un peu la comédienne la femme qui aime le théâtre aussi


Oui, peut-être bien. Bien sûr. C'est un véritable spectacle et tu m'as posé la question « est-ce que ça t'a fait du bien ? ». Alors oui, ça fait du bien, mais c'est très réducteur de s'en tenir à l'aspect « thérapeutique ». Prendre la parole peut constituer un exutoire, mais ce qui va surtout faire du bien, c'est le soulagement quand tu descends de scène, de pouvoir te dire « oui, je l'ai fait ! ». Parce qu'affectivement c'est difficile de parler en public, on est très démuni. Personnellement, au début, il n'y avait pas plus timide que moi, c'est quasiment pathologique. Finalement, j'ai été surprise de réussir à m'exprimer comme ça devant un nombre important de personnes. Et néanmoins, malgré le temps et la pratique, malgré l'habitude, ça me demande toujours le même effort, il y a toujours ce trac... C'est difficile. Ca se travaille, il paraît. Il doit y avoir une sorte de masochisme à vouloir absolument monter sur scène malgré tout !


Comment écris-tu ? Qu'est-ce qui t'inspire... ?

Mü. Photo: Gilles Bois (c)

J'écris chez moi, sans pouvoir y consacrer autant de temps que je voudrais. J'écris par flashs en fait, sans idées préconçues, peu de préparation. Souvent, c'est une formule qui se pointe dans ma tête, et ça tourne, ça reste là, ça me plaît, je prends note. Et puis un jour je me pose, je développe, je brode, j'approfondis, j'en fais plus ou moins quelque chose. Il y a des flashs qui arrivent, c'est super, dans les moments où le cerveau se trouve en ondes alpha, au moment où on n'est pas encore complètement réveillé, on est encore un peu dans le sommeil. Là, les pensées qui arrivent, il ne faut surtout pas les censurer. Le plus simple, c'est d'avoir un papier un stylo à portée de mains et d'écrire ce qui vient. Ensuite on peut en faire quelque chose, suivant les thèmes. Quelquefois je m'impose un thème, ou un point de vue, j'aime bien les thèmes engagés, j'aime beaucoup les jeux de mots aussi ou alors décortiquer les mots. Trouver de nouveaux mots, en inventer au besoin. C'est fabuleux quand on tombe sur un mot « tout neuf », qu'on ne connaissait pas... Exérèse par exemple.. ou anacoluthe ! Des mots vraiment qui semblent bizarroïdes, obsolètes, inusités. J'adore placer un mot comme ça, peu importe le sens. Mais bon, pas trop souvent, sinon on perd l'auditoire, évidemment. Et j'aime aussi jouer avec les sonorités. Chaque année, il y a la manifestation des 10 mots de la langue française, avec le concours « Dis-moi dix mots » des éditions Universlam. C'est l'occasion de s'inventer des exercices, de se donner de nouvelles contraintes d'écriture.


Tu mets combien de temps pour écrire un texte en gros ? Ca peut être variable j'imagine...


Oui, ça peut être 20 mn à 4-5-6 ans... C'est vrai ! Ce n'est jamais terminé un texte...


Il est terminé quand même à un moment: quand tu descends de scène, c'est ce que tu disais.


Oui, mais il m'arrive encore de modifier ensuite... L'écriture, c'est un aspect du slam à mon sens. Ensuite il y a l'interprétation. Le texte, il faut l'éprouver à l'oral, puis devant un public. Un texte n'est vraiment terminé que quand il sonne bien. En tant qu'auteur d'un texte, je considère que le slam est terminé quand il sonne bien à mon oreille d'auteur. Et c'est seulement là que je l'apprends par cœur, c'est beaucoup d'efforts, je suis sujette aux trous de mémoire... On vit un grand moment quand on tombe dans un trou de mémoire !


Tu as toujours la feuille à côté ou tu essaies de mémoriser ?


J'ai souvent la feuille dans la poche, mais j'essaie de mémoriser. C'est tellement mieux, tu as fait du théâtre donc tu comprends qu'il faut se libérer du texte pour mieux l'interpréter.

Un grand merci à la Ligue Slam de France, à toute l’équipe de Vernou, notamment bien sûr à pour sa disponibilité... Propos recueillis par #PG9


Mü. Photo: Vincent Juste Vincent (c)

Tous les portraits sont regroupés ici:



26 vues0 commentaire
bottom of page